A ce jour, 29 personnes ont été inculpées dont 7personnes en fuite; 17 mandats d'arrêt ont été délivrés,et six personnes détenues. Pourtant, depuis sa création en juin 2002, la CPI n’a prononcé qu’une sentence.
Ce premier procès, remonte au 26 janvier 2009, jour où le Congolais T. Lubanga a été inculpé pour crimes de guerre. Le 14 mars 2012, il a été reconnu coupable de crimes de guerre. C'est le premier jugement rendu par la Cour pénale internationale.
Un deuxième procès s'est ouvert en 2009, celui des sieurs Katanga et Ngudjolo devant la Chambre de première instance. Mais le 31 août 2009, il a été décidé de repousser la date de l'ouverture du procès au 24 novembre 2009, qui s'est finalement ouvert début 2010. Jusqu’a ce jour le jugement final n’est pas prononcé.
Cette affaire est loin d'être la seule à rester en suspens depuis plusieurs années, ce qui alimente les critiques à l'égard du tribunal de La Haye, dont le bilan après treize années d'existence est très mitigé.
Un bilan que Fatou Bensouda la procureure a promis de redresser à sa prise de fonction en juin 2012. Mais sous sa houlette, les grands dossiers de la CPI sont toujours en suspens. Parcours des22 affaires dans le contexte de la situation de 8 pays devant la Cour.
Affaire de l’Ouganda
La CPI a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre des cinq principaux dirigeants de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) tous accusés de crimes de guerre. Selon l'ONU, la rébellion a, depuis sa création, tué plus de 100.000 personnes en Afrique centrale et enlevé plus de 60.000 enfants.
À la suite de la confirmation du décès de Raska Lukwiya, l’un des inculpés, les procédures engagées à son encontre ont été abandonnées. Le 16 janvier 2015, Dominic Ongwen a été remis à la garde de la CPI et transféré au quartier pénitentiaire de la Cour le 21 janvier 2015. Sa première comparution devant le juge unique de la Chambre préliminaire a eu lieu le 26 janvier 2015.
Ongwen, âgé d'environ 35 ans, est rentré dans l’histoire pour s’être lui-même rendu à la CPI. L’ex chef rebelle avait décidé de renoncer à la lutte armée et s'était rendu de lui-même aux rebelles centrafricains de l'ex Séléka, avant d'être remis aux militaires américains.
La reddition de Dominic Ongwen est un coup dur pour la LRA, une rébellion créée dans le nord de l'Ouganda en 1987. Le mouvement, chassé par l'armée ougandaise en 2006, s'est scindé en petits groupes, éparpillés dans les forêts équatoriales des pays de la région.
Dominic Ongwen et Joseph Kony, sont sous le coup de mandats d’arrêts émis par la CPI. Les trois autres suspects demeurent en liberté.
Le cas de la RDC
Le 24 février 2003, lors de l'attaque lancée contre le village de Bogoro, situé dans le district de l'Ituri en RDC, la CPI a inculpé quatre personnes. Thomas Lubanga Dyilo, Germain Katanga, Bosco Ntaganda et Sylvestre Mudacumura. Les trois premiers sont actuellement détenus par la Cour, le dernier demeure en fuite.
Le 10 juillet 2012, la Chambre de première instance a déclaré M. Lubanga coupable. Il a été condamné à une peine totale de 14 ans d’emprisonnement.
Mathieu Ngudjolo Chui a été acquitté des charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité portées à son encontre et la cour a ordonné sa libération immédiate le 21 décembre 2012.
Le 7 mars 2014, la Chambre de première instance a déclaré Germain Katanga coupable, en tant que complice d'un chef de crime contre l'humanité et de quatre chefs crimes de guerre
L’audience de confirmation des charges contre Callixte Mbarushimana s’est tenue du 16 au 21 septembre 2011.Le 22 mars 2013, Bosco Ntaganda, s’est rendu volontairement à la Cour et est actuellement en détention.
Soudan
Au Soudan, quatre mandats d’arrêt ont été délivrés par la Chambre préliminaire à l’encontre de MM. Harun, Kushayb, Al Bashir et Hussein accusés de crimes contre l’humanité. Les quatre suspects sont actuellement en fuite.
Deux autres citations à comparaître ont été délivrées contre M. Banda et M. Jerbo qui ont comparu volontairement devant la Chambre préliminaire le 17 juin 2010. Suite à la réception de preuves indiquant que M. Jerbo serait décédé le 19 avril 2013, la Chambre de première instance a mis fin à la procédure engagée contre ce dernier.
