La directive de l’OMS sur l’hydroxychloroquine ravive le débat en Afrique

Afriquinfos Editeur
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L'Afrique face à la pandémie de coronavirus

Abuja (© 2020 Afriquinfos) – Le Nigeria, l’Algérie, le Maroc, le Sénégal ou encore le Tchad, le Gabon comptent parmi les premiers pays du continent africain à faire savoir qu’ils continuent de traiter la maladie à coronavirus avec l’hydroxychloroquine. Des annonces qui interviennent après que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé la suspension temporaire des essais cliniques portant sur la molécule, le temps que « la question de la sécurité soit examinée ».

Suite à la récente décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de suspendre temporairement les essais cliniques avec l’hydroxychloroquine, le ministre gabonais de la Santé, Dr. Max Limoukou, les responsables de la Commission technique et du Comité scientifique du Copil Coronavirus se sont réunis ce jeudi 28 mai 2020. Objectif : statuer sur ce traitement en débat, et que d’aucuns accusent de ne pas être efficace contre le Covid-19.

Et l’autorité ministérielle d’ajouter que le Gabon commandera, par ailleurs, les deux autres protocoles thérapeutiques en vigueur, afin que les praticiens aient le choix d’appliquer tel ou tel autre traitement.

La mesure fait suite à la parution d’une étude dans la revue scientifique britannique The Lancet qui conclut que la chloroquine et ses dérivés, loin d’être bénéfiques, seraient même dangereux pour les patients hospitalisés et soignés avec ces médicaments seuls ou associés à d’autres molécules. L’étude divise aussi la communauté scientifique.

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Une efficacité probable au début de la maladie

Ainsi, au lendemain de l’annonce de l’OMS, le Nigeria a indiqué qu’il poursuivrait ses essais cliniques sur l’hydroxychloroquine. A l’antenne de la chaîne de télévision nigériane TVC, la patronne de l’agence nigériane du médicament (Nafdac), Mojisola Adeyeye, a indiqué que l’hydroxycloroquine semblait donner des résultats probants quand elle était utilisée au début de la maladie.

Bien que les informations sur le Covid-19 évoluaient au quotidien, le professeur Mojisola Adeyeye a affirmé que trois phases de la maladie avaient été identifiées : un premier stade, une phase intermédiaire et une phase plus sévère. « Il est très probable que l’hydroxychloroquine fonctionnera » au premier stade et « en partie » dans la phase intermédiaire. En outre, « des données prouvent que l’hydroxychloroquine a fonctionné pour de nombreux patients atteints de Covid-19 ». Ce qui justifie la poursuite des essais cliniques qui ont démarré au Nigeria.

« Je ne pense pas que nous disposions encore de données sur la population africaine » concernant l’hydroxycloroquine et le Covid-19, a par ailleurs ajouté la directrice générale du Nafdac en mettant en avant les différences génétiques qu’il pouvait y avoir avec les populations caucasiennes qui semblent avoir fait l’objet de l’enquête publiée par The Lancet.

La chloroquine est toujours au cœur de l’offre thérapeutique contre la maladie à coronavirus au Royaume chérifien pour des raisons similaires à celles du Nigeria. « Les avis divergent, a confié le ministre marocain de la Santé Khalid Aït Taleb au journal L’Economiste dans un article daté du 27 mai 2020. Mais l’essentiel est que la chloroquine intervient dans l’inactivation virale. » Selon lui, « le virus infecte l’hôte en s’introduisant dans la cellule en plusieurs étapes. Une des étapes est inhibée par la chloroquine », a-t-il expliqué.

L’Economiste rappelle que Khalid Aït Taleb a « acté » depuis le 8 avril 2020, « le démarrage du traitement à la chloroquine et le contrôle de guérison chez les patients de Covid-19 ». Le traitement étant autorisé, précise le média marocain, « pour les cas possibles de Covid-19 symptomatiques, sans attendre les résultats de virologie, et tout en envisageant l’arrêt du traitement si le test s’avère négatif ».

Des résultats « satisfaisants »

L’Algérie voisine ne désavoue pas non plus la chloroquine. Comme le rapporte le journal El Watan dans sa parution du 27 mai 2020, « 15 000 patients diagnostiqués par PCR (test de dépistage) et scanner à ce jour » bénéficient de ce traitement.

« La décision de (le) mettre en place a été prise par le conseil scientifique depuis le mois de mars (2020) et les résultats à ce jour sont satisfaisants pour les patients traités », a déclaré au journal algérien le professeur Smail Mesbah, infectiologue et membre du Comité scientifique du suivi de l’évolution de la Covid-19.

Ce protocole de soin a été adopté « après avoir pris connaissance de l’expérience chinoise, des travaux du CDC (Centre pour la prévention et le contrôle des maladies) à Atlanta, aux Etats-Unis, et ceux du Pr Didier Raoult à Marseille », a précisé pour sa part au quotidien le Dr Mohamed Yousfi, chef du service infectiologie de l’hôpital de Boufarik (Blida).

En Afrique subsaharienne, le Sénégal ne renonce pas non plus à la chloroquine. « Le traitement avec l’hydroxychloroquine va continuer au Sénégal, l’équipe du professeur Seydi maintient son protocole thérapeutique », a indiqué le Dr Abdoulaye Bousso, directeur du Centre des opérations d’urgences sanitaires, dans un courrier adressé à l’AFP.

Une démarche confirmée par le professeur Moussa Seydi, l’infectiologue qui coordonne la prise en charge des malades du Covid-19, et qui avait récemment publié des résultats encourageants sur l’usage du médicament. Le Sénégal utilise l’hydroxychloroquine depuis le 19 mars, précise le site Dakaractu, « c’est-à-dire 17 jours après le diagnostic du premier cas de coronavirus ».

Enfin, au Tchad, « en attendant des recherches approfondies avec des résultats probants, nous continuons notre protocole », à savoir la chloroquine associée à l’antibiotique azithromycine, a déclaré également à l’AFP le professeur Ali Moussa, chargé de la prise en charge de la pathologie dans le pays.

Le débat sur l’efficacité ou pas de la chloroquine fait débat depuis plusieurs jours à travers le monde. Quand d’aucuns y voient une discussion porteuse, d’autres suspectent une pression du lobby pharmaceutique contre ce traitement fort accessible. Les éclairages scientifiques en cours permettront, à coup sûr, d’y voir plus clair.

V.A.