Lagos (© 2025 Afriquinfos)- Lagos, la capitale économique du Nigeria s’apprête à célébrer les cinq décennies d’unité, de force et de résilience de la Cedeao. L’organisation régionale a vu le jour le 28 mai 1975 à Lagos. Les activités prévues en ce sens connaîtront la participation de Bola Ahmed Tinubu, Président du Nigéria, du Général Yakubu Gowon, père fondateur de la CEDEAO.
Fondée en 1975 pour promouvoir l’intégration économique et politique en Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) enregistre des avancées notables en matière de libre circulation et de sécurité régionale. Cependant, elle traverse une crise sans précédent, marquée par le retrait de trois pays membres : le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Critiquée et fragilisée, l’organisation est aujourd’hui à la croisée des chemins. La Cédéao a pourtant démontré, par le passé, qu’elle savait s’adapter. En 1990, face au conflit au Libéria, elle met sur pied l’Ecomog, une force d’intervention. Neuf ans plus tard, elle s’ouvre aux enjeux sécuritaires en adoptant un protocole relatif aux questions de paix et de sécurité, avant d’adopter en 2001 un autre protocole consacré cette fois-ci à la démocratie et à la bonne gouvernance.
Mais l’organisation est profondément déstabilisée par la multiplication des conflits et l’apparition de l’extrémisme violent. « La Cédéao n’était pas équipée pour cela », précise Amandine Gnanguénon, chercheuse sénior à l’Africa policy research Institut de Berlin, avant d’ajouter : « Cela a été difficile de mettre à la fois en place les dispositifs, d’intervenir en même temps et de faire la prévention. Elle s’est laissée un peu déborder par tout cela et puis par le fait qu’elle a perdu la main sur son agenda », et ce au profit de nouvelles structures comme le G5 Sahel ou l’initiative d’Accra.
Avec la naissance de l’AES, sa survie est désormais en jeu. Pour continuer à exister et faire entendre sa voix, l’organisation n’a d’autre choix que de se réformer en profondeur. « Notamment de retourner vers ce qu’elle avait prôné, dès le départ. C’est-à-dire plus d’intégration économique et politique. Et donc retourner vers les populations et donner de la visibilité sur ses actions. Beaucoup de personnes ne savent pas ce qu’est la Cédéao. Je pense qu’il y a un gros déficit de communication », poursuit Amandine Gnanguénon.
Avancées et échecs économiques
Au commencement de la Cédéao, son rôle devait être avant tout économique. Il y a eu des avancées mais les objectifs, notamment un marché commun ouest-africain, n’ont pas tous été remplis.
Parmi les succès, on peut citer la libre circulation des personnes et des biens. Avec la carte d’identité Cédéao, pas besoin de carte de séjour pour accéder à tous les emplois, hors emplois publics, dans tous les pays de la région. C’est la grande réussite, selon le chercheur sénégalais, Pape Ibrahima Kane, qui cite également la taxe communautaire permettant une harmonisation des droits de douane.
Cependant, les projets d’infrastructures avec des corridors de transport sont plus mitigés. Seul celui entre Abidjan et Lagos est une réalité. Les autres réseaux routiers ne sont pas à la hauteur des promesses. Le commerce intrarégional stagne à moins de 15% du total des exportations.
Chaque pays continue de mener sa barque seul. Les économies se sont révélées peu complémentaires et la monnaie unique a été plusieurs fois annoncée, mais toujours reportée. Les disparités de ressources entre les pays, le manque de leadership – le Nigeria qui devrait être la locomotive de la Cédéao reste embourbé dans des problèmes politiques, économiques et sécuritaires – les crises à répétition dont la dernière en date reste la sortie du Mali du Niger et du Burkina Faso… Tous ces enchevêtrements empêchent la Cédéao d’atteindre ses ambitions de 1975.
la Cedeao a inauguré son Jubilé d’or à Accra le 22 avril 2025, une célébration emblématique qui invite à un bilan historique empreint de mémoire, d’aspirations et d’une nécessaire lucidité. Le Centre de Conférences International d’Accra a ainsi rassemblé chefs d’État, diplomates, intellectuels régionaux, artistes, jeunes entrepreneurs et citoyens pour un lancement officiel mêlant solennité et festivités.
V. A.