Graves accusations de tortures de migrants en Arabie: L’Ethiopie compte tirer au clair toutes les zones d’ombre

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Addis-Abeba  (© 2023 Afriquinfos)- Le Gouvernement éthiopien a annoncé ce mardi 22 août 2023 qu’il allait mener une enquête conjointe avec l’Arabie saoudite, après la publication d’un rapport de Human Rights Watch accusant des gardes-frontières saoudiens d’avoir tué des « centaines » de migrants éthiopiens entre mars 2022 et juin 2023.

«Le gouvernement éthiopien enquêtera rapidement sur l’incident en collaboration avec les autorités saoudiennes», a annoncé le ministère des affaires étrangères dans un communiqué publié sur le réseau social X.

«A ce stade critique, il est fortement recommandé de faire preuve de la plus grande retenue et de ne pas faire de déclarations inutiles jusqu’à ce que l’enquête soit terminée», ajoute le ministère, assurant que «les deux pays, malgré cette malheureuse tragédie, entretiennent d’excellentes relations de longue date».

Dans son rapport, l’ONG affirme que les gardes-frontières saoudiens ont tué des «centaines» de migrants éthiopiens qui tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du Golfe via la frontière avec le Yémen, entre mars 2022 et juin 2023. Les autorités saoudiennes contestent les faits rapportés par l’ONG. Une source gouvernementale a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) que ceux-ci sont «infondés et ne reposent pas sur des sources fiables».

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Le rapport s’appuie sur des entretiens avec trente-huit migrants éthiopiens qui ont tenté de passer en Arabie saoudite via le Yémen, sur des images satellites, des vidéos et des photos publiées sur les réseaux sociaux «ou recueillies auprès d’autres sources».

Accusations froides et glaçantes

Les personnes interrogées ont parlé d’«armes explosives» et de tirs à bout portant, les gardes-frontières saoudiens demandant aux Ethiopiens «sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire». Ces migrants racontent des scènes d’horreur: «Femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts», relate HRW. «Ils nous tiraient dessus, c’était comme une pluie» de balles, témoigne une femme de 20 ans, originaire de la région éthiopienne d’Oromia, citée par l’ONG. «J’ai vu un homme appeler à l’aide, il avait perdu ses deux jambes», mais, raconte-t-elle, «on n’a pas pu l’aider parce qu’on courait pour sauver nos propres vies».

HRW appelle Riyad à «cesser immédiatement» le recours à la force meurtrière contre des migrants et demandeurs d’asile, exhortant l’ONU à enquêter sur ces allégations. Des centaines de milliers d’Ethiopiens travaillent en Arabie saoudite, empruntant parfois la «route de l’Est» reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans.

La traversée de la mer Rouge par les migrants originaires de la Corne de l’Afrique a pris de l’ampleur il y a une quinzaine d’années, donnant naissance à un réseau transnational de passeurs de plus en plus violent

L’ancienne route des esclaves s’est muée pour devenir celle des migrants. Depuis des siècles, des hommes ont fait traverser la mer Rouge à d’autres hommes, originaires du continent africain, pour exploiter leur force de travail dans la péninsule Arabique.

Dans les années 1920, le journaliste Joseph Kessel et le trafiquant Henry De Monfreid avaient suivi le parcours d’une caravane d’esclaves partie d’Abyssinie, jusqu’à la région du Hedjaz, sur les côtes saoudiennes, via Djibouti. Cent ans plus tard, l’itinéraire n’a que peu varié. Les Ethiopiens continuent de franchir le détroit de Bab-el-Mandeb, là où les eaux de la mer Rouge se mélangent à celles du golfe d’Aden. Depuis le début de l’année, près de 90.000 migrants ont rejoint le Yémen par cette route, selon l’Organisation internationale pour les migrations, avec pour but de gagner l’eldorado saoudien.

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