Gabon: Sylvia Bongo et son conseil vont plaider sa remise en liberté d’ici le 22 octobre, après incarcération à Libreville

Afriquinfos Editeur
6 Min de Lecture

L’épouse franco-gabonaise de l’ex-Président du Gabon Ali Bongo, Sylvia Bongo Ondimba Valentin, en résidence surveillée depuis un coup d’Etat militaire fin août pour des détournements présumés de fonds publics, a été incarcérée jeudi 12 octobre à la prison centrale de Libreville.

Sylvia Bongo Ondimba assiste à un match de football entre le Gabon et la Guinée-Bissau, le 14 janvier 2017 à Libreville.

Elle avait été inculpée notamment de « blanchiment de capitaux et de faux et usages de faux » le 28 septembre. Elle a été « incarcérée provisoirement » au beau milieu de la nuit après une interminable nouvelle audition par un juge d’instruction, a raconté à l’AFP son avocate Me Gisèle Eyue-Bekale. Cette dernière a sollicité et obtenu un renvoi pour une audience dans dix jours, laquelle lui permettra de « plaider la remise en liberté ».

L’ex-Première Dame, âgée de 60 ans, est au cœur d’une vaste enquête sur de présumés détournements massifs d’argent public en compagnie de son fils Noureddin Bongo Valentin, déjà incarcéré, comme six de leurs proches ex-responsables du Cabinet présidentiel, selon des sources judiciaires concordantes. Les militaires qui ont renversé Ali Bongo en accusant son entourage d’avoir truqué sa réélection, soupçonnaient publiquement l’ex-Première dame et Noureddin d’avoir « manipulé » l’ex-Président souffrant des séquelles d’un grave Accident vasculaire cérébral (AVC) en 2018, et d’avoir été les « véritables » dirigeants de facto du pays depuis cinq ans.

Noureddin Bongo est en prison depuis le premier jour du coup d’Etat, inculpé notamment de « corruption » et « détournements de fonds publics ». « Tant qu’il y aura une différence entre la justice et l’arbitraire, entre le droit et la vengeance, nous dénoncerons cette procédure illégale« , a commenté de Paris pour l’AFP Me François Zimeray, l’avocat français de Mme Bongo. Dans la nuit du 30 août, moins d’une heure après l’annonce de la réélection d’Ali Bongo Ondimba, l’armée mettait « fin au régime ». Le général Brice Oligui Nguema, leader du putsch, était proclamé le surlendemain président de la Transition.

- Advertisement -

-« Dynastie Bongo »-

Il a promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections mais sans en fixer l’échéance et est adulé par l’immense majorité de la population et de la classe politique qui applaudissent les militaires pour les avoir « libérés » de 55 ans de « dynastie Bongo ».

Ali avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans. Ali Bongo avait été placé en résidence surveillée le jour du putsch mais déclaré libre de ses mouvements une semaine après. Les militaires ont semblé le mettre rapidement hors de cause considérant qu’il était « manipulé » par son épouse et leur fils. La nuit du putsch, Noureddin Bongo ainsi que plusieurs de ses jeunes proches et proches de sa mère au sein du Cabinet présidentiel avaient été arrêtés et montrés au pied d’innombrables malles, valises et sacs débordant de billets de banque pour des centaines de millions d’euros saisis à leurs domiciles.

Puis inculpés et incarcérés notamment pour « corruption, détournements de fonds publics, blanchiment de capitaux, association de malfaiteurs, falsification de la signature du Président de la République et trouble des opérations électorales« . Ainsi que deux anciens ministres, proches de Noureddin et Sylvia. « La Première dame et Noureddin ont gaspillé le pouvoir d’Ali Bongo », assénait le 18 septembre le général Oligui. « Depuis son AVC, ils ont falsifié la signature du Président, ils donnaient des ordres à sa place », en plus « du blanchiment d’argent et de la corruption ». « Qui dirigeait le pays alors? », se demandait-il.

Mme Bongo cristallise, notamment depuis l’AVC de son époux, une certaine forme de haine dans une partie de la population, qui transparaissait dans les médias non gouvernementaux et sur les réseaux sociaux. Accusée avec Noureddin d’être à la tête d’une « légion étrangère » dirigeant le pays en sous-main et détournant « massivement » des fonds publics placés, selon leurs détracteurs, sur des comptes à l’étranger, dans des sociétés-écrans, dans des paradis fiscaux et dans des achats d’immeubles de prestige à Londres ou ailleurs.

« Un petit Gabonais qui vole une boîte de sardine, on l’enferme et ceux qui volent des milliards (de francs CFA), ils resteraient en liberté ? », s’étrangle Kevin Foula, 30 ans, devant des commerces de rue près de la prison. « Je suis vraiment contente, elle détestait les Gabonais comme elle détestait son mari », renchérit Jackie Okome, 52 ans, devant son étal. « Elle paye parce qu’elle nous a trop fait souffrir », ponctue une autre commerçante, Lydie Nkeme Sima. « Qu’elle reste en prison jusqu’à son dernier souffle, elle a gaspillé le pays et nous, nous souffrons », ponctue Natacha Ada Nguema, 43 ans et sans travail.

Le Gabon est le troisième pays le plus riche d’Afrique par habitant grâce à son pétrole mais un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de deux euros par jour, selon la Banque Mondiale. La prison centrale de Libreville est une prison de sinistre réputation et surpeuplée. Mais Mme Bongo est « certainement » dans le quartier des femmes, « rénové récemment, dans une aile neuve où les détenues ont leur propre lit, une salle d’eau et même une buanderie », précise Me Eyue-Bekale.