Faso/Sourou: Quand la population s’organise face aux djihadistes et un Etat débordé

Afriquinfos Editeur
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Maraîchage dans la région du Sourou au Burkina Faso (ouest du pays).

Bobo-Dioulasso (© 2023 Afriquinfos)- Depuis des mois, la région du Sourou au Burkina Faso (ouest du pays), autrefois grenier agricole de cet Etat sahélien, est sous embargo des groupes djihadistes conduisant à l’isolement de la province et à la création d’une crise alimentaire majeure pour la population. Dans le même temps, le Gouvernement de la Transition éprouve d’intenses difficultés pour secourir sa population qui sombre dans la famine et s’organise pour survivre.

Dans la boucle du Mouhoun et plus particulièrement la région du Sourou, à l’ouest du Burkina Faso, la vie a été recouverte d’une chape de plomb. Stratégie, employée pour la première fois en 2019 mais devenue une caractéristique du conflit depuis 2022, l’embargo sur des provinces par les groupes djihadistes s’est généralisé du fait de l’incapacité des Gouvernements de transition à rétablir la sécurité et l’intégrité de leur territoire, au Mali (pays frontalier) comme au Burkina Faso, et cela malgré les promesses et postures volontaristes adoptées dans les médias, à Ouagadougou et Bamako ainsi que dans les Conférences internationales.

Quelques rares convois sécurisés, menés à l’initiative du Gouvernement de la Transition parviennent parfois jusqu’aux régions sinistrés. Un effort louable, mais qui reste insuffisant face à l’étendue des dégâts causés par la politique d’étouffement menée par les djihadistes. Pour les populations civiles, depuis le début de l’année 2022, les témoignages internes comme des rapports d’organisations non gouvernementales décrivent des crimes de guerre, des atteintes aux droits humains, l’installation de postes de contrôle sur les principaux axes de circulation et en définitive l’arrêt progressif de toute activité économique et agricole.

L’électricité a été coupée, les ponts et infrastructures hydrauliques détruits, les champs sont à l’abandon, les habitants ont interdiction d’accéder aux terres de pâture pour le bétail. Pour les femmes et les jeunes filles, s’ajoute le tristement commun cortège de violences, enlèvements et mariages forcés. Pour les écoliers, la route de l’école n’est plus sûre et nombre d’entre elles ont fermé.

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L’éducation est en effet  l’un des secteurs qui payent le plus lourd tribut à la crise sécuritaire qui sévit dans la province. Sur un total de 255 structures éducatives que compte la Direction Provinciale de l’Education Préscolaire Primaire et Non Formelle (DPEPPNF) du Sourou, 204 sont fermées.

Sur 8 Circonscriptions d’Education de Base (CEB), seules 2 essaient d’échapper à la paralysie, notamment la CEB de Tougan partiellement ouverte et celle de Kasoum grâce à des salles délocalisées. Et lorsqu’elles sont ouvertes, c’est la crise alimentaire qui mine le processus éducatif. Néanmoins, la population prise au piège tente  malgré tout de s’organiser par le biais d’initiatives privées qui viennent suppléer l’absence de l’Etat, malgré quelques convois, et la difficulté d’accès des organisations internationales à ces zones. C’est le cas notamment du projet «Education d’aujourd’hui, Solutions de demain» de l’association Afrique Action Commune (AAC).

Fondée en 2014 par le Burkinabé Moussa Kouda, elle visait initialement l’assainissement des écoles, la construction de bibliothèques et la mise en place de cantines scolaires. C’est ce dernier axe, associé à celui du soutien scolaire par la fourniture d’équipements et de manuels qui est devenu une bouée de sauvetage  et un modèle répliqué dans d’autres établissements de la région. En effet, partant du constat à l’époque que les enfants de la région sont scolarisés à des kilomètres de leurs domiciles familiaux, l’association a mis en œuvre des projets de cantine sur base de jardins potagers intégrés au sein des établissements et exploités, après formation, par les élèves eux-mêmes. Ainsi, l’école produit ce que les élèves consomment, majoritairement à l’heure du déjeuner.

Dans le contexte actuel de pénurie, cela permet à 12 écoles et près de 2.600 élèves de continuer à espérer ne pas être, à l’issue de cette crise, une énième génération perdue ou un nouveau bataillon de VDP, supplétifs de l’armée. L’exemple de cette initiative a également permis de multiplier la culture maraîchère dans les foyers ruraux, d’abord pour faire face à la vie chère, puis pour affronter les pénuries liées au blocus.

Dans un pays où la faim atteint des foyers jusque-là épargnés malgré les difficultés de développement,  où plus de 6.000 écoles ont déjà été fermées, où plus d’un million d’enfants n’ont plus accès à l’éducation du fait des violences djihadistes, des offensives armées et des déplacements internes, les initiatives privées telles que celles présentes au Sourou ainsi que la résilience des populations qui ont vu en moins de cinq ans leur situation se dégrader (malgré les effets d’annonce et la communication officielle des Gouvernements successifs) sont des facteurs d’espoir. Pour combien de temps encore?

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