Le 11 septembre 2014, la Chambre de première instance a délivré un mandat d'arrêt à l'encontre d'Abdallah Banda Abaker Nourain. La Chambre a également ajourné l'ouverture du procès, prévue pour le 18 novembre 2014, et a demandé au Greffe de la CPI de transmettre les nouvelles demandes d'arrestation et de remise à tout Etat, y compris le Soudan, sur le territoire duquel pourrait se trouver M. Banda.
Affaire du Kenya
Le président kényan, âgé de 53 ans, a été le premier chef d’Etat en exercice à comparaitre devant la CPI.
Uhuru Kenyatta est soupçonné de crimes contre l'humanité pour son rôle présumé dans les violences postélectorales de 2007-2008 au Kenya, qui avaient fait plus de 1.000 morts et plus de 600.000 déplacés. Initialement prévu pour débuter fin 2013, le procès a été ajourné à maintes reprises. La lenteur de la procédure et la rétractation des témoins ont amené sa défense à demander l'abandon des poursuites.
Ce qui a été finalement fait. La procureure a accusé le gouvernement du Kenya de refuser à coopérer avec la cour. Admettant ne pas disposer d'assez de preuves pour un procès contre Uhuru Kenyatta. Selon la cour, l'accusation a appelé, en vain, Nairobi à lui fournir des documents qu'elle juge cruciaux notamment, des extraits bancaires, des déclarations d'impôts, des relevés téléphoniques et des actes de transfert de propriété qui pourraient prouver la culpabilité de l'accusé.
Le vice-président kényan, William Ruto, est lui aussi poursuivi devant la CPI pour des accusations similaires. Son procès a débuté le 10 septembre 2013.
Affaire de la Libye
Le 26 février 2011, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé, à l’unanimité de ses membres, de saisir le Procureur de la CPI de la situation en Libye. Le 3 mars 2011, le Procureur de la CPI a annoncé l’ouverture d’une enquête dans la situation en Libye. Le 27 juin 2011, la Chambre préliminaire a délivré trois mandats d’arrêt à l’encontre de Muammar Kaddafi et son fils Islam et A. Al-Senussi pour des crimes contre l’humanité (meurtre et persécution) qui auraient été commis en Libye du 15 jusqu’au 28 février. Suite au décès de Mouamar Khadafi, la Chambre préliminaire a ordonné la clôture de l’affaire à l’encontre de ce dernier le 22 novembre 2011. Mais jusqu’alors Les deux autres suspects ne sont pas détenus par la Cour. Le 31 mai 2013, la Chambre préliminaire a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par les autorités libyennes concernant l'affaire à l’encontre de Saif Al-Islam Gaddafi et a rappelé à la Libye son obligation de remettre le suspect à la Cour.
Le 11 octobre 2013, la Chambre préliminaire I a décidé que l’affaire concernant Abdullah Al-Senussi était irrecevable devant la Cour car elle faisait l’objet d’une enquête nationale par les autorités libyennes compétentes et que ce pays avait la volonté et était capable de mener véritablement à bien cette enquête.
Jusqu’aujourd’hui,les autorités de Tripoli refusent l'extradition vers la Haye de Seïf al-Islam Kadhafi, fils du défunt Guide, et de Abdallah al-Senoussi, ancien chef des renseignements de la Jamahiriya, qu'elles tiennent à juger l'un et l'autre sur le territoire libyen.
Côte d'Ivoire
Le 3 octobre 2011, la Chambre préliminaire a autorisé le Procureur à ouvrir une enquête pour les crimes présumés qui auraient été commis en Côte d’Ivoire lors de la crise post électorale de 2010 2011.
Le 23 novembre 2011, la Chambre préliminaire a émis un mandat d'arrêt, contre l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité. Le 30 novembre 2011, le suspect a été transféré au quartier pénitentiaire de la CPI à La Haye par les autorités ivoiriennes. Le 5 décembre 2011, M. Gbagbo a comparu pour la première fois devant la Chambre préliminaire III.
La Chambre préliminaire I a confirmé, à la majorité, les quatre charges de crimes contre l'humanité (à l'encontre de Laurent Gbagbo et l'a renvoyé en procès. L'ouverture du procès devant la Chambre de première instance I est prévue pour le 7 juillet 2015.
