Mali: deux jihadistes condamnés à mort pour les attentats du Radisson et de la Terrasse

Afriquinfos Editeur
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Le jihadiste mauritanien Fawaz Ould Ahmed, le 21 avril 2016 à Bamako

Deux jihadistes ont été condamnés à mort mercredi par la justice malienne pour avoir commis les attentats du Radisson Blu et de la Terrasse, qui ont ensanglanté Bamako en 2015, après deux jours d’un procès placé sous haute sécurité.

En fin d’après-midi, la Cour d’assises anti-terroriste de Bamako, composée de cinq juges professionnels, a d’abord rendu un verdict de culpabilité envers le Mauritanien Fawaz Ould Ahmed, dit « Ibrahim 10 », et son co-accusé malien Sadou Chaka, sans leur accorder de circonstance atténuante.

Après une ultime prise de parole du ministère public et une très courte délibération, le président Souley Maïga annonce ensuite la sentence: « la peine de mort et 10 millions de francs d’amende (environ 15.000 euros) ».

Les deux hommes, sans réaction à l’énoncé du verdict, sont alors extraits du tribunal, cagoulés et menottés. Mamadou Diallo, l’un des avocats de la défense, a déclaré à la sortie de l’audience qu’ils allaient se pourvoir en Cassation. Ils ont trois jours pour le faire. Un troisième prévenu, Abdoulbaki Abdramane Maïga, absent, a été condamné par contumace à la peine capitale également. « Nous nous réjouissons de cette décision, qui démontre au peuple malien qu’on ne peut pas tout faire », a réagi Mamary Diarra, avocat de certaines parties civiles, dont la Fenvac, principale association de victimes en France.

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« C’est un symbole, c’est comme une condamnation à perpétuité », puisque la peine de mort n’a plus été appliquée au Mali depuis une quarantaine d’années, a-t-il ajouté.

– « Une vengeance pour Charlie Hebdo » –

Fawaz Ould Ahmed, l’accusé principal, avait dans la matinée confirmé avoir commis l’attaque de mars 2015 contre le bar-restaurant La Terrasse (5 morts, dont deux Européens), puis avoir organisé l’attentat contre l’hôtel Radisson (20 tués) le 20 novembre de la même année.

« C’est nous qui l’avons fait, Al-Mourabitoune », dit-il, en référence au groupe de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, lié à Al-Qaïda. « On n’a pas honte, on est fiers. Par vengeance du prophète, après ce qu’ils ont fait à Charlie Hebdo. C’est les photos, les caricatures ».

Dans sa revendication à l’époque, Al-Mourabitoune avait dit avoir voulu venger son « prophète de l’Occident mécréant qui l’a insulté et moqué », en allusion aux caricatures de Charlie Hebdo, ainsi qu’un de ses chefs, Ahmed el-Tilemsi, tué par l’armée française dans le nord du Mali. Belmokhtar lui-même avait ensuite été donné pour mort dans une frappe aérienne française en Libye en novembre 2016, une information toutefois jamais officiellement confirmée.

« Et malheureusement, ce n’est pas fini. Ça continue encore », a poursuivi « Ibrahim 10 », au sujet de l’actuelle polémique autour des caricatures de Charlie Hebdo.

Lors de la cérémonie d’hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire décapité près de Paris le 16 octobre dans un attentat islamiste pour avoir montré à ses élèves des caricatures du prophète de l’islam, le président Emmanuel Macron a promis que la France ne renoncerait pas à ces dessins, suscitant une vague de colère dans le monde arabo-musulman.

– « Tout ce qui bouge » –

« Ibrahim 10 » profite de sa tribune pour, volubile, raconter comment il avait « donné 2.000 francs CFA (3 euros) au gardien de la Terrasse pour rentrer, un pistolet, une kalachnikov et des grenades cachés dans un sac.

Dans l’établissement, il enfile une cagoule dans les toilettes, puis sort son fusil d’assaut. « J’ai tiré », en rafale, « sur les blancs ». L’un d’eux tente de s’enfuir. « Il courait. J’ai tiré une première fois, puis une seconde. Dans le dos. Il est tombé ».

Il se dit surpris d’avoir pu rentrer chez lui en taxi, sans souci. « Quel ressenti au moment de tirer à la Terrasse? », lui demande le président de la Cour. « Rien. Ce sont des gens qui le méritent. Tous les mécréants qui sont morts le méritent », répond Fawaz Ould Ahmed, arrêté le 21 avril 2016 à Bamako. « Mais les gens de La Terrasse, ce n’est pas eux Charlie? », insiste le juge. « Si, tous (les Français) sont sortis pour dire +Je suis Charlie+. Même votre président IBK y était », a-t-il rappelé, en référence au président malien d’alors, Ibrahim Boubacar Keïta, qui avait participé à la marche du 11 janvier 2015 à Paris contre le terrorisme.

« Nous, on n’est pas Charlie », ajoute l’homme d’une quarantaine d’années, qui a été un lieutenant de Mokhtar Belmokhtar. Il déplore néanmoins les victimes maliennes. « Je demande pardon au prophète, c’est une erreur », dit-il, dans un rare moment de contrition.

Puis il confirme avoir organisé l’attentat du Radisson, après avoir appris que des Occidentaux y séjournaient. « On s’est dit +Hmm, c’est ce qu’on cherche+ ».  Sur ses instructions, les deux assaillants avaient « tiré sur tout ce qui bouge », tuant 20 personnes, dont 14 étrangers, avant d’être abattus.