Commissaire aux Enquêtes Economiques, M. Oumar Diallo est le chef du service régional du Commerce de Dakar. Une sorte de commissariat de police des prix. Toujours présent et disponible sur le terrain aux cotés de ses agents pour la traque des produits mal vendus, M. Oumar Diallo rompt le silence pour « Le Témoin »…
Le Témoin : Qu’est-ce que le service régional du Commerce ?
Oumar Diallo :Le service régional de Dakar est le bras armé de la Direction du Commerce intérieur en matière d’application des décisions de fixation de prix et de réglementation de la distribution. À ce titre, il veille à l’application correcte des prix homologués ou fixés, à la régularité des transactions commerciales, au contrôle de la qualité des produits mais aussi au suivi des stocks et de l’approvisionnement régulier en denrées de première nécessité.
Quand on dit service régional, cela veut dire que votre zone de compétence s’étend jusqu’à Rufisque ou Diamniadio…
Évidemment ! Nous couvrons toute la région de Dakar… Car le service régional a trois démembrements au niveau de Pikine, Rufisque et Guédiawaye, qui sont dirigés par des contrôleurs sous les ordres du chef de service régional que je suis…
Malgré la baisse des prix, certains commerçants refusent toujours de se plier aux nouveaux tarifs. Qu’est-ce qui explique cette résistance ?
En fait, c’est un problème récurrent du fait que les consommateurs n’ont pas le réflexe de la dénonciation systématique des cas de pratiques de prix illicites. Nous avons les mêmes problèmes que la police nationale avec la sécurisation des personnes et des biens puisque les voisins n’ont pas la culture de la dénonciation. Malgré l’efficacité de la police nationale, l’Etat ne peut mettre derrière chaque citoyen un policier.
C’est la même chose au niveau du service régional du commerce, puisque le ministre du Commerce et le directeur du Commerce intérieur n’ont ménagé aucun effort pour exécuter la politique sociale du président de la République visant à baisser les prix, mais ils ne peuvent pas mettre derrière chaque comptoir commercial un agent de contrôle économique. Il faut que les citoyens nous aident à les assister en brisant l’omerta ou la loi du silence. Ils commencent à le faire ! Car depuis que le numéro vert 800007777 a été mis en service, la tendance s’est inversée et de plus en plus les consommateurs appellent pour faire valoir leurs droits.
D’ailleurs, c’est suite aux appels que nos agents se sont déployés dans plusieurs quartiers comme les Sicap Sacré-Cœur, Liberté, Castors, Hlm etc… Durant plusieurs jours, nous avons mené des opérations de contrôle de grande envergure pour démanteler les rares boutiques de résistance. Et cela est le résultat d’une large campagne de sensibilisation et d’information que nous avons menée de concert avec les autorités du ministère du Commerce.
Cette large campagne est-elle relative à la spéculation sur les produits homologués ?
Oui on peut le dire d’une part, dès lors que ce sont les produits les plus consommés, donc de première nécessité, qui sont concernés. D’autre part, les autres produits étant en vente libre et sachant qu’ils ne sont pas contrôlés donc les commerçants appliquent les prix qu’ils veulent et les consommateurs en sont conscients.
De plus les denrées de première nécessité étant les plus vendues, il va de soi que le bénéfice va plus vite avec le renouvellement continuel des stocks.
Certains pensent que les amendes ont atteint leurs limites, donc pourquoi pas des mesures sévères comme l’arrestation et l’emprisonnement ?
Oui, il y a de quoi parfois brandir l’arme pénale contre les récidivistes ! C’est prévu par la loi 94-63 du 22 août 1994 sur les prix et le contentieux économique qui nous autorise dans des cas de flagrant délit et de récidive à mettre en garde-à-vue les mis en cause. Seulement, c’est une mesure exceptionnelle voire circonstancielle du fait que la transaction pécuniaire qui aboutit au paiement d’une amende est plus souvent utilisée. Mais heureusement que, pour la non-application des nouveaux tarifs, il n’y a que quelques cas isolés…
Malgré cette amende, on constate que la majorité des boutiques tenues par des commerçants guinéens plombent toujours cette politique de baisse de prix… N’est-ce pas ?
Oui ! La configuration du commerce du détail à Dakar fait ressortir que la majorité des commerçants détaillants sont d’origine guinéenne. Depuis le départ des commerçants mauritaniens, ce sont eux qui se sont positionnés comme tels car les Sénégalais n’avaient pas réellement cette culture mercantile. Mais ce qui est le plus important, c’est la collaboration des citoyens avec nos différents services par le biais du numéro vert. En dehors des contrôles de routine permanents, nous sommes prêts à intervenir n’importe quand et dans n’importe quelle circonstance suite à un appel téléphonique.
Propos recueillis par :
Pape NDIAYE
Le Témoin, hebdomadaire sénégalais
Édition N° 1137 ( SEPTEMBRE 2013)