Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée: Plus question de se taire sur le ‘tabou’ du viol en Afrique

Afriquinfos Editeur
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Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée: Plus question de se taire sur le ‘tabou’ du viol en Afrique

Conakry (© 2021 Afriquinfos)- Alors qu’au Sénégal, la plateforme «Ladies Club Sénégal» dénonçait le week-end dernier une «Apologie du viol !», suite à des propos tenus par la présidente du Comité Miss Sénégal, c’est toute la Guinée qui était en émoi ce lundi après la mort d’une jeune femme des suites d’un viol présumé. Un acte qui serait commis par des médecins dans une clinique privée de Conakry. Une affaire ayant abouti à l’inculpation puis à l’arrestation de trois personnes. Déjà en août dernier, en Côte d’Ivoire, une affaire d’apologie de viol avait déchainé les passions… 

La jeune femme, M’Mah Sylla, une célibataire diplômée en secrétariat de 25 ans, est «décédée samedi à Tunis où elle avait été évacuée pour des soins suite au viol dont elle avait été victime dans une structure hospitalière» de Conakry, a annoncé dimanche soir le gouvernement guinéen dans un communiqué.

Elle s’est rendue en août dans cet établissement situé dans la banlieue de Conakry, selon la presse locale. Les raisons de son passage dans cet établissement n’ont pas été précisées. Après le viol présumé, la jeune femme avait ensuite été évacuée en octobre par les autorités à Tunis pour des soins dont la nature n’a pas été précisée.

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Après une saisine du parquet, un juge d’instruction du tribunal de Manfanco (banlieue de Conakry) a placé le 14 octobre en «détention provisoire» trois médecins inculpés de «viol, avortement, administration de substances nuisibles, risque causé à autrui et complicité», a indiqué le parquet dans un communiqué distinct dimanche soir. Une autre personne «en fuite», était «activement recherchée», selon la même source.

Le gouvernement demande de «prendre toutes les mesures urgentes afin d’accélérer l’enquête en cours pour que les coupables répondent de leur forfaiture».

La mort de M’Mah Sylla suscitait lundi un large débat sur les réseaux sociaux. Une pétition, à l’initiative d’associations de défense des droits des femmes, réclamait des sanctions contre les auteurs présumés.

«Justice pour M’Mah Sylla. Plus jamais ça», indiquait lundi une bande virale sur les réseaux sociaux. Des émissions de radio ont également été organisées lundi matin sur cette affaire.

Le Sénégal dénonce l’«Apologie du viol»!

« Ma fille de 20 ans a été abusée ensuite, elle est tombée enceinte» révélait la mère de Miss Sénégal 2020 Ndèye Fatima Dione. Dans une interview, Miss Sénégal 2020 évoquait elle même des pratiques abusives au sein du comité d’organisation. Comme cet épisode sordide, dans un hôtel, avec des invités lors d’une soirée. « L’un d’eux m’a tenue par la main et a commencé à me caresser… » « J’ai refusé de danser sur la table », raconte-t-elle.

« Tu ne sers à rien, tu ne tiens compagnie à personne », aurait répondu la présidente du comité. « Elle n’a qu’à porter plainte. Un viol implique deux personnes. « Kunu violé yaw la neex ». Textuellement, ce qu’elle a dit en wolof veut dire « qu’une personne qui se fait violer l’a bien cherché, l’a bien voulu ».

Ces propos en wolof d’Aminata Badiane, ont fait bondir nombre d’internautes qui ont interpellé les différents sponsors du concours Miss Sénégal. Dans la foulée, le groupe automobile CFAO a rompu son partenariat avec le Comité Miss Sénégal. « Ces propos vont à l’encontre de nos valeurs », souligne l’entreprise dans un communiqué.

À la mi-journée du vendredi 19 novembre, la pétition adressée au ministère de la Culture pour le retrait de la licence du Comité Miss Sénégal avait recueilli quelque 30 000 signatures.

Au Sénégal, une loi criminalisant le viol a été votée début 2020.

La Côte d’Ivoire, une émission simulant le viol

« Ecoeurant », « humiliant », « inadmissible », telle a été décrite une émission télévisée qui mettait en scène un ancien violeur présumé, un animateur et un public complaisants, le 31 aout dernier. Un fait qui a provoqué l’indignation en Côte d’Ivoire.

En aout dernier, à une heure de grande écoute, la télévision privée la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI), diffuse en direct et en public son émission « La télé d’ici vacances » et présentée par l’animateur Yves de M’Bella.

L’animateur a invité un homme qu’il présente comme un ancien violeur à qui il demande d’expliquer comment il s’y prenait pour abuser de ses victimes.

Pour mieux illustrer les propos de l’ex-violeur, l’animateur, riant devant un public goguenard, met à sa disposition un mannequin qu’il l’aide à allonger au sol et lui demande alors d’expliquer avec force détails comment il violait une femme.

A peine terminée, l’émission a suscité des réactions outrées sur les réseaux sociaux de personnalités ivoiriennes.

La Ligue ivoirienne des droits des femmes avait également condamné « avec la dernière énergie cette émission et son contenu humiliant et dégradant pour la femme » et rappelait dans un communiqué que « le viol est un crime ».

Elle a déposé une plainte « pour outrage public à la pudeur et apologie du viol » contre NCI et M. de Mbella dont elle souhaite qu’il ne soit pas associé « à la finale du concours Miss Côte d’Ivoire ».

Lancée peu après la diffusion de l’émission, une pétition signée par plus de 37.500 personnes, adressée à la Haute autorité de la communication audiovisuelle, aux ministères de la Communication et de la Jeunesse, demande que l’émission soit « annulée et (que) l’équipe qui la présente avec à sa tête Yves de M’Bella soit sanctionnée ». Yves de M’Bella a déclaré à l’AFP « comprendre l’indignation des uns et des autres », se disant lui-même « meurtri par la tournure des événements. Je demande pardon ».

En Côte d’Ivoire, une enquête réalisée auprès de 5.556 personnes publiée en juin 2021, l’ONG ivoirienne Citoyennes pour la promotion et la défense des droits des enfants, femmes et minorités (CPDEFM), a recensé en deux ans dans la seule ville d’Abidjan 416 féminicides, 2.000 cas de violences faites aux femmes, dont 1.290 cas de mariage de filles de moins de 18 ans et 1.121 viols.

Vignikpo Akpéné