«Les gouvernements africains, les investisseurs et les institutions financières internationales doivent augmenter de manière significative leurs investissements dans le secteur énergétique de l’Afrique afin de libérer son potentiel de superpuissance en matière de faibles émissions de carbone», c’est en substance le message que véhicule ce rapport qui estime quece type d’investissement réduirait la pauvreté et les inégalités, stimulerait la croissance et assurerait le leadership climatique qui fait crucialement défaut sur la scène internationale.
Selon le rapport, plus de 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité en Afrique subsaharienne, et ce nombre ne cesse de croitre de jour en jour. Cette pénurie d’énergie diminue la croissance de la région de 2 à 4 % par an, freinant les efforts destinés à créer des emplois et à réduire la pauvreté. Pourtant, malgré une décennie de croissance, les écarts en production d’électricité entre l’Afrique et les autres régions s’élargissent.
L’Afrique subsaharienne utilise par exemple moins d’électricité que l’Espagne à l’exception de l’Afrique du Sud, qui produit à elle seule la moitié de l’électricité de toute la région .Le Nigeria est une grande puissance exportatrice de pétrole, cependant 95 millions de ses citoyens utilisent le bois, le charbon et la paille pour produire leur énergie. Un Tanzanien mettrait, en moyenne, huit ans pour consommer autant d’électricité qu’un Américain en un mois. « Il y a donc une défaillance considérable du marché à ce niveau », dénonce le rapport.
Le rapport explique cette inégalité en révélant que « les ménages vivant avec moins de 2,50 dollars par jour dépensent collectivement 10 milliards de dollars chaque année en produits énergétiques, tels que le charbon, le kérosène, les bougies et les torches ». Sur une base unitaire, les ménages les plus pauvres d’Afrique dépensent environ 10 dollars/kWh pour l’éclairage, soit 20 fois plus que les ménages africains les plus riches.
Prendre de nouvelles mesures
Cet état de chose amène l’APP à faire des recommandations. Dans son rapport, il encourage ainsi les dirigeants africains à entreprendre une révolution énergétique qui permettra de raccorder les populations au réseau électrique et de répondre aux besoins des consommateurs, des entreprises et des investisseurs pour une électricité abordable et fiable. L’APP exhorte donc la région à utiliser le gaz naturel pour produire de l’énergie pour les besoins domestiques ainsi que pour l’exportation, tout en mettant à profit le vaste potentiel inexploité de l’Afrique dans les énergies renouvelables
« Les technologies renouvelables à bas coût permettraient de réduire le prix de l’énergie, ce qui bénéficierait à des millions de foyers pauvres, créerait des opportunités d’investissement et réduirait les émissions de carbone », analyse le rapport.
Les membres de l’APP recommandent également de faire cesser la corruption, rendre la gouvernance des services publics plus transparente, renforcer la réglementation et augmenter les dépenses publiques en matière d’infrastructures énergétiques tout en demandant de rediriger les 21 milliards de dollars dépensés en subventions pour des services publics inefficaces et pour une consommation énergétique déficitaire (qui profitent essentiellement aux riches) vers des subventions pour le raccordement au réseau électrique et des investissements dans les énergies renouvelables.
L’organisation estime qu’un «fonds mondial de connectivité» visant à raccorder 600 millions d’Africains supplémentaires d’ici 2030 est nécessaire pour encourager l’investissement en matière de fourniture d’énergie en réseau et hors réseau.
Ce rapport appelle également à un renforcement de la coopération internationale afin de combler le manque de financement dans le secteur énergétique de l’Afrique, estimé à 55 milliards de dollars par an jusqu’en 2030.
«En refusant de prendre des risques et en attendant que d’autres fassent le premier pas, certains gouvernements jouent au poker avec la planète et la vie des générations futures. L’heure n’est pas aux faux-fuyants, aux intérêts personnels à court terme ni aux ambitions réduites, mais plutôt à un leadership mondial audacieux et à l’action décisive», a déclaré Kofi Annan président de l’Africa Progress Panel.
«L’Afrique est bien placée pour accroître la production énergétique nécessaire pour stimuler la croissance, fournir de l’énergie à tous et jouer un rôle de leader dans les négociations cruciales sur le changement climatique», a estimé l’ancien secrétaire général de l’ONU
A cet effet, le sommet crucial sur le climat qui se tiendra en décembre prochain à Paris pourrait être une occasion de discuter sur ce défi, jauge l’APP qui propose aux gouvernements africains et leurs partenaires internationaux d’élever le niveau d’ambition au cours de leurs échanges.
Larissa AGBENOU