Hier, les célébrations du 14 juillet sur les Champs Elysées ont marqué le début des commémorations de la Première Guerre Mondiale. Afin de donner à l’évènement une portée symbolique significative, François Hollande avait invité des délégations de 80 pays impliqués dans cette guerre. Chacun était ainsi représenté par trois soldats, dont un porte-drapeau et, un petit groupe de jeunes (quatre maximum) âgés de 18 à 25 ans. La présence de certains invités à suscité des réactions négatives, comme ce fut le cas pour le Vietnam et les anciens protectorats français d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie et Maroc).
#14juillet: #Tunisie, mais aussi #Algérie et #Maroc qui défilent au côté de la #France solidaire d'#Israel. Sympa ! pic.twitter.com/gmwsUBNPRU
— Khaled Bach Tarzi (@bachbouch90) 14 Juillet 2014
– Une présence algérienne contestée –
La présence de l’Algérie au défilé militaire du 14 juillet a été vivement contestée. Le Front National, des associations de pieds-noirs et certains algériens se sont indignés avant la cérémonie. Celle-ci intervient en effet peu de temps après la polémique qui avait éclaté pendant le Mondial, au cours de laquelle Marine Le Pen avait notamment proposé de supprimer la double-nationalité franco-algérienne. Ainsi, avant la tenue du défilé, les appels à son boycott par l’Algérie avaient été nombreux.
Cependant, au final, la présence algérienne au défilé militaire du 14 juillet n’a soulevé aucune tension supplémentaire. Evitant la polémique, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a salué l’initiative de François Hollande et l’a remercié pour cette invitation qui a permis de « rendre hommage » aux victimes algériennes pendant la Première Guerre Mondiale :
« En décidant de rendre hommage aux milliers de victimes algériennes de la première guerre mondiale, à l'occasion de ces célébrations du 14-Juillet, vous avez su, M. le président, reconnaître les sacrifices du peuple algérien et son attachement aux idéaux de liberté qui lui ont permis de recouvrer chèrement son indépendance et sa souveraineté et de participer au recouvrement de la liberté du peuple français. »
Sur les réseaux sociaux, le non-boycott du défilé a finalement été salué par les internautes, qui y voient un signe positif pour l’amélioration des relations franco-algériennes :
Participation de l' #Algérie au défilé du #14Juillet, un pas vers la réconciliation? #France http://t.co/VL1xh5VS2T
— ali ouhachi (@djenad) 14 Juillet 2014
Trois soldats, un drapeau au défilé #14Juillet serait-ce le bon remède pour éradiquer, enfin, les haineux des deux bords? #Algérie #France
— ali ouhachi (@djenad) 14 Juillet 2014
– Boycott de la réception donnée à l’ambassade de France de Tunis –
Alors que peu de voix s’étaient élevées contre la participation de la Tunisie aux célébrations du 14 juillet, c’est finalement avec ce pays que la situation a été la plus tendue. Plusieurs appels à boycott avaient pourtant été émis, sans inquiéter la communauté internationale et politique. Ils ont finalement été fortement suivis, ce qui est logique sachant qu’ils émanaient de personnalités politiques fortement influentes dans le pays. C’est notamment le cas de Soufiane Ben Farhat, un journaliste qui avait appelé au boycott sur son mur Facebook :
La menace de se boycott, mais aussi la crainte de débordements et de manifestations pro-Palestine ou anti-France devant l’ambassade ont contraint la diplomatie française à mettre en place un important dispositif de sécurité. Celui-ci a pu être observé par les tunisiens étant passés à proximité de l’Ambassade :
Un dispositif sécuritaire monstrueux devant la résidence de l'ambassadeur de #France a la Marsa #14juillet #Tunisie
— Mhamed Baïram (@MamedB) 14 Juillet 2014
L’ambassade de France à Tunis n’a donc pas accueilli beaucoup d’invités. La cérémonie a perdu son caractère commémoratif, pour devenir un moyen d’expression et d’affirmation d’opinions politiques diverses. Chacun a, par son absence, affirmé son soutien envers la population de Gaza. Ainsi, de façon paradoxale, parmi les rares invités présents, on pouvait reconnaitre des islamistes d’Ennahdh, le parti politique tunisien le plus proche du Hamas : ils n’avaient pas besoin de réaffirmer leur soutien
– Un défilé sur fond de conflit israélo-palestinien –
Grand jour pour #israel: La #France défile et exhibe son armée éventuellement à disposition de #Natanyahu contre la #Palestine. #14Juillet
— Goodoha (@badubai) 14 Juillet 2014
Le 14 juillet a été instrumentalisé et adapté à un autre conflit : celui entre Israël et la bande de Gaza qui se déroule actuellement. Ce changement de dimension n’était pas prévu, et éloigne les célébrations de la fête nationale française ou des commémorations de la Première Guerre Mondiale. Il s’inscrit toutefois dans une logique de temps court, puisque l’ensemble de l’opinion publique est actuellement au fait du conflit, et que nombreux sont ceux qui prennent position.
