Le drame de l’Ocean Viking ravive les divisions européennes sur la question des migrants

Afriquinfos Editeur
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océan viking

Rome (© 2020 Afriquinfos)- Le navire humanitaire «Ocean-Viking» a finalement été autorisé à débarquer en Italie avec 180 migrants. Ce 5 juillet, l’embarcation humanitaire Ocean-Viking a reçu le feu vert des autorités italiennes pour débarquer à Porto Empedocle, en Sicile, avec les personnes secourues en Méditerranée. Un débarquement qui relance un vieux débat dans l’UE.

Après plusieurs requêtes auprès des autorités italiennes et maltaises, l’Ocean-Viking n’avait jusqu’ici reçu que des réponses négatives et la tension était brusquement montée à bord, à tel point que le navire s’était déclaré vendredi dernier en «état d’urgence».

«Le retard inutile de ce débarquement a mis des vies en danger», a dénoncé l’ONG SOS Méditerranée (affréteur du navire) qui fait cependant état d’un «soulagement à bord». «Au cours des derniers jours, l’Union européenne a gardé le silence : aucune initiative visant à relancer l’accord de Malte pour la relocalisation des rescapés. Il n’y a eu aucun signe de solidarité avec les Etats côtiers», déplore SOS Méditerranée sur son compte Twitter.

Tandis que de nombreuses personnes continuent de fuir la Libye, les bateaux humanitaires ont récemment repris leurs activités de sauvetage, en grande partie interrompues par la crise due au coronavirus.

Alors que toutes les frontières de l’espace Schengen ont été fermées, que de nombreux pays membres ont rétabli les contrôles aux frontières intérieures et qu’ailleurs dans le monde, les Etats multiplient des mesures similaires, les flux migratoires ont subi un coup d’arrêt. L’Agence européenne de garde-frontières, Frontex, a détecté, en mars dernier, 4.500 franchissements illégaux des frontières de l’Union européenne (UE), soit moitié moins qu’en février. «C’est inhabituel, car normalement, à mesure que le climat s’améliore, les franchissements augmentent», décrit Chris Borowski, un porte-parole de Frontex.

La baisse la plus importante est observée en Méditerranée centrale, avec 200 personnes arrivées de façon irrégulière en mars, soit une chute de 90%. Cette tendance pourrait s’accentuer, a fortiori dans un contexte où la présence de bateaux de secours en mer s’est raréfiée et où l’Italie, le 7 avril, puis Malte, le 9 avril, ont officiellement déclaré que leurs ports étaient fermés en raison de l’épidémie. Deux embarcations de migrants sont toutefois parvenues à rejoindre l’Italie depuis, tandis que les passagers d’une autre, secourus par l’ONG Sea-Eye, après dix jours d’attente, ont été placés en quarantaine en Italie.

Consensus en gestation autour des migrants dans l’UE?

En septembre dernier, la France et l’Allemagne avaient  signé un «pré-accord», pour soulager l’Italie et Malte. En acceptant d’accueillir sur leur sol une partie des migrants repêchés en mer, Paris et Berlin espèrent débloquer le différend européen autour de ce dossier épineux.

Quatre pays de l’Union européenne (France, Allemagne, Italie et Malte) s’étaient entendus sur un pré-accord visant à se répartir les migrants repêchés en Méditerranée centrale. Le texte, approuvé par l’UE, vise à mettre un terme aux polémiques récurrentes au sujet des navires des ONG cherchant des ports d’accueil. Toutefois, ce consensus laisse de côté la problématique des populations arrivées par leurs propres moyens sur les côtes italiennes ou maltaises. Il s’agit aussi, avec cette ébauche d’accord, de créer les bases d’une coalition plus large de volontaires. L’objectif : qu’une grosse dizaine de pays s’entende sur la répartition des personnes repêchées en mer – en distinguant migrants économiques, destinés à être renvoyés, et demandeurs d’asile, dont certains obtiendront le statut de réfugiés.

L’espoir est surtout d’inverser la vapeur sur le sujet des migrations et de l’asile. L’accord signé en 2019 doit servir à tourner une page douloureuse, qui a vu une faille béante apparaître entre l’est et l’ouest de l’Union européenne. L’enjeu, désormais, est de s’atteler, à nouveau, à la réforme du règlement de Dublin qui régit l’asile en Europe.

Une source européenne veut croire les planètes mieux alignées qu’auparavant. D’abord, les flux d’arrivées sont nettement moins élevés qu’auparavant, ce qui doit permettre de «faire diminuer la pression médiatico-politique». Ensuite, l’entrée en fonction d’une nouvelle Commission européenne doit permettre de repartir de zéro, et de se débarrasser du principe des relocalisations obligatoires de réfugiés, qui suscitait une violente colère à l’est de l’UE.

Parmi les 180 passagers migrants d’Ocean-Viking figuraient vingt-cinq mineurs dont des Pakistanais, des Nord-Africains, des Erythréens et des Nigérians. Ils ont été recueillis lors de quatre opérations distinctes, les 25 et 30 juin derniers. Les migrants d’Ocean-Viking ont été testés à la Covid-19 et ils devraient être placés en quarantaine.

I. N.