Le Président nigérien Mohamed Bazoum, renversé fin juillet par un coup d’Etat et accusé par le pouvoir militaire d’avoir tenté de s’évader, se trouve à Niamey avec sa femme et son fils et se porte bien, a appris dimanche 22 octobre l’AFP auprès de son entourage.
« Il est à la résidence présidentielle (de Niamey) avec sa femme et son fils et va bien« , a déclaré à l’AFP une de ses proches, ajoutant qu’il n’avait pu passer qu’un seul appel téléphonique pour dire qu’il était bien avec sa famille. Elle a ajouté que son médecin avait pu lui rendre visite et « lui apporter de la nourriture« . Jeudi soir, le régime militaire à Niamey avait affirmé que Mohamed Bazoum avait « tenté de s’évader » avec sa famille et d’autres personnes, en voulant emprunter en périphérie de Niamey des « hélicoptères appartenant à une puissance étrangère » en direction du Nigeria.
Le régime avait précisé que cette tentative avait échoué et que « les principaux auteurs et certains de leurs complices » avaient été arrêtés. Ces accusations « montées de toutes pièces » avaient été « énergiquement » démenties vendredi 20 octobre par un collectif d’avocats de M. Bazoum, affirmant qu’il était détenu « au secret« , suscitant l’inquiétude sur son sort. Le Président français Emmanuel Macron avait exprimé « sa vive inquiétude quant à la situation incertaine » de Mohamed Bazoum et appelé « à sa libération immédiate ainsi qu’à celle de sa femme et de son fils« . Depuis le coup d’Etat qui l’a renversé le 26 juillet, Mohamed Bazoum est séquestré et refuse de présenter sa démission. Le 18 septembre, il a saisi la justice ouest-africaine pour demander sa libération et le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui avait juste après le coup d’Etat envisagé d’intervenir militairement pour rétablir M. Bazoum dans ses fonctions, y a finalement renoncé. Ancienne puissance coloniale et alliée privilégiée du régime du Président renversé dans sa lutte contre les groupes jihadistes qui frappent le Niger, la France a été contrainte deux mois après le coup d’Etat d’annoncer le retrait d’ici la fin de l’année de ses 1.400 soldats du Niger. Les soldats français avaient auparavant dû se retirer du Mali et du Burkina Faso voisins, également dirigés par des militaires putschistes et en proie à la violence jihadiste.
Bataille entre les avocats de Bazoum et le pouvoir de Niamey
Les avocats du Président du Niger Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet par un coup d’Etat, ont rejeté vendredi 20 octobre les accusations des militaires au pouvoir sur sa tentative d’évasion, au moment où l’armée française assurait que le calendrier de son retrait du pays le 31 décembre serait tenu, en concertation avec Niamey.
Jeudi soir, le régime militaire avait affirmé que Mohamed Bazoum avait « tenté de s’évader » avec sa famille et d’autres personnes, en voulant emprunter en périphérie de Niamey des « hélicoptères appartenant à une puissance étrangère » en direction du Nigeria. Il a précisé que cette tentative avait échoué et que « les principaux auteurs et certains de leurs complices » avaient été arrêtés. « Nous rejetons énergiquement ces accusations montées de toutes pièces contre le Président Bazoum« , a déclaré dans un communiqué transmis à l’AFP Mohamed Seydou Diagne, coordinateur d’un collectif d’avocats du Président renversé.
Il a également affirmé que M. Bazoum, « sa femme et son fils sont détenus au secret, sans accès aux avocats ni au monde extérieur« . Vendredi matin, « le médecin s’est vu refuser l’accès alors qu’il apportait de la nourriture à la famille« , a-t-il précisé. Selon Me Diagne, l’entourage de M. Bazoum n’a plus de nouvelles de lui « depuis la nuit de mercredi à jeudi« .
« Avec cette détention au secret, c’est une nouvelle ligne rouge qui a été franchie par une junte qui continue à violer les droits fondamentaux de notre client. Elle aura à répondre de ses actes« , a-t-il affirmé. M. Bazoum était jusqu’alors séquestré par des militaires dans sa résidence présidentielle à Niamey depuis le coup d’Etat.
« Non seulement les autorités militaires doivent nous apporter la preuve que le Président Bazoum et sa famille sont bien en vie, mais surtout elles doivent les libérer immédiatement« , affirme un autre avocat du collectif, Reed Brody.
Le 18 septembre 2023, M. Bazoum avait saisi la justice ouest-africaine pour demander sa libération et le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger. Par ailleurs, le communiqué indique que « les avocats nigériens de Salem Bazoum (le fils du Président déchu, ndlr) avaient obtenu d’un juge de Niamey » qu’il « soit libéré« .
– Entente entre militaires français et nigériens –
Parallèlement, le régime militaire continue d’encadrer aux côtés de l’Armée française le retrait des troupes tricolores du Niger et les relations entre les deux Armées sont bonnes. Vendredi 20 octobre, le commandant des forces françaises au Sahel, le général Eric Ozanne, a affirmé à Niamey que l’objectif d’un départ des 1.400 soldats français d’ici la fin de l’année serait « tenu », comme annoncé par le Président Emmanuel Macron fin septembre 2023.
Une déclaration faite lors d’une conférence de presse commune avec le colonel nigérien Mamane Sani Kiaou, chef d’état-major de l’Armée de terre, qui a précisé que 282 militaires ont déjà quitté le Niger « à la date d’aujourd’hui ».
Selon le général Ozanne, « deux gros convois avec des véhicules militaires qui étaient en zone nord » sont partis et « après il va y avoir beaucoup de convois qui ont commencé et qui vont transporter des conteneurs avec du matériel non sensible dedans », sans « armement » ni matériel « de transmission ».
« Les gros flux logistiques vont véritablement commencer la semaine prochaine », a-t-il précisé, en indiquant que 2.500 conteneurs doivent être acheminés hors du pays. Chassée du Niger après l’avoir été du Mali et du Burkina Faso, l’Armée française doit évacuer hommes et matériels en majeure partie par voie terrestre vers le Tchad puis probablement le Cameroun, avant leur rapatriement en France.
Un parcours de plus de 3.000 km dont une partie qui traverse des zones hostiles où des groupes jihadistes sont actifs par endroits. N’Djamena, la capitale tchadienne, abrite le commandement des opérations françaises au Sahel avec environ un millier de militaires français. « Le Tchad n’est qu’un pays de transit, ce n’est pas une ré-articulation de notre dispositif du Niger sur le Tchad« , a indiqué le général Ozanne.
Un premier convoi de militaires français a quitté ses bases au Niger par la route et est arrivé jeudi 19 octobre à N’Djamena après dix jours de trajet. Après des mois de bras de fer entre Paris et Niamey, le ton est à l’apaisement entre les chefs militaires.
« Le désengagement se passe de manière coordonnée, on a le même objectif, on n’est pas toujours d’accord sur tout mais on se parle« , a assuré le général Ozanne. « On a travaillé ensemble pendant des années, on a demandé qu’ils quittent, donc on voudrait que tout se passe bien« , a affirmé de son côté le colonel Mamane Sani Kiaou.