Haïti souffre, s’enfonce, l’Afrique aphone sauf les valeureux Kenya et Bénin

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture

Port-au-Prince (© 2024 Afriquinfos)- Haïti s’enfonce un peu plus dans une crise politico-sécuritaire après la démission du Premier ministre Ariel Henry. Les gangs règnent toujours en maîtres dans le pays et la Force multinationale qui devait être déployée dans le pays se fait toujours attendre! Si deux pays africains, le Kenya et la Bénin, avaient décidé de fournir plusieurs milliers d’hommes pour rejoindre la Force onusienne précitée, Nairobi vient d’annoncer qu’elle suspendait l’envoi prévu de policiers sur le sol haïtien.

Haïti fait face à une vague de violences des gangs ces derniers mois tout comme une partie de l’Opposition a réclamé la démission du Premier ministre Ariel Henry. Celui-ci bloqué à Porto Rico a annoncé lundi 11 mars sa démission, plongeant un peu la première République noire au monde (indépendante en janvier 1804) dans une énième crise politique.

Dans la foulée, les pays des Caraïbes se sont réunis d’urgence en Jamaïque, à l’initiative de la CARICOM, avec des représentants de l’ONU et de plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis, pour tenter de trouver une solution au mal haïtien. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a annoncé après la réunion en Jamaïque que les Etats-Unis fourniraient 133 millions de dollars supplémentaires pour résoudre la crise, dont 100 millions à la Force multinationale devant être envoyée en Haïti, et 33 millions d’aide humanitaire.

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, présent virtuellement lors des discussions de la CARICOM, avait offert peu avant quelque 91 millions de dollars.

- Advertisement -

Haïti seul dans le monde noir…

La situation actuelle a mis du plomb dans l’aile de la Force multinationale qui devait être déployée dans le pays. Le Kenya et le Bénin sont les deux seuls pays africains à avoir annoncé l’envoi de troupes en Haïti à l’heure actuelle! Le Kenya a promis d’envoyer 1000 policiers et superviser la Mission, tandis que le Bénin se propose d’envoyer 2.000 soldats pour rejoindre cette Mission multinationale contre le grand banditisme.

Nairobi a annoncé la suspension de l’envoi de ses policiers en raison d’un « changement radical à la suite de l’effondrement complet de l’ordre public et de la démission du Premier ministre d’Haïti« . Korir Sing’oei, Secrétaire général du ministère kényan des Affaires étrangères a précisé que «sans Administration politique en Haïti, il n’y a point d’ancrage sur lequel un déploiement de la Police puisse reposer, le Gouvernement (kényan) attendra donc l’installation d’une nouvelle autorité constitutionnelle en Haïti avant de prendre d’autres décisions sur la question». Alors même que le Chef de l’État kényan William Ruto et Ariel Henry avaient pourtant signé le 1er mars un accord pour l’envoi de policiers kényans, quelques jours plus tôt.

Paradoxalement, cette volonté de pays africains d’intervenir sur le sol haïtien est mal vue par les leaders locaux qui en août 2023 ont adressé un courrier à l’Union africaine (UA). Ceci explique peut-être le peu d’engouement des pays africains à rejoindre la Force multinationale sus-mentionnée.

Quand Haïti se tire une balle dans les pieds

Dans la missive, on peut notamment lire: ‘’Aucun des pays de la terre de nos ancêtres (l’Afrique) ne doit servir de caisse de résonance ou de bras armés des anciennes puissances coloniales, esclavagistes, transformées en puissances impérialistes et aujourd’hui engagées activement dans un projet criminel de déstabilisation d’Haïti, de sabotage systématique de sa souveraineté dont l’occupation américano-onusienne constitue une étape dangereuse’’!

Et de poursuivre: ‘’Nous, organisations haïtiennes signataires et personnalités, avons appris avec stupéfaction la nouvelle surprenante qu’un pays frère comme le Kenya a accepté de diriger contre Haïti une Force d’occupation américano-onusienne déguisée sous le label de «Force multinationale» pour mieux tromper l’opinion publique nationale et internationale, tenter ainsi de cacher le coté machiavélique de cette initiative’’.

Les personnalités haïtiennes signataires de la lettre y dénoncent l’implication des Etats-Unis dans l’approvisionnement en armes des gangs qui sèment la terreur dans le pays.

Elles appellent les dirigeants africains à se ‘’pencher sur la situation révoltante de notre pays afin de bien la comprendre pour mieux nous aider à la surmonter, et surtout convaincre le Kenya sur la nécessité de ne pas se laisser entraîner dans la logique meurtrière des puissances impérialistes qui s’acharnent à enterrer la souveraineté d’Haïti ».

Boniface T.