ABIDJAN (© 2024 Afriquinfos). Le phénomène de l’homosexualité, communément appelé «Woubi» en Côte d’Ivoire, n’est pas une nouveauté dans la société ivoirienne. L’hostilité feutrée jusqu’à présent envers cette pratique sexuelle semble devenir prégnante et ostensible. Sans fards.
La campagne «A bas les Woubi» (la genèse)
A titre illustratif, la fin du mois d’aout 2024 a rimé avec une kyrielle d’actes, de propos et de campagnes hostiles et virulents envers la grande communauté homosexuelle dans ce pays locomotive de l’UEMOA, et désormais deuxième économie de la CEDEAO.
«A bas les Woubi»: c’est le mot d’ordre rendu viral sur les réseaux sociaux et dans les rues d’Abidjan ces dernières semaines. Lancé par Gédéon de la Tchétchouva, leader religieux, au détour d’un sermon, ce mot d’ordre a été récupéré et a reçu la bénédiction de plusieurs autres habitants de la capitale économique de la Côte d’Ivoire.
«Un Woubi est un maudit ; si chaque garçon prend un garçon et chaque femme prend une femme, on aura quelle génération ou descendance dans l’avenir ? À bas les Woubi, à bas les Lélé», défend Gédéon de la Tchétchouva dans un sermon qui a remis au goût du jour la subite résurgence de l’hostilité envers les homosexuels en Côte d’Ivoire.
Ce mot d’ordre est survenu à la suite d’une série de sorties d’homosexuels sur les réseaux sociaux. Ils y avaient étalé avec ostentation leur orientation sexuelle. Sous forme à peine voilée de défiance. Des mouvements de protestation ont été signalés dans la foulée ces dernières semaines dans des Communes chaudes de la capitale ivoirienne comme Yopougon (plus vaste Commune du pays) et Abobo, communes réputées pour leur grande population homosexuelle (des deux sexes).
La matérialisation du mot d’ordre «A bas les Woubi»
Des supposés homosexuels dans ces Communes ont vu leurs magasins être vandalisés et fermés. Ceux qui ont opposé des résistances ont subi des violences physiques. Ceux d’entre eux qui ont réaffirmé ou étalé leur orientation sexuelle sur les réseaux sociaux ont reçu des vagues de messages haineux.
Certains influenceurs ne sont pas restés en marge de cette campagne grandissante anti-homosexuels. « Nous savons que l’homosexualité existe depuis la nuit des temps. Autrefois, ils se cachaient, mais de nos jours, c’est devenu un effet de mode ! Notre société tend à normaliser l’homosexualité. Je m’adresse à mes jeunes frères : évitez ce phénomène aujourd’hui pour ne pas avoir des regrets demain. Les parents : soyez regardants vis-à-vis de vos enfants », a pris position l’influenceur Apoutchou National, sur Facebook.
Une position rigide corroborée par l’Imam Nadjim Couyouck Sogodogo dans son sermon du vendredi 30 aout 2024. «L’homosexualité est une malédiction et même Dieu n’a pas défini le degré de cette malédiction. Nous ne devons entretenir aucune relation de quelque nature que ce soit avec les homosexuels ! L’islam est contre cette pratique, ceux qui la cautionnent ou l’acceptent et sont en conflit avec Dieu».
Que dit la loi ?
Un grand nombre d’États africains demeurent hostiles à la pratique de l’homosexualité sur leurs sols à travers des ordonnancements juridiques très répressifs. L’Afrique du Sud qui a dépénalisé la pratique sur son territoire fait figure d’une grande exception à l’échelle continentale. Les défenseurs de l’hostilité envers les pratiques homosexuelles s’accrochent le plus clair du temps aux valeurs culturelles et cultuelles sur le continent africain, en présentant l’homosexualité « comme une déviance, une importation de l’Occident ». Parallèlement à la permanence de cette hostilité, en toute discrétion, la communauté des homosexuels foisonne sur le continent, même s’il existe très peu de statistiques fiables autour de cette évolution perceptible dans les faits et gestes des habitants des agglomérations majeures en Afrique. Que ce soient des résidents autochtones ou allogènes.
Pour l’heure, la récente poussée de l’hostilité envers les homosexuels en Côte d’Ivoire inquiète profondément l’écosystème des tenants de cette pratique sexuelle, en attendant une réaction officielle ou ferme de l’État ivoirien sur ce sujet sensible, à même de faire perdre une partie de l’électorat à tout politique, quelle que soit l’étendue de son aura.
Victorine LENGA