Sept mois après sa formation, le Gouvernement d’union nationale sud-africain continue de tanguer au rythme de ses désaccords bruyants mais ne rompt pas, avec à la manoeuvre le Président Cyril Ramaphosa, qui doit prononcer ce 06 février 2025 son discours sur l’état de la Nation.
Fin janvier 2025, c’est à la sortie de l’avion qui le ramenait du Forum économique mondial de Davos que John Steenhuisen, patron de l’Alliance démocratique (DA), a appris via les réseaux sociaux que le Chef de l’Etat avait promulgué une loi d’expropriation dont la DA demandait l’amendement. La DA est le principal associé de l’ANC de M. Ramaphosa au sein du Gouvernement de coalition issu des élections de mai 2024, singulier attelage ou elle est à la fois la partenaire et l’opposante du parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid, dans les années 1990.

« Si nos idées ne sont pas écoutées et prises en compte, il n’y a vraiment aucun intérêt » à ce que la DA reste dans la coalition, a averti M. Steenhuisen, dépité. « Ils pensent qu’on est à couteaux tirés mais non », badine quatre jours plus tard devant la presse le Président Ramaphosa. « Si vous voulez tout savoir, John Steenhuisen et moi, on va déjeuner, là. Vous nous mettez en retard ». La loi d’expropriation, dénoncée par le Président américain Donald Trump qui a menacé Pretoria de représailles, n’est qu’un énième sujet de discorde entre les deux partis, après les langues d’enseignement à l’école ou les mots tendres de Cyril Ramaphosa envers la Russie.
Ces passes d’armes à fleurets mouchetés, qui nourrissent la fébrilité et pèsent sur le cours du rand, devraient se poursuivre à propos de l’Assurance nationale de santé (NHI).
– Pas faiseuse de rois –
Ce projet de couverture santé universelle, dans un pays parmi les plus inégalitaires au monde, apparaît comme un nouveau gage donné par le madré Cyril Ramaphosa à la faction la plus radicale de l’ANC. « Cela fait partie de son arsenal pour montrer à ses électeurs et à une faction importante de l’ANC qu’il ne mange pas dans la main de la DA », explique la politologue Susan Booysen. Si l’ANC a conservé son leadership aux élections de mai dernier (40% des voix) devant la DA (22%), elle y a perdu pour la première fois sa majorité absolue au Parlement, et a rassemblé pour pouvoir continuer à gouverner une coalition avec son dauphin et huit autres partis plutôt confidentiels.
Une alliance a priori contre nature entre l’ANC, parti historique de la lutte anti-apartheid et la DA (libéral de centre-droit), où la seconde a un problème de taille: elle n’est pas faiseuse de rois. La DA a par ailleurs tellement clamé craindre la « coalition de l’apocalypse » que l’ANC pourrait nouer avec la gauche radicale de l’EFF et le populiste MK Party, fondé par l’ex-Président Jacob Zuma, qu’il dispose de peu de leviers. « Ils auraient pu être beaucoup plus forts s’ils avaient mieux négocié », estime encore Susan Booysen, qui s’interroge: « Ont-ils été naïfs, ou s’agit-il d’une décision consciente et calculée de se dire +allons-y et on verra les lacunes de cette coalition plus tard+ »?

Résultat, la DA multiplie les avertissements sur son avenir au sein de la coalition, sans se risquer à claquer la porte, comme un agneau un peu tendre pris au piège par l’ANC, lion vieillissant mais encore roi du marigot politique sud-africain.
© Afriquinfos & Agence France-Presse