Qu’est-ce qui a causé la mort d’une vingtaine de jeunes sud-africains d’East London?

Afriquinfos Editeur
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East London (© 2022 Afriquinfos)-Depuis ce dimanche 26 juin, l’Afrique du Sud est sous le choc après la découverte des cadavres d’une vingtaine de jeunes, morts sans blessures apparentes, dans un bar de nuit informel d’un township d’East London, dans le pays. Quatre autres jeunes qui se trouvaient dans cet établissement sont ensuite décédés à l’hôpital. Au total, 31 jeunes ont été transportés à l’hôpital dimanche. Vomissements, maux de tête, certains se sont plaints de douleurs au dos et au thorax. Deux personnes sont encore hospitalisées. Des tests toxicologiques doivent être conduits.

Un responsable des services de santé provinciaux, Unathi Binqose, a écarté la possibilité d’une bousculade ou d’un mouvement de foule. « Il est difficile de penser qu’il s’agit d’une bousculade, car aucune victime ne présente de blessure ouverte visible », a-t-il affirmé.

De quoi sont  donc morts les 21 adolescents dont les corps ont été retrouvés dimanche dans un bar, un shebeen du township d’East London, au sud de l’Afrique du Sud ? 24 heures après le drame, le mystère reste entier. Une équipe d’experts en scènes de crime a été dépêchée de la capitale Pretoria dans la région de Cap-Oriental, en renfort de la police locale. «Nous disposons d’une équipe expérimentée qui complète l’équipe provinciale afin de nous assurer que nous faisons toute la lumière sur ce qui a conduit à la mort de ces jeunes gens. Nous engageons également d’autres parties prenantes pour enquêter sur les questions de conformité à la législation sur les boissons alcoolisées», a déclaré le ministre sud-africain de la Police, le général Bheki Cele, qui s’est rendu dans le quartier de Scenery Park à la suite de la tragédie.

Dimanche, aux alentours de 4 heures du matin, le poste de police de Scenery Park reçoit des informations faisant état de «corps sans vie» sans blessure apparente, selon Athlenda Mathe, porte-parole de la police nationale. «A son arrivée, la police a trouvé 17 corps à l’intérieur du bâtiment. Il a ensuite été établi que deux autres personnes étaient décédées dans une clinique locale, une autre en route vers l’hôpital et une autre à l’hôpital», a-t-elle ajouté.

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Des bouteilles d’alcool vides, des perruques et même un ruban violet pastel où est écrit « Joyeux anniversaire » jonchaient la rue poussiéreuse à l’extérieur de la taverne à deux étages Enyobeni, selon Unathi Binqose, un responsable du gouvernement chargé de la sécurité qui est arrivé sur les lieux à l’aube.

Que des spéculations pour l’heure

A ce stade, la cause des décès n’est que spéculative, même si certains enquêteurs évoquent un empoisonnement ou une intoxication à la suite d’une beuverie non contrôlée et trop conséquente. Les victimes, dont la plus jeune n’était âgée que de 13 ans et qui pourraient être pour la plupart mineures, vu qu’ils étaient lycéens, s’étaient rassemblées pour une soirée «Pens Down», marquant la fin des examens et du semestre. D’après les témoins, du gaz lacrymogène et du gaz au poivre ont été pulvérisés dans la foule. Dans la panique, les lycéens se sont précipités pour en sortir, et une vingtaine d’entre eux s’est réfugiée dans le bar Enyobeni. Au total, une trentaine de personnes ont été transportées à l’hôpital.

Le site d’informations sud-africain Independent Online publie le témoignage d’un jeune, qui s’est retrouvé dans le bar, avant de s’en échapper, faute de pouvoir respirer. «Parce que beaucoup de gens sont morts, les gens s’attendent à une raison majeure pour les décès alors que les gens sont morts parce qu’ils ne pouvaient pas respirer. Nous sommes restés bloqués à un endroit, sans air, à respirer le spray au poivre, certains sont même tombés et ne se sont jamais relevés, ils se sont fait marcher dessus», a-t-il raconté. Unathi Binqose, responsable du département provincial de la communauté et de la sécurité du Cap-Oriental exclut pourtant qu’une bousculade soit à l’origine des décès, «car les victimes ne présentent aucune blessure ouverte visible».

Des tests toxicologiques doivent être réalisés afin d’établir si les jeunes ont été empoisonnés. Les journalistes d’un autre titre régional, DispatchLive, écrivent avoir vu des corps «gisant bizarrement comme s’ils étaient effondrés sur le sol, soudainement en dansant ou au milieu d’une conversation […]», ainsi que «d’autres corps affalés sur des chaises et couchés sur des tables».

Des poursuites pénales engagées

Le propriétaire du shebeen Enyobeni, Siyakhangela Ndevu, s’est vu retirer sa licence l’autorisant à vendre de l’alcool. Sous l’apartheid, les shebeens étaient des débits de boissons illégaux, aujourd’hui autorisés dans les townships. Le conseil régissant les alcools du Cap-Oriental estime que dans le cadre de ce drame, la réglementation n’a pas été respectée, puisque des boissons alcoolisées ont été vendues à des mineurs.

Le président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, a présenté sur Twitter ses condoléances aux familles, avant de s’inquiéter des «circonstances dans lesquelles d’aussi jeunes gens ont pu se réunir dans un lieu dont l’accès aurait dû, à l’évidence, être interdit aux moins de 18 ans». Il a également rappelé que ce drame prenait place durant le «Youth Month», un mois de festivités en l’honneur de la jeunesse et en souvenir des émeutes de Soweto. Le 16 juin 1976, en plein Apartheid, quelque 20 000 lycéens noirs manifestaient dans les rues de cette banlieue de Johannesburg pour protester contre l’introduction de l’afrikaans comme langue officielle d’enseignement à égalité avec l’anglais. Les policiers tiraient alors sur la foule et faisaient plusieurs centaines de morts (entre 176 et 700 selon les sources). La date du 16 juin est consacrée, depuis 1994, à des commémorations en l’honneur de la jeunesse.

V.A.