Contours du retour programmé et mouvementé de Joseph Kabila au bercail, en plein conflit dans l’Est 

Afriquinfos Editeur
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Joseph Kabila (Dr-Twitter Rfi )

Kinshasa (© 2025 Afriquinfos)- Officiellement installé en Afrique du Sud depuis 2024, l’ex Président congolais, Joseph Kabila, a annoncé ce 8 avril, son retour en RDC. Dans une déclaration écrite, celui-ci affirme vouloir y revenir par l’est, mais sans préciser ni la date ni le lieu exact. Sur quelles personnalités Joseph Kabila peut-il s’appuyer pour mener à bien cette initiative.

Son annonce intervient alors qu’une rencontre était annoncée entre Kinshasa et la rébellion du M23 pour le 9 avril, à Doha en vue de trouver une issue politique à la guerre qui sévit dans l’est de la République.

Peu de temps après cette annonce, plusieurs comptes ont relayé l’information, en précisant que ce retour allait se faire par la ville de Goma. Or, le chef-lieu du Nord Kivu est entre les mains de la rébellion du M23 depuis le mois de mars.

Pour le politologue Christian Moleka, le choix de cette date par Joseph Kabila pour annoncer son retour n’a rien d’anodin. Mais son entourage évoque une arrivée “dans les prochains jours”. Ce flou entretenu alimente toutes les spéculations, notamment sur ses intentions réelles. Est-ce un geste patriotique, motivé par le besoin de “contribuer à une solution à la crise”, comme il le clame dans sa déclaration ? Ou une manœuvre politique calculée à un moment où le président Tshisekedi cherche à recomposer sa majorité et à former un gouvernement d’union nationale, proposition que le PPRD de Kabila a d’ailleurs rejetée ? Plus troublant encore, certains proches du “raïs” n’excluent pas une future collaboration avec Corneille Nangaa et l’AFC/M23,

Selon certains médias, Joseph Kabila reçoit beaucoup de ses soutiens à Harare, au Zimbabwe, où il réside de manière quasi permanente depuis un an. Parmi ses visiteurs figurent notamment de nombreuses personnalités venues de RDC : d’anciens collaborateurs pour la plupart, mais aussi des fidèles de longue date, sans compter bien d’autres profils encore.

D’après la même source, dans cette galaxie qui gravite autour de l’ex-chef de l’État, un nom revient toutefois en particulier : celui de John Numbi. Ancien chef de la police nationale devenu par la suite inspecteur général des FARDC, celui-ci est recherché par la justice militaire congolaise, notamment dans le cadre de l’affaire de l’assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, ce qui l’a conduit à se réfugier lui aussi au Zimbabwe. Sous le coup d’une demande d’extradition de Kinshasa depuis 2022, cela ne l’a cependant pas empêché de refaire parler de lui à la fin de l’année 2023 en menaçant publiquement le président Félix Tshisekedi dans une vidéo sur les réseaux sociaux.

Côté congolais toujours,  les sources affirment que Joseph Kabila échangerait en outre avec des opposants récemment exilés en Europe – en Belgique notamment – et compterait parmi ses soutiens plusieurs leaders communautaires du Nord-Kivu, dont certains auraient été liés à des groupes armés.

« Pas d’animosité » entre Joseph Kabila et Paul Kagame

En dépit des tensions avec le Rwanda qui avaient particulièrement marqué la fin de son mandat, Joseph Kabila maintient également des contacts avec Kigali où il a envoyé des émissaires à plusieurs reprises ces derniers mois. A propos de sa relation avec le président rwandais Paul Kagame, l’un de ses proches croit savoir qu’elles se sont largement apaisées : « Il n’y a pas d’animosité » entre eux, affirme ainsi celui-ci.

Reste enfin la question de Corneille Nangaa : quel lien entretient Joseph Kabila avec l’ancien président de la Ceni devenu le coordinateur de l’AFC/M23 qui affronte l’armée congolaise dans l’est de la RDC ? Selon un membre de son entourage, les deux hommes échangent, mais il n’en dit pas davantage…

Si le rapprochement entre l’AFC/M23 et Joseph Kabila se confirme, cela mettrait en danger le régime de Félix Tshisekedi.

De son côté, l’Onu rappelle que plus de 40.000 Congolais, qui ont fui les violences dans l’est de la RDC, ont trouvé refuge en Ouganda depuis janvier. Ces arrivées massives pourraient déborder le système d’accueil et d’aide aux réfugiés, déjà mis à mal par la réduction de l’aide américaine.

Ce retour inattendu de Kabila, dans un tel climat, risque d’ajouter à la confusion. Officiellement, il dit avoir consulté des acteurs régionaux et internationaux avant de prendre sa décision, mais rien ne filtre sur les véritables appuis dont il disposerait pour cette nouvelle étape de son parcours politique.

Depuis qu’il a quitté le pouvoir en 2019, Joseph Kabila s’était effacé du paysage politique, se consacrant à une thèse sur les relations sino-congolaises. Son retour pourrait sonner le glas de cette retraite silencieuse. Le timing – à quelques mois d’une recomposition gouvernementale et au cœur d’un conflit armé majeur – laisse penser à une ambition plus large qu’un simple “devoir patriotique”. Tandis que le PPRD retrouve peu à peu de la vigueur, Kinshasa pourrait bien être le théâtre d’un nouveau bras de fer politique. Et cette fois, les cartes sont brouillées, les alliances incertaines, et les risques potentiellement déstabilisateurs pour toute la région.

Vignikpo Akpéné