C'est la cinquième fois que ces électeurs devront désigner leurs députés et la quatrième fois leurs élus municipaux depuis le retour au multipartisme décidé en 1990 dans un contexte de fortes tensions par Paul Biya huit ans après son arrivée aux affaires à la faveur de la démission le 4 novembre 1982 de son prédécesseur et premier président camerounais Ahmadou Ahidjo.
Ces consultations populaires mettent en compétition, dans 22.559 bureaux de vote, 208 listes de 29 partis politiques pour les législatives dans 81 circonscriptions électorales sur l'ensemble du territoire national et 735 listes de 32 formations pour les municipales où 10.629 sièges de conseillers municipaux sont à pourvoir dans 360 communes.
Grand vainqueur des trois précédents scrutins législatifs de 1997 (116 sièges), 20002 (149 sièges) et 2007 (153 sièges) après celui de 1992 (88 sièges) où il fut contraint à une alliance pour une majorité avec l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP, 68 sièges), le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), qui contrôle en outre de manière discontinue une grande majorité de communes, en est le principal favori.
Ainsi devenue au fil des votes une véritable machine à gagner les élections, la formation du chef de l'Etat camerounais créée en 1985 sur les cendres de l'ancien parti unique, l'Union nationale camerounaise (UNC), est en droit de se prévaloir, sauf coup de théâtre, d'un nouveau raz-de-marée face à ses adverses réunis au sein d'une opposition qui, elle, n'a cessé de perdre du terrain.
L'émergence de nouvelles tendances telles le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de l'universitaire et ex-ministre délégué à la Justice Maurice Kamto ne semble pas augurer d'un changement de donne politique. Car, observe le sociologue politique Claude Abé, "les Camerounais globalement sont atteints par une désaffection vis-à-vis de la chose politique".
En cause, "le discrédit qu'on accorde à la chose électorale et aux institutions en charge de la gouvernance des questions électorales", explique l'universitaire dans une allusion aux accusations de parti pris pour le pouvoir, émises au sujet d'Elections Cameroon (Elecam) qui, après son avènement fin 2008 en remplacement de l'Observatoire national des élections (Onel), en est à son troisième test après l'organisation de la présidentielle d'octobre 2011 et des sénatoriales d'avril 2013.
Sur un fichier de quelque 5,5 millions d'électeurs inscrits (contre une population de plus de 20,6 millions d'habitants, selon les chiffres officiels), cet organe électoral annonçait lundi un taux de retrait de plus de 80% des cartes d'électeur, un résultat qui ne permet cependant pas de parier sur le taux de participation, considéré comme l'une des inconnues du scrutin en vue.
Parmi les adversaires du RDPC, c'est notamment à partir des performances du Social Democratic Front (SDF), principale formation d'opposition, que sera évaluée l'évolution du processus de démocratisation au Cameroun. A l'Assemblée nationale sortante, le parti de Ni John Fru Ndi (un Anglophone du Nord-Ouest) se voyait jouer malgré lui un rôle de faire-valoir avec un groupe parlementaire de 16 députés.
Pour tenter de revenir à son niveau de 1997 où il avait décroché 43 sièges avant d'en perdre 21 cinq ans plus tard, le SDF aligne 35 listes de candidats aux législatives et 109 aux municipales (contre 85 et 359 pour le RDPC) où son propre dirigeant, non découragé par sa défaite aux sénatoriales tenues en avril, sollicite pour la première fois un mandat de parlementaire.
A elle seule, cette candidature du "Chairman" résume les interrogations sur l'avenir de l'opposition au régime de Paul Biya. Comme le note Claude Abé, cette opposition "va-t-elle véritablement disparaître pour qu'on rentre dans une sorte de parti unique de fait ? Ou alors va-t-on assister à une sorte de résistance par rapport à ce qui se donne à voir à l'heure actuelle, c'est-à-dire sa périphérisation constante ?"
Compte tenu de l'âge avancé du chef de l'Etat (80 ans) et de ses longues années d'exercice du pouvoir dont on peut supposer l'avoir usé, il est évident que le double scrutin législatif et municipal du 30 septembre préfigure l'alternance politique et institutionnelle attendue au Cameroun.
A ce titre, il y a lieu de présager l'émergence de nouvelles figures dans la classe politique camerounaise, "tout au moins à l'échelle locale", précise M. Abé. A l'inverse, "il y a une classe politique qui joue son devenir à l'occasion de cette consultation électorale. Ceux qui ont 65 ou 70 ans et plus, il n'est pas sûr que s'ils ne passent pas, ils puissent revenir, eu égard à leur âge avancé".
C'est justement la catégorie dans laquelle se trouve le patron du SDF, qui a décidé d'engager son honneur pour la conquête des sièges de députés dévolus au département de la Mezam, sa terre natale du Nord-Ouest.
Leader du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC, opposition modérée), l'actuel ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary, allié de fortune du RDPC et de son président national Paul Biya, met pour sa part son poste en jeu, dans la Bénoué au Nord.
Après deux semaines de séduction de l'électorat, la campagne électorale de ce double scrutin lancée le 15 septembre prend fin samedi.