Le parti au pouvoir depuis 2005 au Burundi a remporté tous les sièges lors des législatives du 5 juin dernier, a annoncé ce 11 juin 2025 la CENI (Commission électorale burundaise), un leader d’opposition dénonçant pour sa part un scrutin « truqué ».
« Au niveau national, le CNDD-FDD est arrivé en tête avec 96,51% des voix exprimées », a déclaré le président de la CENI, Prosper Ntahorwamiye, lors d’une cérémonie retransmise en directe par la Télévision publique. Aucun des autres partis d’ayant obtenu 2% des suffrages, seuil prévu constitutionnellement pour siéger à l’Assemblée nationale, « au total 100 sièges reviennent au parti CNDD-FDD », a-t-il poursuivi.

Les résultats définitifs doivent être prononcés le 20 juin prochain par le Conseil constitutionnel. « On a tué la démocratie » au Burundi, s’est indigné Olivier Nkurunziza, le secrétaire général du parti UPRONA, interrogé par téléphone par l’AFP. L’UPRONA, qui a officiellement obtenu 1,38% des suffrages, « dénonce des élections truquées », a-t-il affirmé. Dans certaines circonscriptions, le CNDD-FDD a remporté 100% des voix, sans votes nuls, ni abstentions ni absents, « alors qu’on avait dans toutes les communes au moins 50 membres candidats », a remarqué M. Nkurunziza.
Des membres du CNL (Conseil national pour la liberté), principal adversaire de la formation au pouvoir, exclu par les autorités du scrutin, avaient le jour du scrutin dénoncé des votes multiples, des votes forcés, ainsi que la « chasse et interdiction d’accès » et des « emprisonnements arbitraires » de ses observateurs.

Anicet Niyonkuru, candidat aux législatives et président du Conseil des patriotes, un petit parti d’opposition, avait, lui, affirmé à l’AFP que les électeurs « mettaient dans l’urne » des bulletins « remplis à l’avance », « une grande tricherie qui a été observée partout ». Des journalistes et des électeurs, qui avaient requis l’anonymat par mesure de sécurité, avaient également fait état à l’AFP d’importantes irrégularités.
– Crise socio-économique très profonde » –
Le Président Evariste Ndayishimiye a pris les rênes du Burundi en juin 2020 après le décès subit de son prédécesseur Pierre Nkurunziza (sans lien de parenté avec l’opposant précédemment mentionné), qui avait tenu le pays d’une main de fer durant 15 ans. Son parti, le CNDD-FDD, est accusé d’entraver son principal adversaire, le CNL, arrivé en deuxième position lors des dernières élections en 2020. Le CNL les avait à l’époque qualifiées de « mascarade ».
En 2023, le ministère burundais de l’Intérieur avait suspendu le CNL, invoquant des « irrégularités » dans la manière dont il avait organisé deux congrès. En 2024, l’opposant Agathon Rwasa – ancien chef rebelle hutu contre l’Armée alors dominée par la minorité tutsie pendant la guerre civile, qui avait fait quelque 300.000 morts entre 1993 et 2005 – a été écarté de la tête du CNL et remplacé par Nestor Girukwishaka, réputé proche du parti au pouvoir.
Depuis son accession au pouvoir, Evariste Ndayishimiye oscille entre signes d’ouverture du régime, qui reste sous l’emprise de puissants généraux, et ferme contrôle du pouvoir, marqué par des atteintes aux droits humains dénoncées par des ONG et l’ONU. Le Burundi est le pays le plus pauvre du monde en terme de PIB par habitant, selon un classement de la Banque mondiale de 2023. 75% de ses 12 millions d’habitants vivent sous le seuil international de pauvreté.

Le pays fait face à « une crise socio-économique très profonde qui est marquée par toutes sortes de pénuries, une inflation galopante de plus de 40% par mois, un mécontentement populaire croissant », avait récemment déclaré un analyste burundais, qui avait réclamé l’anonymat par crainte de représailles. Une sévère pénurie d’essence paralyse notamment le Burundi depuis près de trois ans.
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