Extradition vers le Burkina Faso : François Compaoré fixé mercredi

Afriquinfos
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In this photograph taken on December 20, 2012, Francois Compaore, brother of the deposed Burkinabe president Blaise Compaore, looks on during a summit in Ouagadougou. Francois Compaore, brother of the deposed Burkinabe president Blaise Compaore, was released under judicial supervision on October 30, 2017, after he was detained on October 30, under an international arrest warrant issued by Burkina Faso, after landing at Roissy airport in Paris, as part of an investigation into the assassination in 1998 of celebrated investigative journalist Norbert Zongo. / AFP PHOTO / Ahmed OUOBA

Paris (© 2018 Afriquinfos) –C’est ce mercredi que François Compaoré, le frère de l’ex-président burkinabè Blaise Comaporé, saura si oui ou non la France (où il réside) le renverra vers son pays d’origine. François Compaoré est mis en examen dans l’affaire de l’assassinat en 1998 du journaliste burkinabè d’investigation, Norbert Zongo.

François Compaoré (voir photo), 64 ans, vit peut-être une longue et pénible attente. Dans moins de 24 heures, cet ancien ponte du défunt régime de Blaise Compaoré saura si oui ou non la France acceptera de l’extrader.

C’est à la fin du mois d’octobre que l’ex-homme fort se faisait cueillir par la police française à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, compte tenu d’un mandat d’arrêt international émis contre lui le 5 mai de l’année dernière.

Si vous n’avez pas ces documents, au bout de dix mois, c’est que ces documents n’existent pas.

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A la fin mars et au cours d’une audience devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, les avocats du prévenu ont demandé l’annulation pure et simple de cette demande d’extradition. Leur argument ? La demande manquerait de solidité. Mais du côté de la justice burkinabè, il n’y a pas l’ombre d’un doute ; des documents incriminent formellement François Compaoré dans l’assassinat du journaliste.

Pierre-Olivier Sur, l’avocat de l’accusé, reste sur sa position ; son client est blanc comme une nouvelle feuille de papier et les documents brandis pas la justice burkinabè n’ont (toujours selon l’avocat) jamais atterri dans les tiroirs de la justice française. En d’autres termes, ils n’ont jamais été transmis à la France.

Des documents compromettants balayés par l’avocat du prévenu

Pierre-Olivier Sur, très sûr de lui, va même jusqu‘à défier les juges burkinabè en ces termes : “Si vous n’avez pas ces documents, au bout de dix mois, c’est que ces documents n’existent pas.”

C’est aussi et surtout l’application de la peine de mort au Burkina Faso qui causait des migraines à Me Sur. Ce dernier craignait de voir son client se faire exécuter dans son pays, une fois extradé, jugé et condamné. Et ce, malgré toute la pléiade d’assurances apportées par le Burkina Faso, qui vient d’ailleurs d’abolir la peine capitale.

Le chapelet des obstacles pour la justice burkinabè ne s’arrête pas là. Un arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, décidé en 2014, condamnait le pays des hommes intègres pour manquement de diligence dans son enquête sur ces assassinats (Norbert Zongo a été assassiné avec Blaise Ilboudo, Ablassé Nikiéma et Ernest Zongo).

Me Anta Guissé, l’avocate représentant le Burkina Faso, fait savoir que c’est compte tenu de cet arrêt que le dossier Zongo avait été rouvert par la justice de son pays. “Ce qui vous est demandé, c’est que la justice burkinabè puisse faire son travail”, avait-elle ajouté à l’audience, relevant que François Compaoré s‘était “soustrait” à cette justice en quittant le pays.

Quand la guerre des interprétations fait rage

De son côté, Me Mathias Chichportich, lui aussi avocat de François Compaoré pendant l’audiance, laissait entendre que l’arrêt en question faisait état de ce que son client avait bel et bien été entendu par la justice du Burkina Faso, et ce, en tant que témoin.

Pour Me Chichportich donc, l’on ne peut prétendre une quelconque obstruction à la justice de la part de l’Etat burkinabè à l‘époque de l’audience, au moment même où le pays était encore sous la coupe de Blaise Compaoré.

L’affaire avait connu un cinglant non-lieu en 2003. Mais après la spectaculaire chute de Blaise Compaoré en 2014 (il a été chassé par la rue et l’armée après 27 ans de pouvoir sans partage), le dossier a vite été rouvert.

C’est dans cette logique que trois ex-soldats du tristement célèbre régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, ont été inculpés le 15 décembre 2015.

Emmanuel Macron n’a pas manqué de revenir sur cette affaire lors de son passage au Burkina Faso fin novembre dernier. “Il appartient à la justice française de prendre sa décision, je ferai tout pour faciliter celle-ci”, promettait ainsi le patron de l’Elysée.

C’est à la faveur du renversement de son frère que François Compaoré a pris la clé des champs en 2014. Se terrant en Côte d’Ivoire, lui et son frère ont obtenu la nationalité ivoirienne, comme pour tenter d‘échapper tous les deux à la kyrielle de charges qui pèsent sur eux.

A titre de rappel, c’est alors qu’il menait ses investigations sur la mort suspecte du chauffeur de François Compaoré que Norbert Zongo et trois de ses accompagnateurs ont été assassinés le 13 décembre 1988 dans ce qui ressemblait à tous points de vue à une embuscade.

Les corps des infortunés ont été retrouvés calcinés à l’intérieur du véhicule qui les transportait. Les faits se sont déroulés à Sapouy, dans le sud du Burkina Faso.