Bassem Youssef n’appartient a aucun parti et ne s’est jamais présenté comme président, et pourtant il détient une influence politique incomparable dans son pays. Son émission, devenue l’un des programmes les plus regardés, al-Bernameg (« The programme »), est engagée et ne laisse passer aucune erreur commise par les islamistes, ce qui fait de lui l’un des principaux opposants au président Mohamed Morsi et aux Frères Musulmans.
« Je fais le clown, mon travail consiste à taquiner le pouvoir (…) c’est l’arme la plus forte pour éradiquer les systèmes autoritaires », dit le caricaturiste pour décrire son action et dont l’influence est telle que Time magazine l’a introduit dans sa liste des 100 hommes les plus influents au monde.
Aucun des adversaires de Mohamed Morsi – Amr Moussa, Mohamed ElBaradei ou Hamdeen Sabahi – ne peut égaler le succès de l’humoriste. Ses vidéos envahissent la toile et font de l’humoriste la figure du parti Libéral, brisant taboos et faisant constamment preuve d’esprit critique.
L’humoriste, cardiologue de formation, n’avait pas saisi d’abord l’importance des manifestations du Printemps Arabe en janvier 2011. Il s’engagea très vite aux côtés des autres médecins et infirmières pour soigner les blessés durant l’attaque de la place Tahrir par le régime de Mubarak en février.
Il n’a pas eu de mal à se faire connaître après la révolution et la tombée d’Hosni Mubarak en filmant des sketches avec des amis qui se moquaient de la télévision gouvernementale. Il a du très vite faire un choix entre sa carrière de médecin et son autre carrière naissante d’humoriste : « Après neuf épisodes, j’ai eu une proposition de poste à la télévision, alors que presqu’au même moment on me proposait un poste de pédiatre dans un hôpital de Cleveland qui aurait pu être le poste de ma vie. J’ai choisi la télévision, et je ne le regrette pas jusqu’à présent », confie Bassem Youssef.
Son émission est diffusée en prime time, et c’est le seul moment, avec les matchs de football et les prières du vendredi, où tout le monde s’arrête un instant. L’égyptien est un admirateur de l’émission satirique de John Stewart aux Etats-Unis, c’est de là qu’il imagine ses parodies.
Ses répliques sont devenues cultes dans un pays qui a un besoin d’émancipation politique, sociale et culturelle, comme sa phrase « El liar byiruh el fire » où il se moque des talents d’orateur du président Morsi, alors qu’en déplacement en Allemagne celui-ci mélangeait l’arabe et l’anglais dans son discours.
L’humoriste ne s’arrête devant rien, il s’est moqué également du gouvernement quand on soupçonnait le Qatar de le financer : « Sauvez-nous de la faillite bancaire mon bon ami le Qatar ! », avait-il répliqué dans l’un de ses sketches.
Il va jusqu’à comparer les islamistes aux Nazis. Il explique qu’il ne veut en aucun cas les exclure de la politique mais simplement faire évoluer les mentalités en interpellant les gens.
Seulement, l’égyptien se met en danger et est attaqué depuis le début de l’année par les avocats d’islamistes et du président, mais les Salafistes pourraient également le harceler.
Récemment, il s’est présenté au procureur, après son arrestation, portant un chapeau noir comme celui de Morsi mais disproportionné à celui qu’il portait lors de la cérémonie de l’Université d’Islamabad. A la suite de cet évènement, il posta sur Twitter : « Les officiers de police et les magistrats voulaient tous prendre une photo avec moi, c’est peut-être pour ça qu’ils m’ont arrêté ».
Les harcèlements dont est victime Bassem Youssef lui valent d’obtenir une sécurité rapprochée renforcée, mais celui-ci affirme fièrement que pour rien au monde il ne se tairait.