La Tunisie en suspens avant le 1er tour de la présidentielle

Afriquinfos Editeur
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Des partisans du candidat du Front populaire (gauche radicale), Mongi Rahoui, à la présidentielle tunisienne font campagne à Tunis le 13 septembre 2019.

La Tunisie retenait son souffle à la veille d’une élection présidentielle au résultat imprévisible, qui oppose notamment un publicitaire emprisonné, un Premier ministre impopulaire, ou un dirigeant du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, déclenchant des débats passionnés.

Dernier soubresaut de la campagne: deux candidats de second plan, Mohsen Marzouk et Slim Riahi, ont indiqué à la dernière minute s’être désistés en faveur du ministre de la Défense Abdelkarim Zbidi, tentative tardive de limiter l’éparpillement des voix dans un scrutin marqué par un foisonnement de candidatures sans clivage de programme clair. Samedi a été une journée de silence électoral, avant le début du scrutin dimanche à 08H00 (07H00 GMT). A l’étranger, les bureaux de vote sont ouverts depuis vendredi. Mais la cacophonie politique continue: la campagne pour les législatives a démarré à minuit, et des militants ont commencé à coller les affiches des plus de 1.500 listes qui seront en lice le 6 octobre. La mort fin juillet du président Béji Caïd Essebsi, à quelques mois de la fin de son mandat, a bouleversé la donne. La présidentielle, avancée de neuf semaines, a focalisé toute l’attention au détriment du scrutin législatif, qui se tiendra très probablement entre les deux tours de la présidentielle.

« Des surprises en perspective? », titrait le journal Le Quotidien, tandis que le journal arabophone al-Sahafa, s’interrogeait en une: « Qui sera à la hauteur pour devenir président »? Transport des urnes scellées sous le regard de l’armée, derniers réglages dans les bureaux de vote: les préparatifs battaient leur plein dans la journée. Environ 70.000 membres des forces de sécurité seront déployés dimanche, a indiqué le ministère de l’Intérieur. Les internautes lançaient des paris et spéculaient sur des sondages circulant sous le manteau, en raison de l’interdiction de publication depuis juillet. De premières estimations sont attendues dans la nuit de dimanche à lundi, tandis que l’instance chargée des élections (Isie) doit annoncer des résultats préliminaires mardi.

– Vote sanction –

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Huit candidats sont issus de Nidaa Tounes, formation hétéroclite victorieuse en 2014 qui s’est scindée en factions rivales depuis. Parmi les huit candidats figure le Premier ministre Youssef Chahed, qui peine à défendre le bilan de ses trois ans au gouvernement. Le chômage, qui avait été l’un d’un moteurs de la révolution de 2011, reste accroché à 15%, tandis que l’augmentation continue des prix pèse sur des salaires déjà bas. La justice a confirmé vendredi que l’un de ses rivaux de poids, le publicitaire Nabil Karoui, soupçonné de blanchiment d’argent et arrêté fin août, resterait en prison. S’il passait au second tour, il pourrait devenir le premier détenu dans la course finale d’une élection présidentielle. Vendredi soir, une centaine de ses partisans se sont rassemblés à deux km de la prison en périphérie de Tunis, scandant des slogans de soutien et allumant des fumigènes. « J’espère qu’il nous entend », a lancé son épouse, Salwa Smaoui, qui a fait campagne au nom de son mari.

Plusieurs des 26 candidats ont fini leur campagne vendredi soir par des meetings festifs à quelques dizaines de mètres les uns des autres, donnant au centre de Tunis un air de kermesse politique bon enfant où se croisaient des militants de toutes tendances. Parmi eux, le premier candidat à briguer la présidence sous l’étiquette du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou. Si cet avocat débonnaire à la verve appréciée est connu pour sa capacité à dialoguer, Ennahdha reste un repoussoir pour une frange des Tunisiens. « Il est gentil, rassembleur », estime Maherez Harfaoui, un retraité conquis, qui s’apprête à voter « Mourou. Pas Ennahdha, Mourou ». La campagne, marquée par des soirées politiques télévisées très suivies, a ravivé le débat dans le seul pays à continuer à se démocratiser parmi ceux touchés par les soulèvements des printemps arabes en 2011. Mais la crise économique et les querelles politiciennes qui ont marqué ces dernières années ont miné la confiance des Tunisiens envers les grands partis, ouvrant la voie à un vote sanction.