Kinshasa (© 2025 Afriquinfos)- En RDC, Félix Tshisekedi a mis fin aux fonctions de Jules Alingete Key à la tête de l’Inspection générale des finances (IGF), qu’il dirigeait depuis 2020. L’ordonnance présidentielle annonçant sa mise à la retraite a été lue mercredi soir sur la télévision nationale (RTNC). Christophe Bitasimwa Bahii, jusque-là chef des brigades des provinces, lui succède.
Dans une déclaration publique, Jules Alingete a remercié le chef de l’État pour la confiance accordée a salué son successeur:
« Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Son Excellence Monsieur le Président pour la confiance placée en ma modeste personne durant ces cinq années passées à la tête de l’IGF Mes très sincères félicitations et vœux de succès au nouvel IGF – Chef de service, M. Christophe Bitasimwa.», a-t-il écrit.
Figure emblématique de la gouvernance publique sous le mandat Tshisekedi, Alingete s’est imposé comme le visage de la lutte contre les détournements de fonds publics. Très actif médiatiquement, il s’est souvent exprimé en des termes tranchés contre ceux qu’il appelait les « criminels financiers en cravate ».
En janvier 2024, il écrivait ceci :’’À tous les prédateurs qui ont été happés par l’IGF, je leur souhaite une bonne repentance. À ceux qui ont échappé aux mailles du filet, je les exhorte à renoncer au banditisme financier’’.
Et d’ajouter à l’adresse de ses détracteurs : ‘’À ceux qui ont activement souhaité ma mort ou ma chute, qu’ils sachent que le ressuscité du 3ᵉ jour, Jésus-Christ de Nazareth, est au contrôle de ma vie.’’
Une personnalité clivant, mais centrale, de la vie publique
Il affirmait que les critiques répétées contre son institution étaient le signe que ‘’la lutte contre la corruption atteignait ses objectifs’’, dénonçant les ‘’diabolisation, complots, menaces et intimidations’’ subies par l’IGF.
L’un des dossiers les plus retentissants de son mandat reste celui du projet agro-industriel de Bukanga Lonzo. En octobre 2024, il s’était publiquement opposé à l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, qu’il accusait d’être ‘’l’auteur présumé de malversations financières de 208 millions de dollars’’. Cette accusation reposait sur un rapport de l’IGF que Matata avait nié connaître en séance plénière à l’Assemblée nationale.
Âgé de 62 ans, il remplissait les conditions : en RDC, la retraite s’applique à 65 ans ou après 30 ans de service. Il en comptait 35.
Mais au-delà du cadre administratif, c’est la portée politique de son départ qui suscite des interrogations. En cinq ans, Jules Alingete s’est imposé comme une figure de premier plan du pouvoir en place.
En effet, il n’hésitait pas à désigner certains gestionnaires comme des ‘’prédateurs ‘’ou des ‘’criminels financiers en cravate’’.
Des mots assumés, face à ceux qui l’accusaient d’agir pour sa carrière personnelle. Sa réponse : ‘’J’ai du dégoût pour la classe politique congolaise’’, affirmait-il.
Longtemps perçu comme l’un des visages de la lutte contre la corruption, il a aussi été accusé de partialité et de servir de relais à des règlements de comptes politiques. Des critiques parfois venues de l’intérieur même de la majorité présidentielle.
Il reconnaissait une approche ciblée, expliquant : ‘’Je suis uniquement contre ceux qui s’acharnent sur le trésor public’’. En octobre 2024, il a lui-même été visé par une enquête de la Cour des comptes.
Face aux critiques, il mettait en avant ses résultats. Il rappelait que l’IGF avait bloqué 1,5 milliard de dollars de dépenses irrégulières en 2023. Et selon ses chiffres, la trésorerie des établissements publics est passée de 180 millions de dollars fin 2021 à plus de 2 milliards fin 2024.
Avec le départ de Jules Alingete, c’est une personnalité clivante, mais centrale, de la vie publique congolaise qui quitte la scène institutionnelle.
V.A.