«Nous sommes convaincus que les tribunaux canadiens parviendront à la conclusion que Meng Wanzhou est innocente et qu’elle doit être libérée»

Afriquinfos Editeur
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Meng Wanzhou, chief financial officer of Huawei, leaves her home to go to B.C. Supreme Court in Vancouver, Wednesday, January 22, 2020. The British Columbia Supreme Court will release a key decision next week in the extradition case of Huawei executive Wanzhou. THE CANADIAN PRESS/Jonathan Hayward

Exclusif /Vancouver (© 2021 Afriquinfos) – Afriquinfos a recueilli une déclaration d’Alykhan Velshi, vice-président de Huawei Canada dans l’affaire Meng Wanzhou, qui défraie la chronique judicaire et diplomatique depuis près de trois ans entre les États-Unis et la Chine. Huawei est un  groupe leader dans les Technologies de l’Information et de la Communication, fortement engagé en Afrique et pour le développement de la connectivité de l’Afrique.   

À quel stade est actuellement l’affaire Meng Wanzhou ? Que signifie l’audience du 29 juin et quel rôle joue-t-elle dans l’affaire de l’extradition de Meng Wanzhou ?

Meng Wanzhou se trouve bloquée dans le processus d’extradition du Canada depuis plus de deux ans et demi. Notre position a toujours été que les charges contre Meng sont sans fondement, que son arrestation était un exemple magistral de comment violer les droits d’une personne et que les informations fournies par les États-Unis au Canada dans son dossier étaient trompeuses.

Il est temps que cette procédure d’extradition arrive à son terme et nous espérons que cela se fera au cours de cette année afin que Meng Wanzhou puisse rentrer chez elle en Chine. La prochaine série d’audiences, qui, espérons-le, sera la dernière, aura lieu en août.

Les audiences des 29 et 30 juin étaient importantes parce que nous avons cherché à introduire de nouvelles preuves provenant de HSBC, la banque britannique, qui démontrent l’ampleur de la tromperie de l’administration Trump dans les informations qu’elle a fournies aux tribunaux du Canada pour justifier l’arrestation de Meng.

Quelle est l’accusation de « fraude » portée par les États-Unis dans cette affaire ? Sur la base des nouvelles preuves divulguées après l’audience, on peut supposer que l’accusation de « fraude » portée par les États-Unis contre Meng était erronée. De toute évidence, la « fraude » n’est pas également établie au Canada. Par conséquent, ce pays devrait mettre fin à l’extradition. Est-ce une analyse appropriée ?

Meng Wanzhou n’est accusée d’avoir violé aucune loi canadienne. Tout comme Meng Wanzhou est devenue un pion dans un conflit politique plus large entre les États-Unis et la Chine, le Canada a été pris en otage dans ce conflit. Il n’est pas logique qu’elle soit détenue au Canada depuis plus de deux ans et demi alors qu’elle n’est accusée d’avoir violé aucune loi canadienne. La seule résolution acceptable, la seule façon pour le Canada de se sortir de cette situation, est de l’autoriser à retourner en Chine.

Comment le public doit-il analyser les nouvelles preuves divulguées cette fois-ci ?

Ces preuves démontrent très clairement que les informations que les États-Unis ont fournies au Canada pour justifier la détention de Meng Wanzhou étaient erronées. Les États-Unis ont délibérément tenté d’induire en erreur les tribunaux canadiens. Les documents HSBC que nous cherchons à introduire changent la donne car ils démontrent que le dossier américain sur cette affaire est fallacieux.

Pensez-vous que les nouvelles preuves divulguées cette fois-ci sont essentielles pour démontrer l’omission sélective et trompeuse des documents du ROC américain ? Si ce fondement est renversé, cela signifie-t-il que le Canada devrait immédiatement mettre fin à l’extradition ? Comment voyez-vous l’évolution de l’affaire ?

Nous espérons que les tribunaux parviendront à la même conclusion que nous, à savoir que Meng Wanzhou est innocente et qu’elle devrait être autorisée à retourner en Chine. Ces documents HSBC démontrent très clairement que, contrairement à ce que les États-Unis ont affirmé dans leur dossier, HSBC n’a jamais été trompée par Meng. La seule fraude qui a été commise est celle des États-Unis à l’encontre de Meng Wanzhou.

Selon vous, pourquoi l’affaire Meng Wangzhou dure-t-elle depuis plus de deux ans ?    

Bien que les avocats de la défense de Meng Wanzhou et ceux du procureur général du Canada aient procédé aussi rapidement que possible, les procédures judiciaires prennent du temps. C’est également le cas ici. L’accès aux preuves a constitué un véritable défi. Étant donné que ce sont les États-Unis qui inculpent Meng, et que les allégations contre Meng concernent en partie HSBC, une grande partie des preuves qui seraient importantes pour les tribunaux canadiens n’ont pas été physiquement présentes au Canada. Bon nombre des retards dans l’affaire s’expliquent par le temps qu’il a fallu pour avoir accès aux preuves. Par exemple, les avocats de Meng ont dû poursuivre HSBC au Royaume-Uni et à Hong Kong avant de pouvoir obtenir des documents de leur part. Il a ensuite fallu du temps pour rechercher ces documents. Ce seul fait a entraîné un retard supplémentaire d’environ un mois cette année. Je pense que ces retards renvoient à un thème plus important dans cette affaire : pourquoi ce litige a-t-il lieu au Canada ? Pourquoi le Canada a-t-il été entraîné dans cette affaire par les États-Unis ? Pourquoi les États-Unis forcent-ils leurs alliés, comme le Canada, à assumer le rôle de gendarme mondial des États-Unis ?

Certains commentaires en provenance des Etats-Unis soutiennent que Washington utilise des moyens politiques pour créer des cas juridiques. En tant qu’expert en matière d’extradition au Canada et même dans le monde entier, dans quelle mesure pensez-vous qu’il y a eu une ingérence politique dans cette affaire ?

C’est une poursuite politique. Vous n’avez pas besoin de me croire sur parole. Vous avez juste besoin d’écouter ce que le président Trump a dit, quelques jours après l’arrestation de Meng Wanzhou. Il a dit qu’il l’utiliserait comme monnaie d’échange dans ses conflits commerciaux avec la Chine. Voici ses mots exacts : « Si je pense que c’est bon pour ce qui sera le plus grand accord commercial jamais conclu – ce qui est une chose très importante – ce qui est bon pour la sécurité nationale, j’interviendrais certainement si je le jugeais nécessaire. » Cette poursuite politique entache notre système juridique.

Le Canada insiste sur le fait qu’il adhère toujours aux règles de droit. Un commentaire sur la gouvernance judiciaire du Canada ? En considérant l’ensemble de l’affaire, quels types d’abus de procédure pouvez-vous soulever ?

Nous sommes convaincus que les tribunaux canadiens parviendront à la même conclusion que nous, à savoir que Meng Wanzhou est innocente et qu’elle doit être libérée. Il est clair pour nous que le gouvernement et les tribunaux canadiens ont été trompés par la façon dont les États-Unis ont traité cette affaire. Le seul remède acceptable est que Meng Wanzhou soit autorisée à rentrer chez elle, auprès de ses enfants, de sa famille et de son entreprise.

 Propos recueillis par E. G. G.