Le Libéria donne une leçon d’alternance pacifique à l’Afrique de l’ouest via l’élection du vétéran Boakai à la place de G. Weah

Afriquinfos Editeur
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Un électeur vote au premier tour de la présidentielle à Monrovia, le 10 octobre 2023 au Liberia.

Le vétéran de la politique Joseph Boakai près de la victoire dans la course à la Présidence du Liberia contre le sortant et ancienne gloire du football George Weah, après dépouillement des votes dans plus de 99% des bureaux, a finalement remporté le scrutin. G. Weah a concédé sa défaite dans la soirée de ce 17 novembre.

L’index du Président sortant George Weah (c) est marqué à l’encre après avoir voté au deuxième tour de la présidentielle, le 14 novembre 2023 à Monrovia, au Liberia.

« Ce soir, le CDC (le parti de M. Weah) a perdu l’élection mais le Liberia a gagné. C’est le temps de l’élégance dans la défaite« , a concédé G. Weah sur la page Facebook de la Présidence libérienne et sur la Radio publique. Il a selon les résultats partiels et provisoires recueilli 49,11% des voix contre 51% à Boakai.

M. Boakai, 78 ans, a obtenu 50,89% des suffrages et M. Weah 49,11% après le décompte dans 99,58% des bureaux, avait dit vendredi devant la presse Davidetta Browne Lansanah, présidente de la Commission électorale (NEC).

Des dizaines de partisans de J. Boakai ont célébré en dansant devant l’un des bureaux de son parti dans le quartier de Fiama à Monrovia, a constaté une correspondante de l’AFP.

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Le résultat final était suspendu à 25 bureaux dont le nombre de votants n’est pas connu. L’expert politique Abdullah Kiatamba avait jugé presque impossible pour M. Weah de remonter son retard. « La réalité à ce stade, c’est qu’étant donné les chiffres disponibles, il est littéralement impossible d’inverser la tendance », a-t-il confié à l’AFP.

Joseph Boakai (c), candidat à la présidentielle, vote au deuxième tour, le 14 novembre 2023 à Monrovia, au Liberia.

« Pour y arriver, il faudrait que le candidat du CDC (le parti de M. Weah) obtienne (dans les bureaux restants) des chiffres quatre ou cinq fois supérieurs à la tendance actuelle », avait-il expliqué. Thomas Kaydor, un professeur de Sciences politiques à l’Université du Liberia, a abondé dans le même sens: « Même si vous additionnez toutes les voix des 25 bureaux restants, George Weah ne peut pas gagner ».

M. Boakai totalisait un peu plus de 28.000 voix d’avance sur son concurrent en début de soirée. Un peu plus de 1,6 million de bulletins ont été dépouillés. Environ 2,4 millions de Libériens étaient appelés aux urnes mardi 14 novembre 2023, mais aucune indication n’a été fournie jusqu’alors sur la participation.

Les résultats ont été gelés sur une grande partie des 25 bureaux restants à cause d’une participation anormale ou d’un nombre de votes supérieur au nombre d’inscrits, a dit la présidente de la Commission.

-Vieux routier-

Un agent électoral compare la pièce d’identité d’un électeur aux informations figurant sur la liste électorale lors du deuxième tour de la présidentielle, le 14 novembre 2023 à Monrovia, au Liberia.

Le vainqueur prendra pour six ans la tête de ce pays anglophone d’environ cinq millions d’habitants, l’un des plus pauvres du monde, malgré ses énormes richesses. M. Boakai est un vieux routier qui fut de 2006 à 2018 le Vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue Cheffe d’Etat en Afrique, et a occupé une multitude de postes au sein de l’Etat ou du secteur privé.

Il s’est imposé malgré son âge face à un adversaire de 21 ans son cadet (57 ans) resté populaire parmi les jeunes, mais qui devait défendre un bilan critiqué de toutes parts, surtout à cause de la corruption. J. Boakai prend ainsi sa revanche contre celui qui l’avait largement battu au second tour en 2017 avec plus de 61%, mais auquel ses détracteurs reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses de combattre la pauvreté et la corruption.

La compétition s’annonçait cette fois beaucoup plus serrée, et les deux hommes se sont présentés au second tour après être arrivés au coude-à-coude au premier, avec un peu plus de 43% et une avance de 7.126 voix pour M. Weah. Au-delà du choix de la personne appelée à diriger ce pays en quête de paix et de développement après les années de guerre civile et d’épidémie d’Ebola, l’un des enjeux de l’élection a été le déroulement pacifique et régulier de l’élection, et l’acceptation des résultats, alors que la démocratie est malmenée par une succession de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest.

Cette élection était la première organisée sans la présence de la Mission des Nations Unies au Liberia créée en 2003 (et partie en 2018) pour garantir la paix après les guerres civiles qui ont fait plus de 250.000 morts entre 1989 et 2003 et dont le souvenir reste vivace. Des affrontements pendant la campagne ont fait plusieurs morts. Des incidents ont été rapportés entre les deux tours, et faisaient craindre les lendemains de l’élection, surtout en cas d’issue serrée.

Les partenaires étrangers ont émis une série de mises en garde contre tout agissement qui causerait des actes de violence ou qui saperait le processus. De nombreux observateurs étrangers et libériens ont suivi l’élection. Les missions de l’Union européenne et de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest ont salué le déroulement globalement pacifique du second tour.

J. Boakai a promis de développer les infrastructures, d’attirer les investisseurs et les touristes, et d’améliorer les conditions de vie des plus pauvres dans un pays où plus d’un cinquième de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la Banque mondiale.

Il a noué des alliances avec des barons locaux, dont l’ancien chef de guerre et Sénateur Prince Johnson, qui avait soutenu M. Weah il y a six ans.

Un électeur dans un bureau de vote pour le deuxième tour de la présidentielle, le 14 novembre 2023 à Monrovia, au Liberia.