Lubumbashi: Capitale artistique du Katanga

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Oeuvres d'art dans la seconde plus grande ville de la République démocratique du Congo, derrière sa capitale Kinshasa, Lubumbashi.

Lubumbashi (© 2022 Afriquinfos)- Seconde plus grande ville de la République démocratique du Congo, derrière sa capitale Kinshasa, Lubumbashi est très dynamique sur le plan artistique. Si l’Etat ne soutient que très peu ses initiatives culturelles, la capitale du Katanga peut compter sur l’appui du secteur privé. Avec en tête le ‘Groupe Forrest International’ et son président, George Forrest.

Institut des beaux-arts, marché d’art de Kalukuluku, biennale d’art… Lubumbashi est considérée comme le berceau artistique du Katanga. De nombreux artistes congolais, de passage ou formés à Lubumbashi, jouissent aujourd’hui d’une carrière artistique internationale.

«Assieds-toi sous cet arbre et peins ce que tu vois»

L’histoire artistique de Lubumbashi débute en 1946 à l’initiative de Pierre Romain-Desfossés, un ancien officier de la Marine française, installé au Congo depuis 1944 après avoir fait ses armes au Tchad. Amateur de peinture, l’ex-militaire admire le talent brut des artistes lushois à qui il décide d’ouvrir son hangar. Très vite, le hangar devient atelier. Et les protégés de Pierre Romain-Desfossés en font leur théâtre d’expression et d’apprentissage.

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Dans cet atelier, une seule règle: développer son art en faisant fi des canons esthétiques occidentaux. «L’objectif n’est pas d’apprendre à ses disciples à peindre à la manière européenne, mais plutôt de leur faire exprimer leur art et leur personnalité», précise Thomas Bayet, conservateur d’art. Pour ce faire, les candidats pressentis pour rejoindre l’atelier passent un test d’entrée régi par une seule consigne, dictée par Pierre Romain-Desfossés: «Assieds-toi sous cet arbre et peins ce que tu vois».

De cet atelier naît une école, celle de Lubumbashi. Bela Sara, Pilipili Mulongoy et Mwenze Kibwanga en sont les représentants. Chacun à leur manière (pointillisme, hachures…), ils peindront la faune et la flore congolaises, mais également les hommes et les femmes du pays. Aujourd’hui appelée l’Institut des beaux-arts de Lubumbashi, l’ancienne “École du Hangar” a fait naître un mouvement artistique porté par une génération de peintres. Certaines de leurs œuvres composent désormais les collections publiques katangaises (Musée national de Lubumbashi), internationales et certaines collections privées.

Une scène artistique contemporaine reconnue, mais peu soutenue

S’ils se sont quelque peu éloignés du mouvement artistique initié par l’École de Lubumbashi, les artistes lushois et plus largement les artistes congolais continuent de connaître un succès international.  Des évènements comme celui de la Biennale de Lubumbashi (initiée en 2008) ou son équivalent kinois (initiée en 2014), représentent un véritable tremplin pour les jeunes artistes rêvant de suivre les pas de leurs pairs. Première biennale artistique de RDC, la Biennale de Lubumbashi créée par le photographe Sammy Baloji fait aujourd’hui partie des évènements artistiques les plus dynamiques du continent africain.

Pour les artistes bénéficiant déjà d’une renommée internationale, ce type d’évènement est surtout l’occasion de conquérir le marché de l’art congolais, encore timide. La faute, en partie, à une politique culturelle embryonnaire:

«Au Congo, il n’y a pas d’appuis de l’Etat à la Culture», explique Sammy Baloji qui n’a pas obtenu le soutien public escompté pour l’organisation de la première édition de la Biennale de Lubumbashi. Pour rendre possible cet évènement, il a fallu compter sur les dons (à hauteur de 90.000 dollars) de l’Institut français et de l’entrepreneur George Forrest.

George Forrest: «J’achète et je soutiens les artistes congolais depuis longtemps»

Présent depuis un siècle en Afrique, le Groupe Forrest International, présidé par George Forrest, est spécialisé dans les secteurs de la construction, de l’énergie et de l’agroalimentaire. Implanté dans la capitale katangaise, ce groupe familial est à l’origine de différentes initiatives médicales, sociales et culturelles à destination de la population locale.

Amateur d’art, George Forrest, qui «achète et soutient les artistes congolais depuis longtemps», a lancé en 2000 l’ASBL Dialogues, une association à but non lucratif. L’objectif : promouvoir les arts plastiques contemporains congolais et africains. Au Musée national de Lubumbashi, une galerie d’art contemporain financée par l’association accueille depuis dix ans les jeunes artistes congolais les plus prometteurs.

Si elle expose les artistes les plus doués, la galerie œuvre aussi pour le développement et la promotion de l’art à travers des missions culturelles et sociales. Visites de galeries d’art et de musées sont ainsi organisées pour les écoles lushoises. Dans la même optique, la galerie a fait le choix de pratiquer des prix accessibles (entre 150 et 2.000 dollars) permettant aux artistes de vivre de leur art tout en incitant les Congolais, encore frileux, à l’achat d’œuvres:

«On essaie d’avoir une politique tarifaire qui permet à tout le monde d’acheter des œuvres d’Art», précise Marie-Aude Delafoy, responsable de la galerie. Une stratégie qui pourrait porter ses fruits et susciter l’intérêt de la population locale et des pouvoirs publics à l’approche de la septième édition de la Biennale de Lubumbashi qui aura lieu à l’automne 2022.

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