Ankara (© 2023 Afriquinfos)- Au plus fort du second tour de la joute électorale en Turquie mettant aux prises Recep Tayyip Erdogan et Kemal Kiliçdaroglu, la question qui se posait sur le continent était la direction qu’allaient prendre les relations entre Ankara et l’Afrique en cas de victoire de l’un ou l’autre. Avec la réélection d’Erdogan la question ne se pose plus, tant ses deux dernières décennies au pouvoir, ont été celles où la coopération avec le continent a été la plus intense, et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu dimanche 28 mai lors d’un second tour inédit de l’élection présidentielle. A l’instar des dirigeants du monde entier, de nombreux présidents africains lui ont adressé leurs félicitations.
De Faure Gnassingbé à Mohamed Bazoum en passant par Ali Bongo, tous ont salué les excellentes relations qui prévalent entre la Turquie et l’Afrique. C’est en effet avec l’arrivée au pouvoir de l’AKP que la coopération entre Ankara et le continent ont pris une nouvelle dimension. Les chiffres parlent pour lui : En 15 ans, le réseau turc d’ambassades en Afrique passe de 12 à 44. Ankara abrite aussi désormais 37 ambassades africaines. En décembre 2021, encore en pleine crise sanitaire, pas moins de 16 chefs d’État africains et plus de 100 ministres du continent se sont rendus à Istanbul. Le Président turc a, ees dernières années, effectué plus de 40 visites en Afrique, faisant de lui, le dirigeant non-africain qui a visité le plus d’États du continent. L’histoire d’amour entre Ankara et le continent continuera de plus belle.
Interrogé à ce sujet, Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble et chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul, abonde dans ce sens, ‘’il y a un plan pour l’Afrique qui avait été défini dès 1998, donc on peut penser que, quel que soit le gouvernement, quel que soit le président qui sortira des urnes dimanche, la Turquie continuera d’avoir une politique africaine. Ce qui est vrai, c’est que, probablement, cette politique africaine risque d’être amendée sur un certain nombre de points. Peut-être justement sera-t-elle moins critique vis-à-vis des Occidentaux, peut-être sera-t-elle moins militaire… Mais on peut penser quand même que la Turquie conservera un intérêt fort pour l’Afrique’’ déclare-t-il.
A grands coups de sommets Turquie-Afrique qui se soldent par des contrats commerciaux et militaires, Ankara continuera donc de se faire sa place sur le continent. En 20 ans, en effet, les échanges sont passés de 5 à 35 milliards de dollars par an. La coopération militaire s’est notamment intensifiée depuis 2016. La Turquie vend ses blindés à 15 pays d’Afrique, mais aussi ses avions d’entraînement, ses nacelles de ciblage, ses hélicoptères de combat, ses petites munitions… et ses drones armés Bayraktar (« porte drapeau ») TB2. Fabriqués par Baykar, une société privée aux mains d’un gendre d’Erdogan, ils intéressent de plus en plus les États africains confrontés aux groupes armés terroristes ou djihadistes.
« C’est une arme compétitive, qui ne nécessite pas des infrastructures considérables pour des pays qui ne peuvent pas se permettre une flotte aérienne dernier cri, commente Jean Marcou. Une arme peu chère adaptée aux conflits que les pays africains affrontent ». Autre avantage : la Turquie offre la formation sur place, voire une partie des drones eux-mêmes, et n’est pas très regardante sur leur usage. Après le Maroc, la Tunisie, la Somalie et l’Éthiopie – qui s’en est servie contre les rebelles et les civils au Tigré –, c’est au tour du Niger, du Togo et du Burkina Faso de passer commande. Le Tchad, la RDC, l’Angola et le Rwanda songent aussi à acquérir ces drones Bayraktar TB2. Les contrats signés dans le cadre d’accords de coopération, une douzaine à ce jour, se multiplient.
Preuve de l’influence grandissante de la Turquie en Afrique, l’ouverture d’une base militaire à Mogadiscio en Somalie en 2017. Plus grande base à l’étranger, c’est la première en Afrique, mais peut-être pas la dernière. Des discussions seraient en cours avec le Niger et le Tchad. Des partenariats pour une plus grande industrialisation en Afrique sont également en gestation. Ce nouveau mandat de Recep Tayyip Erdogan va booster encore plus booster le partenariat Turquie-Afrique.
Boniface T.
