Faure Gnassingbé condamné à une grande disruption pour faire oublier les oripeaux de 2005

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Faure E. Gnassingbé prête serment comme nouveau PCM sous la Vè République le 03 mai 2025 (photo, DR).

Faure E. Gnassingbé n’est plus Président de la République mais reste l’homme fort du Togo, qu’il dirige depuis 20 ans après avoir succédé à son père, feu Etienne Eyadèma Gnassingbé, lequel avait dirigé ce petit pays d’Afrique de l’Ouest pendant près de 38 ans (1967-2005).

Faure E. Gnassingbé prête serment comme nouveau PCM sous la Vè République le 03 mai 2025 (photo, DR).

Après une réforme constitutionnelle vivement critiquée par l’Opposition (parlementaire et extra-parlementaire) qui l’accuse de vouloir s’accrocher au pouvoir, il a prêté serment samedi 03 mai 2025 à Lomé comme PCM (Président du Conseil des ministres), désormais la plus haute fonction du pouvoir exécutif.

Faure Gnassingbé, qui aura 59 ans le 06 juin prochain, est l’héritier d’une dynastie au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle dans ce pays de plus de 8 millions d’habitants où 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et qui figure à la 167è place sur 189 dans l’index de développement humain des Nations-Unies.

Après avoir étudié quinze années à l’étranger et décroché un diplôme de gestion à Paris et un MBA de la George Washington University (aux Etats-Unis), « Bébé Gnass », comme ses adversaires politiques l’appelaient avec condescendance, s’est hissé au sommet de l’Etat en le 03 mai 2005 juste avant son quarantième anniversaire, à la mort de son père. Son élection avait été émaillée par des violences inouïes ayant fait entre 400 et 500 morts selon l’ONU.

Faure E. Gnassingbé prête serment comme nouveau PCM sous la Vè République, et pose avec les juges constitutionnels ce 03 mai 2025 (photo, DR).

Quatre ans plus tard, il n’a pas hésité à envoyer en « prison pour 20 ans » l’un de ses demi-frères (consanguins), Kpatcha, pour « tentative de coup d’Etat ». Ce célibataire endurci (officiellement) et père de famille a été réélu à quatre reprises dans des scrutins toujours contestés par l’Opposition qui a dénoncé systématiquement « fraudes, irrégularités et répression« .

A ses détracteurs qui l’accusent d’autoritarisme, il répondait calmement à l’AFP en 2020 ne pas se « sentir l’âme d’un dictateur« .

– Constitution sur-mesure –

Une nouvelle Constitution adoptée le 06 avril 2024 a aboli l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel, et institué un régime parlementaire et non plus semi-présidentiel. L’opposition y voit un moyen pour M. Gnassingbé de se maintenir indéfiniment à la tête du pays, tant les nouvelles dispositions lui sont favorables.

Car s’il abandonne la magistrature suprême, devenue un simple titre honorifique, ce n’est pas pour céder de grands pans de pouvoir. Selon la nouvelle Constitution, l’exercice du pouvoir réside désormais entre les mains du PCM, sorte de super-Premier ministre qui concentre les fonctions régaliennes et dont le tenant est automatiquement le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale.

Ce qui est le cas de M. Gnassingbé, chef de l’UNIR (Union pour la République), formation qui a obtenu 108 députés sur 113 lors des législatives du 29 avril 2024. Selon la précédente Constitution, M. Gnassingbé n’aurait pu briguer qu’un seul et dernier mandat présidentiel en 2025. Le changement de Constitution et le triomphe électoral d’avril 2024 d’UNIR lui assurent de rester le maître du Togo pour au moins les six prochaines années (jusqu’en 2030). « C’est une monarchisation qui ne dit pas son nom« , commente sans fards l’historien proche de l’opposition Michel Goeh-Akue.

– Médiateur –

Peu amateur de bains de foule et relativement avare de sa parole, le « Jeune Doyen », surnom lancé par le Président ivoirien Alassane Ouattara en 2020, s’est imposé peu à peu comme médiateur dans différentes crises politiques qui agitent l’Afrique de l’ouest depuis quelques années. Comme au Niger, au Faso ou encore au Mali. Et depuis avril 2025, il est le nouveau médiateur de l’UA dans le conflit déchirant l’est de la République démocratique du Congo.

Faure E. Gnassingbé prête serment comme nouveau PCM sous la Vè République (photo, DR).

La France (sous la tutelle de laquelle le Togo a été placé après la 1ère guerre mondiale), alliée traditionnelle des Gnassingbé, est particulièrement sensible à la stabilité du Togo dans cette région volatile d’où elle est peu à peu chassée, suite aux récents coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso et au Niger. M. Gnassingbé multiplie également des efforts pour se rapprocher de l’Occident anglophone: le Togo a intégré le Commonwealth en juin 2022, et fait de l’œil à Washington pour bénéficier de programmes d’aide au développement. Comme le « programme Compact » du MCC (Millenium Challenge Corporation).

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