Djibouti : Résultats de la première campagne d’échantillonnage océanographique dans le golfe de Tadjourah

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Première du genre, cette campagne organisée avec la collaboration de l'Université de Djibouti (UD) et le Laboratoire des Sciences de l'Environnement Marin (Lemar) de Brest en France, a pour objectif de comprendre l'hydroclimat du Golfe de Tadjourah qui intéresse les plus grands scientifiques du monde pour la richesse de ses caractéristiques.

Réparties entre la Mer Rouge, le Golfe d'Aden et le Golfe de Tadjourah, les eaux maritimes djiboutiennes occupent une position biogéographique particulièrement importante. C'est en effet, une zone où se brassent les masses d'eau de provenances et donc de caractéristiques différentes.

Cette particularité qui caractérise les eaux djiboutiennes conditionne, en quantité et en qualité, la production de la pêche artisanale. Celle-ci montre en effet des variations saisonnières très marquées qui se répercutent sur le prix du poisson. En fait, ces fluctuations de la production halieutique sont liées aux passages saisonniers des migrateurs (thazards, thons, carangues, etc.) qui, durant leur séjour, renflouent la production des pêches.

 

La dynamique de ces stocks de migrateurs pélagiques ainsi que leur séjour dans les eaux djiboutiennes semblent étroitement associés à l'hydroclimat, c'est-à-dire aux propriétés physiques, chimiques et biologiques de la couche océanique supérieure en contact avec l'atmosphère.

En vue de comprendre comment varie l'hydroclimat local ainsi que son influence sur la pêche artisanale, le CERD a donc mené une étude sur la variabilité de deux paramètres physiques de la surface de la mer : la température (baromètre des échanges thermiques) et la concentration de la chlorophylle (un indicateur de la production primaire).

Ainsi, les premières analyses basées sur les observations satellites ont mis en évidence d'une part, l'existence d'une forte saisonnalité dans les variations de ces deux paramètres et, de l' autre, des anomalies thermiques ainsi que des zones d' enrichissement durant la fin de la période estivale.

C'est dans le but d'approfondir cette première étude surfacique et d'identifier les facteurs physiques à l'origine de ces anomalies thermiques et biologiques qu'une campagne de mesures in situ a été entreprise dans plusieurs sites du Golfe de Tadjourah. Au niveau de chaque site, des échantillons d'eau de mer ont été prélevés à l'aide d'une bouteille Niskin à différentes profondeurs pour des analyses ultérieures au laboratoire.

Des mesures directes des paramètres physiques, chimiques et biologiques à l'aide des sondes multiparamètres de type Seaguard et EXO2 ont également été réalisées. Selon le responsable de cette étude, Moussa Omar Youssouf, les premières analyses partielles montrent déjà des variations importantes entre les 6 sites étudiés qui conforte l'hypothèse d'un enrichissement du plateau continental durant l'été et le développement des phytoplanctons et zooplanctons qui attirent les petits et grands pélagiques à la fin de l'été, particulièrement durant le mois de septembre. Cette zone constitue aussi l'habitat privilégié des requins baleines ( véritables planctophages) qui apparaissent entre novembre et février et auxquels une importante activité touristique est associée.

M. Youssouf a rappelé par ailleurs que la présence du vent du sud-ouest (le khamsin) durant les mois de juillet et d'août semble jouer un rôle écologique très important dans l'enrichissement du golfe. "Ce vent apporterait une quantité importante de poussière de zones volcaniques riches en minéraux qui stimuleraient la production primaire, expliquant ainsi le pic de la chlorophyllea à la fin de l'été. L'hypothèse d'une remontée d'eau froide des profondeurs riche en nutriments et qui induirait la production primaire n'est pas aussi à écarter", a-t-il indiqué.

A en croire le scientifique djiboutien, cette étude permettra l'acquisition de données sur la variabilité de l'environnement physique, lesquelles pourront être utilisées en vue d'une gestion rationnelle, durable et intégrée de la ressource halieutique. A long terme et dans le contexte de changements climatiques, la connaissance de l'hydroclimat local actuel constituera une référence à partir de laquelle pourront être évaluées les anomalies hydro-climatiques et leurs impacts à l'échelle locale.

Il convient de rappeler qu'à l'exception de quelques études ponctuelles réalisées dans le cadre des projets divers, aucune investigation de ce genre sur l'ensemble du golfe de Tadjourah n' avait été entreprise jusqu'à présent. La particularité de cette campagne d'échantillonnage réside aussi dans le fait qu'elle a été organisée par une équipe nationale composée de professeurs de l' Université de Djibouti (UD), du Centre d'Etude et de Recherche de Djibouti (CERD) et un appui logistique des garde-côtes locaux et une expertise en instrumentation du laboratoire partenaire français Lemar.

La mise en place d'une équipe nationale djiboutienne mixte (UD- CERD), formée à la manipulation des instruments de mesures in situ et capable d'organiser de façon autonome des campagnes d' échantillonnage océanographique est une avancée notable dans ce domaine si important tant par l'importance biogéographiques des eaux territoriales djiboutiennes que par la place qu'occupe le secteur de la pêche pour la sécurité alimentaire de ce petit pays de la Corne d'Afrique qui est souvent en proie aux conséquences désastreuses de la sécheresse avec en premier, justement, l' insécurité alimentaire.