‘Sous terre, il n’y a plus rien qui permette à un être humain de survivre’, témoigne Ayanda Ndabeni, mineur clandestin rescapé des galeries abandonnées de la désormais tristement célèbre mine d’or Stilfontein cernée par la police sud-africaine qui veut les déloger depuis deux semaines.
Après deux mois sous terre, ce « zama zama » comme sont appelés les mineurs clandestins en Afrique du Sud, est sorti vendredi 15 novembre 2024 à l’aide d’une corde du puits qui s’enfonce jusqu’à un kilomètre et demi au plus profond.
Le silence sur place, uniquement troublé par le bourdonnement du drone de surveillance de la Police, cacherait presque que des centaines d’âmes croupissent dans le sous-sol du veld de Stilfontein, environ 150 kilomètres au sud-ouest de Johannesburg.
Les autorités ont circonscrit depuis deux semaines son approvisionnement pour forcer des centaines de mineurs clandestins à refaire surface sur ces terres minières à la limite de l’Etat libre, dont la rivière Vaal, à peine cinq kilomètres plus loin, marque la frontière. ‘Nous n’enverrons pas d’aide à des criminels, nous allons les enfumer et ils sortiront’, avait lancé en milieu de semaine dernière la ministre sud-africaine auprès de la Présidence, Khumbudzo Ntshavheni.

Ses propos ont provoqué des réactions indignées, notamment dans les rangs de l’Opposition dans le pays où les « zama zamas » ont une réputation sulfureuse auprès d’une partie de la population qui associe à leur activité une hausse de la criminalité. ‘Cette opération de la Police a tout arrêté, nous souffrons sous terre. Certains d’entre nous sont morts. D’autres sont malades, dans un état critique’, a décrit Ayanda Ndabeni, 35 ans. Comme lui, une douzaine de mineurs ont retrouvé la lumière du jour depuis quelques jours. Un corps en décomposition a aussi été ramené à la surface.

Cigarettes et bière à portée de main, Ayanda Ndabeni dit ne pas avoir été placé en détention par la Police car il n’a pas de casier judiciaire et qu’il est Sud-africain. A la différence d’autres « zama zamas » (« ceux qui essaient » en zoulou) expulsés, qui sont souvent des migrants clandestins du Lesotho, du Mozambique ou du Zimbabwe. Au total, ils seraient jusqu’à 4.000 à Stilfontein, a avancé un membre de la communauté du township voisin de Khuma, mobilisé tous les jours pour soutenir les mineurs.
– Le puits N.10-
Dimanche 17 novembre 2024, jour de messe oblige, ni manifestants ni volontaires ne se sont déplacés jusqu’au puits bouclé par la Police. Ils disent avoir descendu la veille 600 litres d’eau et autant de paquets de porridge instantanés, a expliqué un des leaders de la communauté, Johannes Qankase.
Maigre subsistance pour des centaines d’hommes, ce ravitaillement reste le plus conséquent depuis le début des opérations de Police. Il doit être suivi d’un autre qu’il espère massif, à la faveur d’une ordonnance du Tribunal de Pretoria ayant demandé à ce que le puits soit ‘débloqué’.
‘On ne demandera la permission à personne pour donner de la nourriture aux gens‘, prévient-il. Si le township se mobilise, c’est qu’une grande part des gains des mineurs ruisselle autour, d’après lui. ‘Tous les commerces sont touchés, car la plupart de ceux qui font vivre leur famille sont coincés sous terre’, juge Johannes Qankase. ‘Ils disent qu’ils font quelque chose d’illégal mais ce qu’ils font, ça aide l’économie locale’.
L’horizon parsemé de terrils et de puits de mines témoigne d’un âge d’or minier passé, datant d’avant la fermeture, il y a dix ans, du dernier puits, le N.10. Celui où travaillait Ayanda Ndabeni, mineur comme avant lui son père qui a quitté le Cap oriental pour descendre dans les puits aurifères. ‘Par faim et parce que nous ne savons pas où gagner notre vie ailleurs, on a décidé de descendre dans cette mine que le propriétaire n’a pas condamnée’, dit-il. Assurant que la plupart des « zama zamas » de Stilfontein étaient mineurs avant les fermetures.
‘Il y a une vie pour nous sous terre’, assure-t-il avant de faire défiler sur son portable des photos de souvenirs heureux où il pose avec un ami dans la nuit des galeries. Dimanche 17 novembre 2024, la Porte-parole nationale de la police Athlenda Mathe, a réédité sur place son appel à ‘refaire surface à tous les mineurs clandestins’. ‘Si on ne m’en empêchait pas, lâche Ayanda Ndabeni, j’y retournerais demain’.
Un fait social symptomatique de l’intégration difficile d’étrangers en Afrique du Sud
La police sud-africaine et des ambulances étaient déployées jeudi 14 novembre 2024 sur le site d’une ancienne mine d’or où plusieurs milliers de mineurs clandestins se trouveraient sous terre, risquant l’arrestation s’ils décidaient de sortir.

Cinq de ces hommes ont été sortis mercredi 13 novembre du puits de Stilfontein, à quelque 140 km au sud-ouest de Johannesburg, et deux autres jeudi après-midi. La Police a exhorté d’autres mineurs à remonter à la surface. ‘Ils étaient déshydratés et faibles, ils avaient faim’, a détaillé Sabata Mokgwabone, porte-parole provincial de la Police, ajoutant qu’ils avaient été ‘soignés et placés en garde à vue’.
Un corps en voie de décomposition a également été remonté à la surface jeudi, a précisé la porte-parole de police Athlenda Mathe, précisant qu’une enquête avait été ouverte. Plus de 1.100 mineurs clandestins ont été arrêtés ce mois-ci à la sortie de ce puits, dans le cadre de vastes opérations de police qui ont notamment bloqué les routes utilisées par leurs complices pour les ravitailler en nourriture et en eau, en faisant descendre des cordes dans le puits.
Appelés ‘zama zamas’ (« ceux qui essaient » en zoulou), ces hommes, souvent venus de pays voisins, travaillent dans des conditions périlleuses en Afrique du Sud, riche en divers minerais. Leurs activités illégales sont vues d’un mauvais œil par les compagnies minières comme par les riverains, qui les associent à une hausse de la criminalité. La semaine écoulée, un riverain en contact avec des mineurs dans le puits a avancé qu’ils pourraient être jusqu’à 4.000 sous terre, avait expliqué le porte-parole de la police provinciale, affirmant n’avoir aucun moyen de vérifier ce chiffre.
Pour Athlenda Mathe, Porte-parole nationale, ce chiffre est probablement « exagéré ». Des riverains réunis sur le site supplient aussi les mineurs clandestins de remonter. ‘Nous avons des frères, des fils, des maris là’, souligne Emily Photsoa, appelant l’Etat à intervenir. Le Gouvernement ne bougera pas, avait fait savoir mercredi 13 novembre 2024 la ministre auprès de la Présidence, Khumbudzo Ntshavheni.
‘Nous n’enverrons pas d’aide à des criminels, nous allons les enfumer et ils sortiront’, a-t-elle déclaré à la presse, suscitant de nombreuses réactions indignées, notamment au sein de l’Opposition.

© Afriquinfos & Agence France-Presse