Le zébu, animal chéri des Malgaches

Afriquinfos Editeur
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Pour les dix-huit ethnies que compte l'Ile Rouge, la fortune ne se mesure pas à la valeur des actions en bourse, mais en nombre de pattes et de cornes. Le respect et le rang social dont vous gratifie la communauté sont proportionnels au nombre de livres de bavettes à pot-au-feu, de rumstecks, de kilos de jarrets et de palerons. Ce « porte-monnaie » visible à des kilomètres par les tonnes de poussière qu'il soulève sur son passage symbolise la prospérité. Mon collègue Peter appelle ça joliment le "Wall Street contemplatif".

Même si, à en croire certains, le terme zébu provient du tibétain "zeba" qui signifie boss, pour la grande majorité des ethnologues ayant mené des études à Madagascar, le zébu atteste de la présence d’Africains sur la côte est de l’île dès le 5e siècle.

Vestige culturel, animal de référence, le zébu est source de nombreux conflits souvent meurtriers commis par les Dahalo –  littéralement "voleurs de boeufs", des bandes organisées de jeunes gens adeptes du rituel du vol de bétail. Autrefois considéré comme un acte de bravoure, le phénomène s'est amplifié et perverti avec la crise des années 1970 et 1980 pour se transformer en véritables actes de brigandage. Armés de fusils traditionnels, les Dahalo font régner la terreur dans les contrées australes de Madagascar.

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Qu'il soit originaire des hautes Terres Centrales d'Imerina ou des Côtes, du Grand Sud ou du Nord, le Malgache contribue, à travers toutes sortes de rituels, à nourrir le mythe du zébu. L'animal est omniprésent dans la vie de tous les jours à laquelle il imprime son rythme, aussi bien sur terre que dans l'au-delà. La bénédiction des ancêtres défunts et qui, selon la croyance malgache adoucit le passage entre la courte vie ici-bas et l’autre, celle-là éternelle, passe par le sacrifice du zébu. Chez les Antandroy, le chef de famille n'est enterré que lorsque le dernier de ses zébus est immolé. Outre le fait que ce rituel règle pour de bon tout éventuel contentieux entre héritiers, les cornes de l'animal sont utilisées pour l’ornement de sa dernière demeure.

Qu'il soit en quête de spiritualité, d'une promotion, d'un sésame pour l'Europe, d'une guérison, qu'il ait l’intention de séduire une belle ou sa belle-mère, qu'il envisage de laver un affront, la honte, de venger un crime ou de conjurer le mauvais sort, qu'il rende grâce aux morts à travers de funestes festins ou des cérémonies de retournement des morts, dans les récits qui racontent les épopées des rois, dans les proverbes, les contes, les jeux d'adolescents ou au cours d'un simple repas entre amis, le Malgache ne vit son social qu'à travers le zébu.

L'animal contribue pour beaucoup à donner ses lettres de noblesse à l'art culinaire local. En effet que seraient le romazave (un court bouillon, plat favori des Malgaches), la  brochette de filet de zébu, le varanga (émincé de bosse de zébu cuit à l'étouffée – un délice), le carpaccio, le  tournedos de chez Rossini sans le zébu ?

Animal plutôt docile, le zébu est le plus fidèle compagnon du paysan malgache.

Il sert à la fois d'animal de traction ou de « piétinage » pour les durs travaux de labour. Le zébu est mère nourricière par le lait qu'il apporte au nourrisson et le fumier qui régénère la terre. Il est utilisé comme symbole au sommet des "aloalo", ce totem malgache surmonté d'une tête de zébu servant d'ornement aux maisons et aux caveaux. Et le zébu, décidemment mis à toutes les sauces, retrace la vie du patriarche sur terre…