CPI/Palinodie des Etats africains: La Procureure Fatou Bensouda lâchée par son propre pays

Afriquinfos
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BANJUL (© 2016 Afriquinfos) – La Gambie  vient d’emboîter le pas au Burundi et à l’Afrique du Sud. Elle a annoncé ce mardi sa décision de se retirer de la Cour pénale internationale. Un revers pour  Fatou Bensouda, ancienne ministre de la Justice gambienne.

«À partir de ce jour, mardi 24 octobre, nous ne sommes plus membres de la CPI et avons entamé le processus prescrit par le statut fondateur», a déclaré à la télévision nationale Sheriff Bojang, ministre de l’Information. Dans son intervention, il a dénoncé le caractère partial de cette juridiction internationale qui ne juge que les Africains. Selon lui, au moins 30 pays occidentaux ont commis des crimes de guerre depuis la création de la CPI sans être inquiétés, alors que des chefs d’Etats africains sont constamment appelés à la barre par la cour présidée par Fatou Bensouda.

Le ministre Sheriff Bojang a motivé la décision de son pays ; à plusieurs reprises, la Gambie a saisi la CPI de traduire en justice  l’Union européenne qui à ses yeux est responsable de la mort de migrants africains en Méditerranée. Mais, la Cour internationale de la Haye n’a jamais daigné répondre à ces interpellations.

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L’effet volte-face de Yahya Jammeh

Cette décision surprise  confirme de plus en plus le malaise des chefs d’Etat africains d’être fréquemment traduits devant la CPI. Ils ont l’impression que cette cour est conçue pour eux. Alors que les pays européens qui se posent souvent en redresseurs de torts ne sont pas exempts de crimes contre l’humanité. C’est la conclusion à laquelle est visiblement parvenu le président gambien qui, il y a quelques mois, défendait sa compatriote Fatou Bensouda et la juridiction qu’elle représente.

«Son job est difficile et, contrairement à ce que j’entends, la CPI ne vise pas spécialement l’Afrique», avait défendu Yahya Jammeh en mai dernier lors d’une interview accordée à «Jeune Afrique». Il avait même tancé ses pairs africains qui dénoncent la Cour pénale internationale. « Les leaders africains râlent aujourd’hui. Mais pourquoi ont-ils signé en sachant qu’ils pouvaient en être victimes ?», s’était-il demandé.

L’annonce du retrait de la Gambie est un signal adressé à la CPI qui essaye d’étouffer la fronde des pays contestataires. En effet, la décision de Banjul traduit que les appels au dialogue de Sidiki Kaba, ministre sénégalais de la Justice et de Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, n’ont pas suffi à dissuader certains pays. Aussi, cette sortie de la Gambie de la CPI est-elle un désaveu pour Fatou Bensouda.

Pour certains analystes, elle a perdu le soutien de son pays. Car, plusieurs fois, ses verdicts sont dénoncés par les pays africains qui l’accusent de faire le jeu des Occidentaux qui auraient installé une forme de néocolonialisme sous couvert d’une juridiction internationale.

Enclavée dans le Sénégal au nord, au sud et à l’est, la Gambie est bordée à l’ouest par l’océan Atlantique. Elle est dirigée d’une main de fer depuis 1994 par Yahya Jammeh. Arrivé  au pouvoir à la faveur d’un coup d’État et plusieurs fois réélu, le président gambien est souvent accusé de meurtres et de violations de la liberté d’expression.

Le 12 décembre 2015, il a proclamé que son pays est désormais un «État islamique». «Tout le personnel féminin au sein du Gouvernement, des ministères, des départements et des agences gouvernementaux n’est plus autorisé à montrer ses cheveux pendant les heures de travail officielles à compter du 31 décembre 2015. Le personnel féminin est appelé à se couvrir les cheveux et à les attacher», avait-il annoncé comme mesure.

Cette décision est toujours contestée par l’opposition qui fait valoir la Constitution gambienne qui stipule la séparation du religieux et de l’Etat.

En 2013, Yahya Jammeh  avait déjà surpris plus d’un par le  retrait de son pays du Commonwealth. «Le Gouvernement a décidé que la Gambie ne sera jamais membre d’une institution néo-coloniale et ne fera jamais partie d’une institution représentant une extension du colonialisme», avait  justifié le Gouvernement gambien.

Anani  GALLEY