C’est sur les réseaux sociaux que l’on observe le plus cette réorientation symbolique du défilé du 14 juillet. Nombreux sont ceux qui ont appelé les pays arabes à boycotter le défilé, au nom du soutien à la Palestine. En effet, dans un communiqué du 9 juillet, François Hollande avait exprimé la « solidarité » de la France avec Israël « face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza ». Pour beaucoup, participer au défilé du 14 juillet équivalait donc à approuver le soutien français pour Israël et donc, s’opposer à la Palestine.
Les autorités Algériennes devraient avoir honte d'assister au #14juillet a côté d'un soumis comme Hollande #Boycotté soutenez la #Palestine
— Y'A TROP DE QUOI ? (@MuzzaM786) 13 Juillet 2014
L'#Algerie doit boycotter le #14juillet en soutien à la #Palestine et pour protester contre la lâcheté française sur #Gaza
— Madjid Messaoudene (@MadjidFalastine) 12 Juillet 2014
En parallèle, d’autres appels plus modérés ont été émis. Pour de nombreux français d’origine arabe, boycotter le 14 juillet n’était pas une solution. Certains ont ainsi émis des appels à manifester, en marge des célébrations et en soutien à la Palestine :
#Tunisie : Appels à un rassemblement pour la #Palestine le #14juillet devant la résidence de #France http://t.co/JCSPxsgXAE
— Lamia AJABI (@TunisieAffaires) 12 Juillet 2014
D’autres ont appelé à descendre sur les Champs Elysées, ou dans les diverses célébrations de la fête nationale à travers la France, avec un drapeau palestinien, en signe de soutien aux gazaouis :
Amis #Parisiens pour le #14Juillet merci de vous montrez sur les champs avec le drapeau de la #Palestine sans poser de problemes cc @Alkanz
— Soleiman1er (@soleiman1er) 11 Juillet 2014
– Une mémoire coloniale difficile –
Enfin, un dernier sujet difficile était caché derrière les célébrations du 14 juillet : la colonisation. Il a été peu abordé au cours des cérémonies, mais le moindre faux-pas dans ce domaine aurait entrainé de nombreuses polémiques.
En effet, si l’Algérie, la Tunisie et le Maroc ont été participé à la Première Guerre Mondiale, connaissant de nombreuses pertes (on estime que près de 50% des soldats algériens sont rentrés chez eux blessés), c’est parce qu’ils étaient à l’époque sous-protectorat français. La reconnaissance des pertes qu’ils ont subies cache donc une mémoire coloniale difficile. Derrière leur participation, se cachent des sujets délicats, tous liés à la colonisation. Ils sont d’autant plus sensibles qu’ils ne sont que très rarement abordés, et que cette expérience s’est finie brutalement en Algérie, avec la guerre d’indépendance. En conséquence, certains attendaient des gestes de la France et la reconnaissance de certains évènements.
Le sujet n’aura finalement pas été abordé. Bien au contraire, il a été dissimulé au maximum. C’est donc avec dépit que cet internaute a tweeté :
#14juillet on donne le nbre de morts australiens pour la France mais pas celui des anciennes colonies/protectorats #Algérie #Maroc #Tunisie
— iness إناس (@inessLibrahim) 14 Juillet 2014
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