ABIDJAN (© 2025 Afriquinfos)- Elle fut la compagne, la confidente, et parfois la plume de Frantz Fanon. Pourtant, Josie Fanon demeure, pour beaucoup, un nom en creux, une silhouette dans l’ombre d’un géant. Et pourtant… Derrière cette invisibilité soigneusement façonnée par les récits officiels, se cache une femme d’engagement, de courage, et de feu.
De Marie-Josèphe à Josie, une naissance dans l’engagement
Née Marie-Josèphe Dublé autour de 1930 à Lyon (France), Josie grandit dans un milieu populaire, bercée par les valeurs syndicales et de gauche. D’origine corse et gitane, elle hérite d’un double regard : celui de l’exclue et celui de l’insoumise.
C’est à 18 ans qu’elle rencontre un jeune Martiniquais prometteur, Frantz Fanon, à Lyon, alors qu’il étudie la médecine. Entre eux, l’amour est immédiat, passionnel, et profondément politique.
Ils se marient en 1953. À cette époque, Fanon commence à coucher sur papier ce qui deviendra l’un des textes les plus puissants du XXe siècle : « Peau noire, masques blancs ». Josie, à la machine, dactylographie mot après mot. Mais elle fait bien plus : elle écoute, elle reformule, elle pousse la réflexion. Elle est déjà une part de l’œuvre.
Compagne de lutte, complice de plume

Quand Frantz Fanon est nommé médecin en Algérie, au sein de l’hôpital psychiatrique de Blida, Josie le suit ! C’est le début d’un autre combat. Elle devient témoin privilégié, puis actrice de la guerre d’Algérie.
Le couple s’engage activement aux côtés du FLN (Front de libération nationale). F. Fanon soigne, écrit, analyse. Josie observe, aide, transmet. Elle est là lorsqu’il rédige « Les Damnés de la terre », elle est là quand la maladie le ronge, et elle est là jusqu’au dernier souffle de Frantz, en décembre 1961, seulement à l’âge de 36 ans.
La veuve debout, entre silence et fidélité
On aurait pu croire qu’après la disparition de F. Fanon, Josie se retirerait. Mais fidèle à leur combat, elle retourne seule en Algérie, en 1962, peu après l’indépendance. Elle y élève leur fils, Olivier, et y poursuit une vie militante, discrète, mais acharnée.
Elle travaille comme journaliste à « Révolution Africaine », un hebdomadaire engagé, où elle continue de porter la parole des peuples en lutte : Algériens, Palestiniens, Vietnamiens, Sud-Africains… Josie Fanon reste dans le feu de l’action, sans jamais réclamer la lumière.
La fin, sans gloire ni oubli

Josie Fanon meurt à Alger le 13 juillet 1989. Seule, dans la même discrétion qui a caractérisé sa vie. Pas de livres signés de son nom, pas de mémoires, pas d’hommages officiels. Et pourtant, sans elle, une partie de l’œuvre de Frantz Fanon, cette pensée radicale de la libération, n’aurait sans doute jamais vu le jour de la même manière.
Aujourd’hui encore, des voix s’élèvent pour reconnaître le rôle de Josie Fanon. Pas seulement comme « femme de », mais comme femme debout, «fanm doubout» (comme on le dit dans les Caraïbes), militante, intellectuelle, journaliste, et témoin d’un siècle en feu qui a légué un engagement impérissable à plusieurs générations d’Africains, des Caraïbes et de la diaspora.
VL