La FIDH et l’OMCT dénoncent des disparitions forcées, arrestations arbitraires, enlèvements et tortures au Sahel depuis 2020

Afriquinfos Editeur
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Carte des pays membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) au 29 janvier 2025 après le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso, les trois membres de l'Alliance des États du Sahel (AES).

Les juntes militaires au Mali, Niger et Burkina Faso et les autorités du Tchad doivent libérer les défenseurs des droits humains « arbitrairement détenus » et « faire cesser toutes formes d’attaques » contre eux, ont appelé, ce 20 février 2025, plusieurs ONG internationales.

« Les autorités de ces pays doivent faire cesser toutes formes d’attaques et de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains », demandent dans un Rapport conjoint la FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) et l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture). Elles doivent « procéder à leur libération immédiate et inconditionnelle tout en abandonnant toutes les charges à leur encontre », poursuivent les deux ONG réunies au sein de l’Observatoire pour la protection des droits humains.

Le capitaine Ibrahim Traore (à gauche), chef du régime militaire du Burkina Faso, assis à côté du général Abdourahamane Tiani (à droite), son homologue du Niger, le 5 juillet 2024 à Niamey.

Selon elles, les violations des droits humains ont considérablement augmenté au Sahel, particulièrement au Burkina Faso, au Mali, au Niger, et au Tchad. Ces pays, marqués par des coups d’État successifs depuis 2020 et des violences jihadistes, « utilisent des lois de manière abusive » pour réprimer les voix dissidentes et « criminaliser » les activités des défenseurs des droits humains, « souvent sous prétexte de menaces à la sécurité nationale », souligne le Rapport.

L’Observatoire a documenté 61 cas de violations ciblant des défenseurs des droits humains entre janvier 2020 et septembre 2024, dont des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des enlèvements et des actes de torture. Les victimes sont des avocats, des activistes et membres d’associations, des journalistes, des professeurs, et des membres de la Société civile protestant « contre les pratiques attentatoires aux droits humains » des autorités militaires des quatre pays, indique l’Observatoire.

– « Réquisitions à pétition au Sahel » –

A travers des exemples individuels, il « met en lumière l’alignement des autorités de la région dans la répression ». L’Observatoire souligne ainsi l’utilisation du chef d’accusation d’ »atteinte au crédit de l’État » au Mali pour faire taire toute voix discordante, comme l’économiste malien et professeur d’Université Etienne Fakaba Sissoko. Il est détenu depuis fin mars 2024 pour « atteinte au crédit de l’État », « injures » et « diffusion de fausses nouvelles perturbant la paix publique ».

Il avait publié en 2023 un livre sur la communication de la junte, dans lequel il critiquait des « contenus aux caractères douteux » et des méthodes « basées sur la propagande, l’agitation, la manipulation et même le mensonge », selon le site de l’éditeur, l’Harmattan. Au Burkina Faso, « une dizaine de défenseurs » ont été « réquisitionnés » par l’Armée pour aller combattre au front, avec l’entrée en vigueur d’un décret pris par le pouvoir d’I. Traore.

Parmi les plus connus, se trouvent Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, membres du collectif ‘Balai citoyen’, indique l’Observatoire. Au Niger, les autorités « usent de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire » pour neutraliser les défenseurs et museler les journalistes, relèvent les ONG. En septembre et octobre 2023, la journaliste Samira Sabou avait été interpellée et détenue au secret, avant d’être remise en liberté provisoire et inculpée notamment pour diffusion de « données de nature à troubler l’ordre public ».

Elle avait « partagé sur sa page Facebook un document confidentiel concernant les mutations de certains officiers de l’Armée nigérienne, ce qui pourrait, selon ses proches, être à l’origine de son arrestation« , explique l’Observatoire. Enfin, ces pratiques « sont aussi courantes au Tchad », où Ahmat Haroun Larry, activiste et lanceur d’alerte a été détenu au secret du 10 mai au 13 juin 2024.

L’Observatoire exhorte le Burkina Faso, le Mali et le Niger, tous les trois déjà dotés d’une loi de protection des défenseurs, à respecter leur engagement et invite le Tchad à adopter la même loi.

© Afriquinfos & Agence France-Presse