Comment Cyril Ramaphosa a démonté des fake news sur les afrikaners devant Donald Trump

Afriquinfos Editeur
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Les Présidents sud-africain Cyril Ramaphosa et américain Donald Trump à la Maison Blanche à Washington (États-Unis) le 21 mai 2025.

En pleine rencontre avec le Président sud-africain Cyril Ramaphosa à la Maison Blanche ce 21 mai 2025, son homologue américain Donald Trump a interrompu la session de questions-réponses d’un « éteignez les lumières » pour diffuser un montage vidéo censé prouver ses accusations de « génocide » à l’encontre de fermiers blancs en Afrique du Sud.

Le Président sud-africain Ramaphosa arrive à la Maison Blanche ce 21 mai 2025.

La présentation faite par M. Trump, à l’aide de ces vidéos puis d’articles brandis sous le nez de son interlocuteur, comportait de nombreuses erreurs démêlées par l’AFP. Un extrait de la vidéo montre des véhicules arrêtés le long d’une route bordée de croix blanches plantées dans le sol. « Vous avez vu toutes ces tombes », lance quelques instants plus tard Donald Trump. « Ce sont des proches allant, j’imagine, un dimanche matin se recueillir devant les leurs qui ont été tués ».

La séquence diffusée correspond en fait à une manifestation de 2020 près de Newcastle, dans l’est de l’Afrique du Sud, après le meurtre d’un couple d’agriculteurs, selon des vidéos et articles de presse de l’époque. Ces croix avaient été érigées de façon symbolique et les manifestants avaient défilé à bord de leurs véhicules. Les meurtriers du couple ont été condamnés à perpétuité.

Sur une autre scène du montage apparaît un homme politique lançant cet appel: « On est des Sud-Africains, on occupe des terres« . « Les gens que vous avez vus dans ce film, ce sont des dirigeants », assure Donald Trump. En réalité, l’auteur de ce discours est Julius Malema, le leader du parti de gauche radicale EFF. Sa formation a réalisé 9,5% aux élections de l’an 2024, et ne fait pas partie de la coalition au pouvoir. Il n’était pas davantage au précédent Gouvernement.

Dans sa tenue rouge habituelle, Julius Malema, connu pour ses positions pro-russes, a entonné « Kill the Boer« , un chant hérité de la lutte anti-apartheid, l’ex-régime raciste de la minorité blanche. Le chant est décrié en Afrique du Sud et son interdiction a été demandée par le deuxième plus grand parti sud-africain, l’Alliance démocratique, qui gouverne depuis 2024 en coalition avec l’ANC, le parti de Nelson Mandela.

En 2010, un tribunal l’avait d’ailleurs interdit, avant que d’autres juges n’invitent à le considérer non pas comme une incitation à la haine, mais comme un morceau d’histoire de la lutte contre la ségrégation raciale. En 2024, la plus haute Cour du pays, saisie par le groupe identitaire afrikaner « Afriforum », a confirmé cette décision. Après la vidéo, le Président américain a brandi des dossiers contenant, selon lui, des articles sur des meurtres de fermiers.

L’un d’eux est issu du site « American Thinker« , un blog à l’audience modeste, et reproduit une image de personnes en uniformes de la Croix-Rouge manipulant des sacs mortuaires. « Tout ça, ce sont des fermiers blancs en train d’être enterrés », a assuré Donald Trump. L’image est en fait une capture d’écran d’une vidéo YouTube datant de février 2025, et tournée en République démocratique du Congo (RDC), dans la ville congolaise de Goma, selon la légende de la vidéo.

Elle montre des restes de femmes victimes d’exactions dans le contexte de la guerre dans l’est du pays et a été publiée par le média « WION », qui a utilisé des images de l’Agence Reuters.

Pas de fermiers blancs tués

« Ces gens (les fermiers blancs) sont tués en grand nombre », a insisté le Président américain. Il a aussi rabroué un journaliste lui posant une question sur le Boeing offert par le Qatar: « C’est de ça que cet idiot me parle, après avoir vu une vidéo où des milliers de personnes sont mortes »?

Pourtant les meurtres de fermiers sont loin d’être aussi nombreux et représentent une infime proportion de ceux enregistrés en Afrique du Sud, pays qui affiche l’un des taux d’homicide les plus élevés de la planète.

Le groupe identitaire afrikaner « AfriForum », proche des sphères trumpistes et lui-même à l’origine d’une campagne pour mettre en lumière le phénomène, avait recensé 49 meurtres de fermiers au total en 2023, toutes couleurs de peau confondues. Soit une très faible proportion des plus de 27.621 meurtres recensés par la police dans le pays entre avril 2023 et mars 2024. La plupart des victimes étaient des jeunes hommes noirs en milieu urbain, selon des statistiques officielles sud-africaines.

© Afriquinfos & Agence France-Presse