Les vendeuses des fruits de Bujumbura

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« Je suis veuve depuis 2000. Mon mari a été tué. Il m’a laissé huit enfants. Il fallait les nourrir, payer leur scolarité, les soigner, le loyer », raconte Chantale Akimana, une vendeuse installée à proximité de la galerie marchande Yes. Après la mort de son mari, elle a pris la décision de se tourner vers les fruits.

De temps en temps, elle arrête de parler, tourne la tête dans tous les sens. Elle vérifie qu'il n'y a pas de policiers dans les parages. « Certains débarquent en tenue civile, on ne sait jamais », souffle-t-elle, avant de continuer son histoire. « J'avais comme autre choix la prostitution ou la mendicité. J'ai choisi le commerce », dit-elle, une lueur de fierté dans le regard.

Avec 50 000 francs burundais (36 dollars) comme un capital, elle lance son « affaire ». Douze ans après, où en est-elle ? « Mes enfants peuvent manger deux fois par jour, mes revenus quotidiens se situant entre 3000 et 4000 Fbu (autour de 3 dollars). Avec cela, j’achète 2 kg de farine de manioc, des légumes et de l’huile. Je parviens même à épargner 1000 Fbu par jour », poursuit-elle, avant de déguerpir à la vue d’un homme portant le regard sévère… C'était un policier.

Plus loin, près du marché central de Bujumbura, un bébé dans le dos, Adija Nijimbere, une autre vendeuse ambulante, revient sur ce qu’elle appelle le « grand risque du métier » : la peur du policier.  

« Lorsque nous sommes attrapées, nous sommes parfois tabassées et nos fruits sont confisqués », précise-t-elle. Pour leur échapper, nous nous cachons derrière des containers, dans les galeries. » Les « meilleurs clients », assure-t-elle, sont ces automobilistes qui s'arrêtent à l'improviste pour acheter des mangues, des avocats.

Du côté des autorités municipales et policières, on a une autre version : « Que n'a-t-on pas fait pour que ces bonnes femmes comprennent qu'elles doivent payer des taxes et avoir des stands connus par la mairie », explique Marie Suzanne Ndayisaba, administratrice de la commune Rohero. Elle rappelle que le commerce ambulant est interdit dans la capitale : « Le marché central a été  agrandi pour éventuellement les intégrer ».

Elle cite en exemple de l’espace « le Grenier du Burundi », un hangar couvert où s'entassent oranges, mandarines, bananes, ananas et des légumes. « Nous sommes en train de les sensibiliser pour qu’elles puissent rejoindre les marchés des quartiers périphériques, voire le marché central de Bujumbura », signale, pour sa part, l’administratrice de la commune Rohero.

Les vendeuses ambulantes ne l'entendent pas de cette oreille : « Nous n’avons pas les moyens d’avoir des places au marché. Trop cher ! », fulmine Anitha Kanyana.

Même vive opposition à la proposition d’aller s'installer dans les marchés de la banlieue : « Nos clients sont des fonctionnaires qui rentrent le soir après le boulot, les étudiants et des ressortissants étrangers! » Elle préfèrent donc les rues de la capitale et le jeu de cache-cache avec les forces de l’ordre.