L’article que nous reproduisons ci-dessous a été publié dans une de nos éditions « Le Temoin » du mois d’avril 2000, juste au lendemain de l’accession au pouvoir du président Abdoulaye Wade et alors que le général Mamadou Niang venait de succéder au général Lamine Cissé au ministère de l’Intérieur.
Si nous avons tenu à le reproduire c’est pour montrer, au moment où des accusations de trafic de drogue sont portées contre d’éminents responsables de la Police, que ce n’est pas la première fois que ce corps est secoué par un scandale de cette nature.
A l’époque, au moment des faits dont il est question dans l’article que nous reproduisons, le Directeur général de la Sûreté nationale, c’était M. Abdou Karim Camara, un administrateur civil de classe exceptionnelle. Et le patron de l’OCTRIS (Office central de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants), c’était un certain… commissaire Abdoulaye Niang. C’est lui-même qui, succédant au commissaire Moustapha Wade à la tête de l’OCRTIS, avait été chargé de brûler vite fait les 30 kilos de cocaïne — d’une valeur de 3 milliards de francs ! — qui venaient d’être saisis par le même service.
Ce qu’il avait fait en incinérant la drogue… dans les cuisines de l’Ecole nationale de Police ! Et ce alors qu’une telle opération se fait d’habitude en plein air, près de la mer (généralement aux Mamelles) et devant des témoins dont des journalistes. A l’époque, tout le monde s’était demandé pourquoi cette incinération s’était faite en catimini.
Lorsque nous avions révélé ce scandale, par le biais de notre collaborateur Malick Bâ qui disposait de très bonnes sources à la Police comme partout ailleurs, on était, on l’a dit, en pleine Alternance. Un pouvoir vieux de 40 ans venait d’être défait et un nouveau régime était en train de s’installer.
Un nouveau régime qui avait d’autres chats à fouetter et qui venait juste de découvrir les délices du pouvoir. Un régime, aussi, préoccupé à chasser les dignitaires du Parti Socialiste accusés de détournement de deniers publics et parmi lesquels certains ont été emprisonnés.
Bref, on aura compris que ce pouvoir avait d’autres priorités que de s’intéresser à des accusations de trafic de drogue portées contre des autorités de la Police. Est-ce que tous les 30 kilogrammes de cocaïne saisis par l’Ocrtis alors dirigé par le commissaire Moustapha Wade avaient été incinérés ? Il est permis d’en douter surtout qu’une quantité aussi importante ne se brûle pas sans dommages dans la cuisine d’un établissement, fût-ce une Ecole nationale de Police…
Après la parution de notre article, j’avais été reçu par Abdou Karim Camara, directeur général de la Sûreté nationale au moment des faits et qui était sur le départ pour cause de changement de régime. Il avait juré ses grands dieux n’avoir rien à se reprocher et confirmé avoir effectivement demandé de brûler la drogue. Le reste, il l’avait mis sur le compte de policiers désirant avoir sa peau, nous confiant que ces derniers n’ont jamais accepté le fait d’avoir un administrateur civil à leur tête. De fait, ils auraient passé leur temps à lui glisser des peaux de banane sous les pieds et à comploter contre lui.
Ce jour-là, c’est juste si le brave Abdou Karim Camara n’avait pas pleuré à chaudes larmes tellement il semblait sérieusement affecté par les insinuations faisant croire qu’il aurait fait substituer la drogue devant être brûlée par de la farine… Une chose est sûre : si les ordres venaient de lui, l’exécution, c’est-à-dire l’incinération de la drogue, revenait au commissaire Abdoulaye Niang, nouvellement promu à la tête de l’Ocrtis.
Avait-il brûlé toute la drogue à l’époque ? Nul ne peut répondre à cette question. Toujours est-il que les accusations portées contre le commissaire Abdoulaye Niang aujourd’hui par le commissaire Cheikhna Keïta ont pour effet de rappeler cette vieille affaire dans laquelle il avait joué un rôle.
Dès le lendemain de la publication par nos confrères du « Quotidien » de la lettre envoyée par le commissaire Cheikhna Keïta au ministre de l’Intérieur pour accuser son prédécesseur à la tête de l’Octris, le commissaire Abdoulaye Niang, de trafic de drogue, nous avons pensé à cet article que nous avions publié à l’époque.
Le seul problème, c’est que nous n’arrivions plus à retrouver les dates et, donc, le numéro dans lequel ce papier était sorti. De plus, nos archives étant incomplètes et mal tenues, cela revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Bref, ce n’est que lundi dernier que nous avons retrouvé le fameux papier que nous reproduisons dans ce numéro. Pour porter témoignage et apporter notre contribution au débat en cours…
Mamadou Oumar Ndiaye