Bruits de colère au Tigré: Les 600 mille morts entre 2020 et 2022 hantent encore les esprits…

Afriquinfos Editeur
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Carte d'Ethiopie localisant le Tigré et sa capitale, Mekele.

Le Gouvernement éthiopien « suit attentivement » la situation au Tigré, région septentrionale où des tensions entre deux factions du parti au pouvoir menacent d’engendrer une nouvelle guerre, a affirmé le ministre des Affaires étrangères Gedion Timothewos.

Le Tigré a été le théâtre entre novembre 2020 et novembre 2022 d’un des conflits les plus violents des dernières décennies entre les Forces fédérales (appuyées par des milices locales et l’Armée érythréenne), et les rebelles tigréens. Cette guerre a entraîné la mort d’au moins 600.000 personnes dans cette région d’environ six millions d’habitants, selon l’Union Africaine et plusieurs experts en géostratégie. Les armes se sont finalement tues après un accord de paix signé à Pretoria, en Afrique du Sud.

Vue de Mekele, capitale de la région du Tigré, le 24 mai 2024 en Ethiopie.

Mais depuis plusieurs mois, des retards dans la mise en œuvre du texte nourrissent des tensions croissantes au sein du TPLF (Front de libération du peuple du Tigré), le parti qui gouverne la région après avoir été autrefois hégémonique en Ethiopie. Un haut cadre du parti, Getachew Reda, placé à la tête d’une administration intérimaire par les autorités fédérales, s’oppose au numéro 1 du TPLF, Debretsion Gebremichael. Les autorités d’Addis Abeba « suivent attentivement la situation » dans la région, a affirmé vendredi 14 mars 2025 le ministre Gedion Timothewos. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour garantir le respect de l’accord de paix de Pretoria, du cessez-le-feu et de la paix dans le nord de l’Éthiopie », a-t-il poursuivi.

Le ministre éthiopien des Affaires étrangères Gedion Timothewos lors du rapport sur le processus de paix au Tigré au 38è Sommet de l’Union Africaine (UA), à Addis-Abeba, le 16 février 2025.

Ces tensions « pourraient compromettre la paix relative qui règne dans la région » depuis l’accord de paix, a mis en garde samedi 15 mars dans un communiqué l’EHRC (Commission éthiopienne des droits humains, institution publique mais indépendante), évoquant également des « craintes de violation des droits humains ». L’EHRC a appelé toutes les parties « à s’abstenir de tout acte susceptible d’exacerber la crise ».

Mardi 11 mars, des hommes en armes fidèles à M. Debretsion ont pris le contrôle d’Adigrat, deuxième ville du Tigré, proche de l’Érythrée. Cette faction a également pris jeudi 13 mars 2025 le contrôle de la capitale du Tigré, Mekele, en renversant un Maire nommé par l’Administration intérimaire. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères a qualifié cette faction de « fauteurs de troubles », et l’a accusée lors d’une conférence de presse aux côtés de M. Reda d’essayer « ouvertement et manifestement de démanteler l’Administration intérimaire par la violence ».

M. Gedion a également affirmé que les proches de M. Debretsion ont établi « des contacts et collaborent avec des forces extérieures hostiles à l’Éthiopie », sans donner plus de précisions. Mais, les regards se tournent vers l’Érythrée, voisin de l’Éthiopie qui partage une longue frontière avec le Tigré, avec qui les relations sont tendues. De 1998 à 2000, les deux pays de la Corne de l’Afrique se sont livrés une guerre pour des différends territoriaux qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

Le Premier ministre Abiy Ahmed avait obtenu en 2019 le prix Nobel de la paix après avoir conclu un accord de paix avec le Président érythréen Issaias Afeworki, au pouvoir sans partage depuis 1993, qui avait brièvement permis une réouverture des frontières. Les relations se sont à nouveau tendues après la guerre du Tigré. Les ambitions d’Abiy Ahmed d’un accès à la mer pour l’Éthiopie, pays enclavé, ont également provoqué le courroux de l’Érythrée, qui accuse son voisin de lorgner le port érythréen d’Assab.

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