Lomé (© 2024 Afriquinfos)- A l’image d’une météorite, Mgr Yves-Nicodème Anani Barrigah-Benissan a traversé l’histoire socio-politique douloureuse et catholique du Togo. Ses convictions profondes et ses colossaux efforts pour apporter une plus-value à la marche hésitante du Togo vers une société réellement démocratique n’auront pas porté tous leurs fruits espérés avant son rappel à Dieu subit ce 04 aout à Lomé.
Né le 19 mai 1963 à Ouagadougou (Burkina Faso), Yves-Nicodème Anani Barrigah-Benissan a grandi à Lomé, mais a suivi l’essentiel de son parcours universitaire l’ayant mené à la vie consacrée (de prêtre) et de diplomate hors du Togo.
Ordonné prêtre un jour du mois d’aout (le 08) en 1987, le Père Yves-Nicodème Anani Barrigah-Benissan devait célébrer dans quelques jours ses 37 ans de vie consacrée ! Il a malheureusement rejoint la maison du Père le 4 aout, «journée en la mémoire de Saint Jean-Marie Vianney, patron des prêtres» chez les catholiques.
Un homme, un destin, un parcours diplomatique hors-pair chez les prêtres togolais
La grande famille des catholiques togolais auront découvert le râblé Mgr Barrigah-Benissan lors de sa nomination comme Evêque d’Atakpamé le 09 janvier 2008, et surtout lors de son ordination 09 mars 2008 comme principal responsable de l’Évêché d’Atakpamé le 09 mars 2008.
La famille de la classe socio-politique au Togo va découvrir et apprécier progressivement son entregent diplomatique à la tête d’une entité sensible: la CVJR (Commission Vérité, Justice et Réconciliation) dont il va assumer la présidence de 2009 à 2012.
Une délicate mission qui aura permis d’apporter un pan de la vérité sur les évènements hyper douloureux vécus dans leur chair par plusieurs acteurs de la scène socio-politique du Togo, entre 1958 et 2005. La mémoire collective retiendra à titre d’exemple que c’est le talent diplomatique de Mgr Barrigah-Benissan qui a amené à témoigner devant la CVJR des personnalités comme feu Edem K. E. Kodjo, Kpatcha Gnassingbé, L. Gnininvi, etc. Le travail colossal et dense de la CVJR a balisé le terrain au HCRRUN (Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale) à travers ses recommandations.
Les points fondamentaux de ces recommandations seront mis en application seulement 07 (sept) ans après la remise du Rapport de la CVJR au Chef de l’Etat Faure Gnassingbé. Notamment via les réformes constitutionnelles de mai 2019 qui ont consacré «le scrutin présidentiel à deux tours au Togo, et la limitation des mandats présidentiels».
L’action salvatrice de Mgr Barrigah-Benissan au Togo à la tête de la CVJR s’est aussi manifestée quand il a amené cette Commission à jouer à l’apaisement lors de la tenue de la présidentielle de mars 2010. Et au-delà du mandat de la CVJR, pendant les législatives de 2013.
Prêtre et évêque patriote, l’écrivain et interprète Mgr Barrigah-Benissan mettra également son talent diplomatique au service du présidium d’un énième dialogue intertogolais qui était censé trouver un consensus entre acteurs politiques togolais autour des conditions démocratiques d’organisation de la présidentielle d’avril 2015. Il s’est agi du «Dialogue Togo Telecom» qui a échoué au nom de l’intransigeance des politiques togolais, malgré l’entregent de Mgr Barrigah-Benissan et du diplomate américain Robert Whitehead des USA (qui a servi de mai 2012 à septembre 2015 au Togo).
Une décennie de dénonciations objectives par l’Eglise au Togo
De 2014 à 2024, Mgr Barrigah-Benissan aura continué à ausculter spirituellement la vie socio-politique en République togolaise, aux côtés de la CET. Un épiscopat togolais qui n’hésite plus, depuis 2017, à dénoncer ouvertement et avec les mots idoines, les écarts de conduite des gouvernants et opposants togolais vis-à-vis des vertus démocratiques.
Tout au long du bras de fer post-présidentielle du 22 février 2020, l’Archevêque Métropolitain de Lomé a également su gérer avec beaucoup de doigté et d’élégance intellectuelle les accusations émises à l’encontre de l’épiscopat togolais par une partie de supporters du candidat à ce scrutin précité appuyé par feu Mgr K. Fanoko Philippe Kpodzro.
La dernière dénonciation en date de la CET dans le monde politique togolais concerne les conditions ubuesques dans lesquelles les députés togolais (en majorité favorables au parti de Faure Gnassingbé) ont procédé à une révision constitutionnelle profonde, en passant d’une IVè à une Vè République, sans présenter la nouvelle mouture du Texte fondamental aux populations du Togo.
Deux formations auront été déterminantes dans les projections de carrière d’Yves-Nicodème Barrigah-Benissan. Il s’agit d’une part de son Doctorat en Droit Canonique à l’Université Urbanienne à Rome (Italie) de 1993 à 1997. Et d’autre part ses études en Diplomatie à l’Académie Pontificale à Rome (Italie, de 1993 à 1997). Une formation diplomatique qui va le projeter sur plusieurs terrains dans différentes nonciatures apostoliques (Ambassades du Vatican). Au Rwanda, au Salvador (de 2000 à 2003), en Côte d’Ivoire, et en Israël.
Depuis avril 2020, le Togo a entamé une série de perte de personnalités valeureuses de premier plan. Parmi elles, au moins trois anciens Premiers ministres (Edem K. E. Kodjo, Agbéyomé Messan Kodjo, Kwassi Klutsè), d’ex-Présidents de Parlement (Maurice D. Péré, Abass Bonfoh, Acouetey Messan-président de l’Assemblée nationale de 1988 à 1991-), plusieurs anciens ministres. Ou encore des députés et maires en fonction.
Ce petit pays d’Afrique occidentale est le seul n’avoir pas encore connu d’alternance démocratique depuis l’entame des processus de démocratisation sur le continent africain dans les années 1990.
GGKE