Une idée des trésors d’énergie déployés par des migrants béninois pour regagner illégalement la Tunisie

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Cotonou (© 2024 Afriquinfos)- La quête de l’eldorado européen est parsemée d’embûches pour des migrants illégaux.  Chaque année, des centaines terminent leur aventure dans la Méditerranée. Les plus chanceux, c’est selon, terminent leur périlleux périple dans les pays de transit à l’instar du Niger, de la Libye ou encore la Tunisie  Une centaine d’entre eux, originaires du Bénin et secourus par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM),  témoignent de leur tribulations.

Ils sont 173, presque tous issus de la ville de Djougou dans le Nord du Bénin, à avoir sur la base du volontariat regagné leur pays avec l’aide des autorités béninoises et de l’OIM.  Ils se sont retrouvés bloqués en Tunisie après avoir tenté de rallier l’Europe par des itinéraires aussi improbables que dangereux. Moussa, 31 ans, raconte son expérience. Il dit avoir quitté le Bénin en 2019, en direction de l’Europe via l’Afrique du Nord. « J’ai quitté Djougou et suis passé par le Niger. De là, je me suis rendu en Libye. Moussa a passé deux ans en Libye, travaillant illégalement et évitant la police. « Pour sécuriser mes revenus, j’envoyais chaque mois mes économies à mes parents », se souvient-il.

Toujours selon son récit : « En 2021, il avait économisé environ 1 300 000 francs CFA (environ 2 000 dollars). « Cette année-là, j’ai tenté de traverser la Méditerranée pour entrer en Italie pour la première fois. » Cependant, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. « La Garde nationale libyenne nous a attrapés et nous a refoulés. » Moussa a été emprisonné mais a finalement utilisé ses économies pour payer une amende de 300 000 francs CFA (environ 500 dollars) et a été libéré. Sans se laisser décourager, il se dirigea vers l’Algérie.

A Alger, son séjour fut bref et il entra bientôt en Tunisie. Il y resta bloqué trois ans jusqu’en mai 2024, lorsque, dans la nuit du 16 au 17 mai, un bateau transportant une cinquantaine de migrants, dont des Béninois, coula au large des côtes tunisiennes, faisant une dizaine de morts. Par la suite, le gouvernement béninois, en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations, a organisé le retour volontaire de 173 migrants béninois bloqués en Tunisie, dont Moussa.

Moussibatou, 29 ans et Isisaka, 27 ans,  font aussi partie de cette vague de migrants rentrée au bercail. Ils évoquent principalement tous deux, les difficultés économiques, pour justifier leur décision de rallier l’Europe à tout prix. Mais ce n’était guère mieux en Tunisie où ils s’étaient retrouvés bloqués : Moussibatou, elle, se souvient des jours sans nourriture où elle devait demander de l’aide à ses parents. «J’ai trop souffert. J’ai vécu en Tunisie des choses difficiles à expliquer », a-t-elle avoué, évoquant en larmes les kilomètres parcourus dans le désert entre le Niger et l’Algérie ainsi que les chemins nocturnes risqués empruntés pour entrer en Tunisie

« Nous tous, femmes, enfants, hommes, vivions cachés dans des abris de fortune dans la brousse parce que les Tunisiens refusaient de nous louer » renchérit Issiaka qui espérait améliorer les conditions de vie de ses parents restés à Djougou. Mais la traversée de la Méditerranée n’était pas une mince affaire : « Après avoir vérifié la météo et s’être assuré des conditions favorables, les passeurs lancent généralement les convois vers 23 heures, mais les perturbations météorologiques en pleine mer peuvent provoquer des naufrages », explique Moussa qui abandonnera son projet après la mort en mer de certains de ses amis. : « Je ne pouvais pas sacrifier ma vie pour ça ! » a-t-il lâché à son retour à Cotonou où le vol charter les a convoyer lui et ses camarades d’infortune. Là, ils espèrent tous un accompagnement de l’Etat béninois afin de se réinsérer professionnellement.  Mais pour certains d’entre eux, ce retour au pays vise à reculer pour mieux sauter. Le rêve d’Europe est toujours dans un coin de leur tête. On se doute qu’ils ne prendront plus les mêmes risques pour y parvenir.

Boniface T.