Afrique : Au moins 85 coups d’Etat depuis les années 60 pour divers résultats

Afriquinfos Editeur 67 Vues
8 Min de Lecture

Au-delà de la méthode unique, source d’une instabilité chronique pour de nombreux pays, chaque pays dispose de facteurs internes qui conduisent à la prise du pouvoir.

A cette liste non exhaustive des pays marqués par les coups d’Etat, peuvent s’ajouter les cas du Mali, de la RDC ou encore du Liberia. A ce jour, on estime à environ 85 le nombre de coups d’Etat perpétrés sur le continent africain ces cinq dernières décennies. Et c’est sans compter les nombreuses tentatives qui n’ont heureusement ou malheureusement pas pu aboutir…

 Togo : Sylvanus Olympio, père de la nation togolaise

C’est le premier coup d’Etat africain, et sans nul doute celui qui inspira par la suite bien d’autres pays : l’assassinat de celui qu’on appelle le  père de l’indépendance au Togo, Sylvanius Olympio. A la signature du protectorat français, ce cadre international, déjà Premier ministre, est perçu comme le prétendant naturel à la présidence de la jeune République du Togo.  Une fois au pouvoir, ce métisse polyglotte se consacre corps et âme à l’obtention de l’indépendance du pays. La souveraineté acquise, il ne cache pas la volonté d’autonomie complète jusqu’à envisager la sortie de la zone franc.

En 1962, il refuse de réintégrer dans l’armée togolaise, un groupe d’officiers togolais ayant combattu pour la France en Algérie. Dans la nuit du 12 au 13 janvier 63, ces soldats furieux prennent d’assaut la maison du président paisiblement occupé à rédiger la Charte de l’organisation de l’unité africaine. Alerté, Olympio se réfugie dans la cour de l’Ambassade américaine qui jouxte sa résidence. Il sera délogé par les putschistes qui lui enjoignent de quitter les lieux. Confronté à son refus, ces derniers le tuent sous la houlette du général Gnassingbé Eyadèma. A la place de Sylvanus Olympio, les militaires placent son beau-frère, Nicolas Grunitzsky, démis 4 ans plus tard par Eyadema qui s’installera au pouvoir pour environ quatre décennies. A sa mort, il sera remplacé par son fils Faure Gnassingbé dans une tension délétère.

L’assassinat de cadre est jusqu’à ce jour perçu comme l’un des plus grands drames pour les Togolais qui voyaient en lui l’homme idéal pour faire véritablement du Togo une «Suisse de l’Afrique».

Centrafrique : Bokassa, l’empereur déchu

Bokassa était considéré comme un homme du peuple à son accession au pouvoir par un coup d’Etat en 1965. Ancien officier supérieur de l’armée française, ce chef d’Etat désirait instaurer dans son pays le statut impérial. Avec l’approbation de la France, Bokassa se proclame Empereur de Centrafrique et se veut réformateur.

Mais en 1979, le chef d’Etat prend un autre visage et devient un dictateur confirmé. Il devient donc par la suite impopulaire. Le 21 septembre 1979, alors qu’il est en visite en Libye, Bokassa est renversé par les services secrets français dans une opération dénommé «Barracuda». A sa place, on installe son prédécesseur et cousin David Dacko qui rétablit la République.

«Seul Bokassa a tué? Les autres n'ont-ils pas tué? Non vraiment, il faut être juste… On m'a présenté comme un monstre en inventant cette histoire de cannibalisme parce qu'on voulait ma peau. C'est cela la vérité», se défendra plus tard Bokassaqui, condamné à mort en 1987, puis à la prison à vie, sera finalement gracié.

Burkina Faso :Thomas Sankara, l’espoir envolé

Les Burkinabè gardent toujours en mémoire les prouesses de ce jeune officier en qui ils voyaient l’espoir du renouveau. Thomas Isidore Noël Sankara est un capitaine de l’armée voltaïque, très en vue au début des années 80. Son engagement  politique, lui permet d’exercer un leadership idéologique sur la nouvelle génération d’officiers. Lors du coup d’Etat qui suit sa démission en tant que secrétaire général de la présidence, il est désigné Premier ministre. Mais l’homme est incontrôlable. Déjà, il dérange les «hauts-lieux» de la France pour qui il représentait une menace. Sa mise aux arrêts en mai 1983 plongele pays  dans un climat insurrectionnel.

Libéré par ses camarades menés par son bras droit Blaise Compaoré, Sankara prend le pouvoir. La révolution démocratique et populaire est ainsi proclamée. Quatre années durant, l’autosuffisance alimentaire, l’éducation et la santé en sont les priorités.

Le révolutionnaire suscite jalousie et se crée beaucoup d’ennemis. Le frère Compaoré, manifeste ainsi ses volontés putschistes. Dans l’après-midi du 15 octobre 1987, ses hommes investissent l’état-major du Conseil national de la révolution, où le président du Faso est en réunion. Assassiné, il est enterré à la hâte, avec 12 compagnons d’infortune, et est honoré par une foule de Burkinabè. Le nouveau régime démantèle la révolution. Partout sur le continent, la jeunesse inspirée par le modèle s’indigne. Et depuis, elle ne cesse de s’indigner.

Tunisie :Habib Bourguiba,

Habib a mené une lutte inlassable pour que la Tunisie accède à la pleine souveraineté, engagement qui lui vaudra emprisonnements répétés et exils forcés. Mais sa lutte sera récompensée lorsqu’il devient le premier Président de la République tunisienne.

Sitôt élu, il se montre réformateur. Il veut un Etat moderne aussi bien sur le plan économique que sociétal. Son état de santé, pourtant, ne rassure pas. On le dit faible et de moins en moins lucide. Des assertions sur lesquelles son Premier ministre, Zine Ben Ali, se base pour le renverser «médicalement».

Bourguiba est déposé avec ménagement dans un centre hospitalier par son numéro deux qui prend le pouvoir en tant que successeur constitutionnel.13 ans plus tard, le père de la Tunisie moderne rend l’âme et est enterré dans le somptueux mausolée qu’il s’est fait construire de son vivant. 

Côte d’Ivoire : Henri Konan Bédié, le balayeur balayé

A la mort du président Félix Houphouët-Boigny, en décembre 1993, Henri Konan Bedié, pressenti successeur, met tout en œuvre pour écarter toute entrave à son rêve. Pour cela, il lui faut disqualifier Alassane Ouattara, un adversaire de taille. A ces fins, il lance le concept d’«ivoirité », une idée restrictive de l’identité nationale, excluant nombre d’Ivoiriens de la nationalité.

Cette loi ne manque pas de créer des crispations xénophobes et ethnicistes. Dans ce contexte social délétère où accusations de tribalisme et de mauvaise gestion fusent à l’égard de Bedié, survient une mutinerie bien vite transformée en putsch le 24 décembre 1999.

Mené par le général Robert Guei, ce coup d’Etat symbolise le début d’une longue période de troubles. S’ensuivra une présidentielle qui a débouché sur la crise postélectorale de 2010-2011.

 

Larissa AGBENOU