Bombardement anti-Français de Bouaké: 20 ans après, les plaies mentales toujours non cicatrisées

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Un membre des "Jeunes patriotes" proches du Président ivoirien Laurent Gbagbo habillé aux couleurs du drapeau ivoirien passe devant des soldats ivoiriens le 4 novembre 2004 à Abidjan.

Aucun hommage officiel n’était prévu mercredi 06 novembre 2024 en Côte d’Ivoire, vingt ans jour pour jour après le bombardement de Bouaké où neuf soldats français ont été tués, suivi de manifestations ivoiriennes et d’une répression française meurtrière, une discrétion regrettée par les victimes de cette crise.

Le 6 novembre 2004, un chasseur déployé par l’aviation du Président ivoirien Laurent Gbagbo, qui contrôlait le sud du pays, pour attaquer les rebelles installés dans la moitié nord, avait bombardé par surprise à Bouaké (centre) un camp de la force de paix française, chargée avec l’ONU de faire tampon entre les deux parties.

Des manifestations ivoiriens dénoncent la destruction de l’aviation ivoirienne par l’Armée française, le 8 novembre 2004 à Abidjan.

Neuf soldats français étaient morts en plus d’un civil américain. L’Armée française avait immédiatement riposté en détruisant la quasi-totalité de l’aviation ivoirienne, déclenchant des manifestations massives très hostiles aux intérêts français à Abidjan.

‘Les évènements de Bouaké sont des évènements tristes. Que la France organise des commémorations, je peux le comprendre, mais je ne sais pas pourquoi la Côte d’Ivoire devrait organiser la commémoration de décès de personnes françaises’, a déclaré le Porte-parole du Gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly, sur le sujet.

Le soir du 6 novembre 2004, Charles Blé Goudé, le chef des ‘Jeunes patriotes’, loyaux à Laurent Gbagbo, avait appelé les Ivoiriens à se rendre à l’aéroport d’Abidjan pour s’opposer à l’Armée française, en dénonçant ‘le post colonialisme de la France’. Plusieurs jours de manifestations antifrançaises avaient suivi: 57 civils ivoiriens avaient été tués et 2.226 blessés par l’Armée française selon les autorités de l’époque, une vingtaine selon Paris. Quelque 8.000 Français avaient dû être évacués. Soit vers l’Hexagone, soit vers d’autres pays francophones africains.

Un collectif de victimes ivoiriennes, le Copavil (Collectif des patriotes victimes de la Licorne) estime lui le bilan à ‘au moins 90 morts et plus de 2.500 blessés‘. ‘Ceux qui ont mis ces enfants dans la rue pourront certainement commémorer ces évènements, mais ce n’était pas la responsabilité de l’Etat. Le Gouvernement n’a pas envoyé des gens manifester contre les Forces françaises‘, a développé M. Coulibaly.

Une cérémonie discrète s’est tenue en octobre 2024 devant le site bombardé en présence de plusieurs rescapés et familles de victimes françaises. En France, les victimes et familles de victimes du bombardement et des responsables militaires devaient se réunir mercredi 06 novembre au Régiment d’infanterie-chars de marine (RICM) de Poitiers (ouest), d’où venaient cinq des neuf soldats tués dans le bombardement de Bouaké.

A Bouaké justement, plusieurs témoins de l’époque se souviennent, eux, du choc et de la « panique » provoqués par ce bombardement. ‘Il n’y a pas de commémoration de cette agression disproportionnée, mais chaque fois que je passe devant le bâtiment éventré, j’ai un pincement au cœur’, regrette le député de la ville, Malick Fadiga. Il espère que des cérémonies auront lieu à l’avenir pour que les jeunes générations sachent ‘d’où on vient et prennent la paix comme le bien le plus précieux que nous avons en commun‘.

Les proches des victimes de la riposte française déplorent également l’absence d’hommages. ‘Il se devait que la nation, les institutions de la République organisent quelque chose en mémoire des personnes tombées’, s’indigne Ephrem Zedo, le secrétaire général du Copavil qui compte ‘intenter un procès contre la France en 2025‘. En novembre 2004, la situation a fini par s’apaiser après dix jours de chaos à Abidjan.

Un soldat français le 10 novembre 2004 devant le camp Descartes de Bouaké, bombardé quatre jours plus tôt par un chasseur de l’Armée ivoirienne.

La Côte d’Ivoire, qui était séparée en deux entre sud loyaliste et nord rebelle depuis une tentative de coup d’Etat ratée contre Laurent Gbagbo le 19 septembre 2002, est restée divisée jusqu’en 2011. Cette année-là, Laurent Gbagbo a été chassé du pouvoir, avec l’aide de l’Armée française, après avoir contesté la victoire à la présidentielle de son rival Alassane D. Ouattara. Cette crise post-électorale a fait ‘plus de 3.000 morts’, selon des chiffres officiels.

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