Cameroun : 11.000 enfants et femmes affectés par la malnutrition au Nord sous assistance du PAM

Afriquinfos Editeur 19 Vues
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Chaque semaine mercredi et jeudi, cette infirmière anime des séances de sensibilisation et de formation pour la prévention et le traitement de malnutrition, une initiative découlant d'un programme mené par les autorités camerounaises avec le concours d'organismes du système des Nations Unies dont le Programme alimentaire mondial (PAM).

Au total, 11.000 bénéficiaires sont concernés par la prise en charge de la malnutrition modérée dans le Nord, des enfants de moins de 5 ans et des femmes allaitantes, a précisé le chef du sous-bureau du PAM à Garoua, Emery Kabugi. C'est en marge de la crise dite du Sahel, qui affecte cette région et l'Extrême-Nord voisin et qui est à la fois alimentaire, nutritionnelle et même humanitaire.

Plus grave dans l'Extrême-Nord, cette crise a amené le gouvernement camerounais à déclarer en avril une situation d'urgence et un appel à l'aide internationale a permis la mobilisation par les Nations Unies de 4 millions USD.

D'après les statistiques, environ 33% des enfants souffrent de malnutrition chronique au Cameroun. "La situation est particulièrement grave dans les zones rurales, comme en témoigne l'indice d'insuffisance pondérale chez les enfants, affectant 20% en milieu rural et 7% en milieu urbain", a noté lors d'une mission en juillet le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter.

Ce phénomène est attribué à l'insécurité alimentaire qui touche les deux régions (17,9% dans l'Extrême-Nord et 15,4% dans le Nord), liée à des conditions climatiques et aux aléas climatiques récurrents, y compris des inondations comme cette année et des sécheresses, selon les analyses.

Parmi d'autres créés dans les centres de santé intégrés de Garoua, le CNA de Souari accueille environ 300 enfants par mois, de l'avis de Noël Zoyim. "Nous sommes déjà à la quatrième année. Les activités se déroulent très bien. Nous avons un taux de fréquentation plus élevé que par le passé. Les mercredis, c'est les enfants qui viennent pour la première fois au recrutement. Les jeudis, c'est ceux qui sont déjà là, qui viennent pour un rendez-vous", a rapporté la jeune femme à Xinhua.

"Les mercredis, je suis parfois dans les 50-100 enfants dans le recrutement. Le mois, je suis parfois dans les 300 recrutements, y compris avec les malnutris aigus sévères et les modérés. S'il faut faire la part entre les deux, dans les sévères, je suis souvent dans les 20-25, et les modérés, je suis dans les 200 et plus. C'est cela qui donne un total de 300 et plus", a-t-elle poursuivi.

Cette estimation ne tient pas compte des femmes enceintes et allaitantes malnutries, qui sont aussi nombreuses que les tout-petits. "On prend la maman en charge pour qu'elle puisse avoir un poids afin qu'elle puisse donner du lait à l'enfant. Une femme qui allaite et que l'enfant est bien portant et elle, elle est maigre, ce n'est pas bon. Parce que c'est très facile que l'enfant puisse tomber malade", explique l'infirmière.

Certes une zone agro-écologique soudano-sahélienne aux conditions climatiques rudes, la région du Nord est pourtant réputée un vivier agricole à l'instar du reste du pays. En dehors des céréales (riz, maïs, mil, sorgho), elle produit également l'arachide, le niébé, le sésame, le tamarin, les légumes et les tubercules tels que la patate douce, les ignames, le macabo, le taro et le manioc.

"Avec tous ces aliments, le Nord est riche. Mais c'est savoir les utiliser pour l'alimentation, c'est un problème ici", déplore Zoyim. Témoin, "ici, on donne la bouille à l'enfant à partir de trois mois. Ce qui n'est pas bien, parce que l'enfant, dans la norme des choses, doit être au sein de sa maman pendant six mois. Dès qu'il a déjà six mois, la maman peut introduire la bouillie pour faire une alimentation mixte".

En période d'inondations comme en période de sécheresse, les populations du Nord broient de noir. "Il y a des conséquences pour les besoins pour les cultures. Les ménages qui sont touchés, c'est pour toute une année. C'est pourquoi par exemple on a mis en place au niveau de Kousseri notre programme d'urgence pour prendre en charge les ménages qui avaient un déficit en termes de production pour l'année passée", remarque Emery Kabugi du PAM.

Pour cette année, le dispositif prend en compte les ménages vulnérables touchés par les inondations. "Ces ménages ne vont compter plutôt que sur la contre-saison. Et pour qu'ils comptent sur la contre-saison, il faut que l'eau soit évacuée à temps dans leurs champs. Mais si les champs continuent à être inondés, ça peut aussi être une perte pour eux. Ces ménages risquent de rester toute une année sans pour autant avoir de quoi manger", avance Kabugi.

La prévention de la malnutrition porte néanmoins des fruits. "Je crois que le phénomène commence à diminuer, parce que les femmes commencent à comprendre le bien-fondé de ce programme. L'éducation qu'on leur donne ici, certaines commencent déjà à appliquer cela. Elles trouvent que donner la bouillie à un enfant de moins de 3 mois n'est pas une bonne chose. Certaines privilégient l'allaitement maternel spécialement exclusif", apprécie Noël Zoyim.