Kenya : En plein marasme économique, un ministre facture l’achat d’un stylo à 80 euros

Afriquinfos Editeur
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 Ce sont des stylos et des préservatifs qui se trouvent au cœur du problème. En effet, des parlementaires accusent le ministère de la Décentralisation et de la Planification d’avoir commandé et surfacturé de nombreux produits d’utilisation courante à des fins d’enrichissement personnel. Parmi ces biens, ce sont les prix des stylos qui ont suscité l’indignation générale. Dans les rues de Nairobi, un stylo coûte autour de 10 centimes d’euros. Pourtant, au sein du gouvernement kényan, on les achète à la coquette somme de 80 euros. ..Ce qui a valu à cette affaire le surnom du «stylogate».

Outre les stylos, on trouve dans la liste des biens surfacturés un écran télé à 15.000 euros, une photocopieuse à 12.700 euros, des chaises à 500 euros chacune, ou une série de tapis facturée près de 35.000 euros. En outre, le ministère aurait acheté un piano à plus de 2.000 euros et dix-huit distributeurs de préservatifs pour 4.000 euros. Face à ces accusations, la ministre kényane de la Décentralisation et du Plan, Anne Waiguru a été convoquée le 10 novembre dernier devant la Commission d’éthique et anticorruption.

 Encaissant pendant plusieurs heures une pluie de questions, Anne Waiguru a affirmé tout ignorer des achats, qualifiant les accusations dont elle fait l’objet de «vicieuses» et de «mal intentionnées». «Ni par la loi ni en pratique, je ne fais des achats au nom du ministère. Je ne signe ni ne négocie aucun contrat», a soutenu la ministre. Ces explications n’ont pourtant pas réussi à apaiser les esprits et taire les rumeurs. De plus en plus, l’indignation est générale, et le visage d’Anne Waiguru s’étale jour après jour, à la «Une» de la plupart des quotidiens du pays.

Cette affaire intervient dans un contexte  ou l’Etat est très endetté, la dette publique du pays ayant franchi 50% du PIB le mois dernier, et le Gouvernement affirme ne pas avoir assez d’argent pour payer les fonctionnaires ou développer les infrastructures.

«Ce scandale va très certainement ébranler les chances du président pour être réélu aux élections de 2017, estime Amukowa Anangwe, professeur à l’université de Dodoma, en Tanzanie, et grand observateur de la vie politique kényane. Il faudrait qu’il arrive à effectuer un saut périlleux politique et à engager des initiatives radicales pour polir son image, comme de chevalier de la lutte contre la corruption».Un défi très difficile pour le gouvernement kenyan. Selon un rapport publié cette année, à peine 1 pour cent des dépenses du Gouvernement répondent aux normes comptables.

Ce n’est pas la première fois que le Kenya est entraîné dans une affaire de corruption. En 2000, le scandale de l’Anglo Leasing impliquant le détournement de 600 millions de dollars avait déjà coûté cher au président de l’époque, Mwai Kibaki. Selon l’organisation non gouvernementale Transparency International, le Kenya reste le 145e pays le plus corrompu du monde  sur 175 pays.

Larissa AGBENOU