Assassinat lâche de G. Dupont et de C. Verlon au Mali voici dix ans: Trop peu de collaboration de l’ONU, de Bamako et de Paris pour faire la lumière

Afriquinfos Editeur
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Photos des journalistes de RFI Ghislaine Dupont (haut) et Claude Verlon - tués le 2 novembre 2013 au Mali - diffusées lors d'une conférence de presse à Paris le 30 octobre 2023.

Dix ans après l’enlèvement et l’assassinat au Mali des journalistes de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, leurs proches réclament toujours la vérité, confrontés à de multiples obstacles. Notamment la suspension de la coopération judiciaire entre Bamako et Paris, qui entretiennent des relations exécrables.

Claude Verlon & G. Dupont

« Depuis 10 ans, on se bat pour avoir un semblant de vérité sur cet assassinat injuste et intolérable« , a rappelé lundi 30 octobre d’une voix émue Marie-Solange Poinsot, la mère de Ghislaine Dupont, lors d’une conférence de presse à Paris. « Suite aux demandes de déclassification de documents faites à l’armée (française, NDLR), les réponses obtenues sont très partielles. (…) C’est très compliqué de ne pas avoir l’impression qu’on nous cache des choses« , a déploré la sœur de Claude Verlon, Marie-Pierre Ritleng.

Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, avaient été enlevés lors d’un reportage pour Radio France Internationale (RFI) puis tués le 2 novembre 2013 près de Kidal, quelques mois après l’opération française Serval destinée à contrer des jihadistes menaçant de prendre Bamako.

Si ce double assassinat a été revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), la lumière n’a jamais été faite sur les circonstances précises du drame.

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Selon la version officielle, un convoi de militaires français avait découvert le corps des reporters, tués par balles, non loin du pick-up de leurs ravisseurs. Ce dernier était tombé en panne, d’après les enquêteurs, qui privilégient la thèse d’une prise d’otages ratée d’un groupe jihadiste. Or, selon l’association « Les amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon« , les éléments de téléphonie transmis par la Justice malienne aux magistrats antiterroristes français, qui ont ouvert une information judiciaire, ont révélé de nouveaux éléments.

« On sait qu’il a existé un réseau beaucoup plus vaste que les quatre commandos et deux commanditaires » initialement identifiés, a affirmé Me Marie Dosé, avocate de l’association, partie civile. Ces données téléphoniques, déclassifiées huit ans après les faits, permettent aussi de penser que « Ghislaine et Claude étaient suivis et surveillés depuis bien plus longtemps que quelques heures avant leur enlèvement« , a ajouté l’avocate.

Lenteurs et obstacles n’ont cessé de s’accumuler tout au long de l’enquête. « Le problème, c’est que les magistrats instructeurs se heurtent aujourd’hui à une absence totale de coopération judiciaire avec le Mali« , a regretté Danièle Gonod, la présidente de l’association. Autre écueil, selon elle: l' »absence de réponse des Nations unies« , quatre ans après une demande de commission rogatoire pour obtenir des photos prises à Kidal par la Mission onusienne au Mali peu avant l’enlèvement.

La situation au Mali, gangréné par les groupes jihadistes et dirigé par une junte, « n’a cessé de se dégrader » pour les journalistes, selon le responsable du service investigations de RSF, Arnaud Froger. « Il est devenu quasiment impossible de faire du journalisme » au Sahel, où « une dizaine de journalistes ont été tués en 10 ans, et plus d’une centaine arrêtés »