La même situation a amené à inculper Charles Blé Goudé accusé de quatre chefs de crimes contre l’humanité qui auraient été perpétrés dans le contexte des violences post-électorales survenues sur le territoire ivoirien. Le 22 mars 2014, Charles Blé Goudé été remis à la CPI par les autorités de la Côte d’Ivoire et a comparu pour la première fois devant la Cour le 27 mars 2014. L'audience de confirmation des charges s'est tenue du 29 septembre au 2 octobre 2014. Le 20 décembre 2014, la Présidence de la CPI a renvoyé l'affaire devant la Chambre de première instance I, qui sera en charge du procès.
Mali
Le 16 janvier 2013, le Bureau du Procureur de la CPI a ouvert une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire du Mali depuis janvier 2012.La situation au Mali a été déferrée à la Cour par le Gouvernement du Mali le 13 juillet 2012.
Après avoir procédé à un examen préliminaire de la situation, notamment une évaluation de la recevabilité d’affaires éventuelles, le Bureau du Procureur a conclu qu’il existait une base raisonnable pour ouvrir une enquête. La situation au Mali est assignée à la Chambre préliminaire II.
Centrafrique
Le 30 mai 2014, le Procureur de la CPI avait reçu une saisine des autorités de la République centrafricaine concernant des crimes qui auraient été commis sur le territoire de la RCA depuis le 1er août 2012 pendant la période 2002-2003, où MM. Bemba, Musamba, etc. auraient appuyé le régime Patassé évincé par un putsch de François Bozizé.
Le Procureur a ouvert une enquête en mai 2007. Le procès a débuté le 22 novembre 2010, pour deux chefs de crimes contre l'humanité et trois chefs de crimes de guerre, à l'encontre des accusés et a renvoyé les cinq suspects en procès pour des atteintes présumées à l'administration de la justice
Le 21 octobre 2014, la Chambre préliminaire avait ordonné la mise en liberté provisoire d’Aimé Kilolo Musamba, de Jean-Jacques Mangenda Kabongo, de Fidèle Babala Wandu et de Narcisse Arido. Aimé Kilolo Musamba, Narcisse Arido et Fidèle Babala Wandu ont par la suite été libérés de la garde de la Cour.
Malgré les déboires de la cour que beaucoup dénoncent, la procureure Fatou Bensouda tient tête . « En dépit de ce que disent ses détracteurs, je considère que la CPI fonctionne extrêmement bien, au regard des conditions difficiles dans lesquelles elle opère et des contraintes qu'elle subit. Il y a eu tant à faire en dix ans…Nous avons établi cette Cour en 2002 à partir de rien», a riposté Fatou Bensouda dans une interview publiée sur lexpress.fr.
En attendant la série de procès, les populations s’impatientent.Lors de la visite à Bangui le 25 février de Fatou Bensouda, les autorités centrafricaines ont plaidé auprès d'elle pour l'ouverture rapide de procédures contre diverses personnalités soupçonnées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
La procureure a affirmé vouloir être sûre de pouvoir présenter des dossiers solides pour éviter de reproduire les erreurs commises dans les dossiers kényan ou ivoirien mais a néanmoins promis de « tout mettre en œuvre pour diligenter enquêtes et poursuites contre les principaux responsables afin que justice soit rendue aux victimes».
Fatou Bensouda formée en droit dans plusieurs universités du Nigeria travaille à la CPI depuis 2004. Elle y fut d'abord procureur adjointe puis est élue procureure générale de la CPI le 12 décembre 2011, succédant à L. Ocampo.
A propos de la CPI
À l'issue de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies, le Statut de Rome prévoyant la création de la Cour pénale internationale a été signé le 17 juillet 98. La Cour a été officiellement créée le 1er juillet 2002, date à laquelle le Statut de Rome est entré en vigueur. La Cour est compétente pour statuer sur les crimes commis à compter de cette date.
Au 1er mai 2013, 122 États sur les 193 Etats membres de l’Onu ont ratifié le Statut de Rome et acceptent l'autorité de la CPI. Trente-deux États supplémentaires, dont la Russie et les États-Unis d’Amérique, ont signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Certains, dont la Chine et l’Inde, émettent des critiques au sujet de la Cour et n’ont pas signé le Statut.
Selon les statuts, le Procureur peut ouvrir une enquête sur une situation déférée par un État partie ou par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il peut également décider de le faire de sa propre initiative s’il venait à recevoir de la part de certaines personnes ou organisations des renseignements concernant des crimes relevant de sa compétence.
Larissa AGBENOU