Crimes organisés, piraterie, conflits armés et terrorisme en Afrique au centre examinés à Yaoundé

Afriquinfos Editeur
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Axée sur le rôle des armées dans la prévention et la gestion de ces nouveaux défis observés d'une région à l'autre du continent, théâtre de confrontations géostratégiques et géoéconomiques des puissances mondiales pour l'accès aux matières premières dont notamment les hydrocarbures et les minerais, cette réflexion de deux jours fait intervenir responsables militaires et experts civils.

De l'avis des intervenants, l'enjeu du débat initié sous l'égide du ministère camerounais de la Défense représenté à la session d'ouverture par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants Issa Koumpa est évident, au regard de la récurrence de la de violence au travers de conflits armés et d'actes criminels, source d'instabilité sociopolitique au sein de nombre d'Etats africains.

Le politologue Honoré Abraham dresse un tableau comportant des groupes de contestation centrale des ordres politiques, des groupes indépendantistes et séparatistes d'obédience religieuse, des groupes indépendantistes et séparatistes d'obédience politique, des groupes de contestation postélectorale, des groupes insurrectionnels du Printemps arabe et des groupes de contestation transfrontalière des ordres politiques internes.

« Ces groupes poussent comme des champignons, avec une forte poussée et une instrumentalisation stratégico-financière des acteurs exogènes », précise-t-il, citant par exemple la fameuse secte islamiste nigériane Boko Haram, qui fait parler d'elle aujourd'hui par des actes d'une violence insoutenable. C'est aussi, à des degrés variés, le cas d'Al Qaïda du Maghreb islamique (Aqmi), du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, mouvement intégriste ayant redonné de la vitalité au Groupe islamique armé d'Algérie), des shebabs en Somalie, du Mouvement pour l'unité jihadiste en Afrique de l'Ouest (Mujao), la LRA, le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (Mend).

Sont mentionnés également le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) au Sénégal et Ansar Dine du Nord du Mali, les ravisseurs de Béni-Doula en Kabylie en Algérie, l'Union des forces de résistance (UFR) entre le lac Tchad, le Darfour au Soudan et le Nord-Ouest de la RCA, les combattants Maï-Maï à la frontière de la RDC avec le Rwanda devenue une zone de non-droit. Dans la majorité des cas, le modus operandi tourne principalement autour des attentats, des rapts, des prises d'otages accompagnées de demandes de rançons. Des narcotrafiquants latino-américains utilisant la Guinée- Bissau comme pôle d'alimentation des réseaux de trafic de cocaïne en Europe aux groupes de solidarité insurrectionnelle dans l'espace virtuel en passant par les talibans afghans et du Moyen- Orient, la nébuleuse Al Qaïda et les Wahhabites saoudiens associés aux pétrodollars anti-occidentaux du Golfe arabo-persique, les acteurs exogènes de cette déferlante sont tout à fait aussi légion.

Dans une analyse des facteurs des nouvelles menaces sécuritaires examinées, le capitaine de frégate Samuel Sylvain Ndutumu, responsable militaire au ministère de la Défense, décrit une situation de fragilité structurelle de l'Afrique due au fait que c'est un continent composé d'Etats qui, pour la plupart, n'ont pas parachevé leur construction nationale.

Déficit de démocratie, mauvaise gouvernance (à l'origine du renforcement de l'écart entre les riches et les pauvres, de l'exode rural puis le chômage des jeunes, cause de mouvements contestataires incontrôlables), contestations frontalières, sous- développement, pauvreté, malnutrition, pandémies, catastrophes naturelles, désastres écologiques, etc. sont autant de défis de plus en plus diffus qui appellent des réponses globales, juge le responsable militaire.

Pour le géostratège Joseph Ntuda Ebodé, responsable académique à l'Université de Yaoundé II et au CSID, la mondialisation a engendré l'affaiblissement des Etats en raison de la montée en puissance des grandes firmes, les disputes de ressources et l'accentuation des actes de criminalité organisée, de piratage, de marchandage des êtres humains et de terrorisme à l'échelle mondiale. « La posture des armées traditionnelles, ce n'était pas de faire face à ces types de menaces. Et même lorsque ces armées avaient cette posture, c'était pour faire face à l'échelle nationale. Maintenant, ces menaces sont globales. Il faut donc redimensionner les armées pour qu'elles puissent répondre de manière efficiente à ces nouvelles formes de menaces », préconise l'expert.