Tunisie : le gouvernement de la dernière chance ?

Afriquinfos Editeur
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Elyes Fakhfakh, le chef du gouvernement tunisien, a remis officiellement sa démission au président Kaïs Saïed

TUNIS (© 2020 Afriquinfos)- Hichem Mechichi, désigné le 25 juillet par le Président Kaïs Saïed pour former le prochain gouvernement tunisien, avait un mois pour rendre sa copie. Il a attendu minuit sonnantes, hier, pour dévoiler enfin la liste de son équipe : 25 ministres et 3 secrétaires d’État.

Un «gouvernement de compétences», formé de ministres indépendants souvent issus de l’administration et non affiliés politiquement. Une équipe à l’image de son patron, Hichem Mechichi, un technocrate de 46 ans sorti du moule de l’administration et totalement inconnu du grand public jusqu’à l’an dernier. Maintenant, le plus dur commence : le Parlement se réunira le mardi 1er septembre prochain pour voter ou non l’investiture de ce gouvernement de la dernière chance…

Hichem Mechichi a été choisi par le président Kaïs Saïed et par la directrice de cabinet de celui-ci, Nadia Akacha, pour remplacer au pied levé Elyes Fakhfakh, emporté par un scandale de conflit d’intérêts. Fakhfakh s’était mis à dos le parti islamiste Ennahdha, force dominante au sein du Parlement tunisien (54 des 217 élus de l’Assemblée des représentants du peuple). Le président Saïed, lui-même en conflit politique avec les islamistes, a longtemps hésité avant de lâcher Fakhfakh. Il s’y est résolu pour éviter que le chef du gouvernement ne soit renversé par une motion de censure, ce qui aurait alors permis à Ennahdha de désigner son successeur sans que le président ne puisse dire son mot.

Indépendant et hostile aux partis politiques, le président Kaïs Saïed savait que la désignation de Mechichi serait perçue comme un camouflet par les formations qui dominent le Parlement tunisien. Pis : Mechichi les a snobés, n’a tenu aucun compte de leur avis pendant la phase de consultations, et ne les a pas informés de son choix. Stratégie risquée : c’est un jeu à quitte ou double, un moyen de tordre le bras aux partis. Soit ils capitulent et acceptent Mechichi et son gouvernement, soit ils retournent devant les urnes, car Saïed dissoudra alors le Parlement, moins d’un an après les élections d’octobre 2019.

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Stratégie à quitte ou double

Difficile, à l’heure qu’il est, de savoir si Mechichi obtiendra ou non la confiance des députés (109 voix sont requises). Les islamistes d’Ennahdha, leurs alliés d’Al Karama (populo-islamo-révolutionnaires), mais aussi Attayar, le Courant démocratique, de Mohamed Abbou, ont dit leur opposition à la formule d’un gouvernement de «compétences indépendante».

Mais l’opinion publique tunisienne a bien accueilli la nouvelle équipe, même si la plupart des ministres lui sont inconnus. Exaspérés par cette crise politique qui se prolonge depuis le décès, en juillet 2019, du président Béji Caïd Essebsi, les Tunisiens voient leur économie s’effondrer (le PIB s’est contracté de 21,6% au deuxième trimestre 2020) et l’autorité de l’État tomber en déliquescence. S’ils retournaient aux urnes, ils pourraient sanctionner durement la classe politique dans son ensemble en portant leurs votes sur le PDL, le Parti Destourien Libre, de l’avocate Abir Moussi, nostalgique de Zine El Abidine Ben Ali et viscéralement opposée aux islamistes mais aussi à la mouvance révolutionnaire représentée par les supporters de Kaïs Saïed. Le PDL caracole maintenant en tête dans les sondages…

 

K.A.N