Dans les rues et les marchés des grandes villes béninoises, on ne peut parcourir cent mètres sans croiser un enfant portant une charge quelconque sur la tête ou sous les bras. Venus pour la plupart des villages reculés du pays, ils sont les premiers à se lever le matin et les derniers à se coucher le soir. Ils sont pour la plupart confiés à leur "tutrice" par des parents qui vivent dans la misère des zones rurales.
Ces enfants de cinq à 14 ans sont obligés de s'adonner à des activités commerciales dont les bénéfices reviennent à des personnes assurant leur garde.
"Ma tutrice va me tuer. J'ai perdu 200 FCFA de ma recette", se lamente Alice, une petite fille de moins de 10 ans, assise à même le sol, devant le stade de l'Amitié de Cotonou, à côté d'une glacière pratiquement vide.
Non loin de là, aux abords de la route inter Etat entre le Bénin et le Togo, sous un soleil de plomb, un groupe de petites filles essaient de se faufiler entre les véhicules, pour vendre aux voyageurs des pains sucrés emballés dans des sachets.
Elles se soucient peu du danger qui les guette, en courant derrière des véhicules. Leur seul objectif est de vendre, pour ne pas se faire battre par leur "tutrice".
"On m'avait dit au village que je serai très à l'aise en ville, mais la réalité est tout autre", nous a confié la petite Alice.
Dans les grandes villes du Bénin, le cas de ces fillettes, qui n'ont jamais franchi la porte d'une école primaire, malgré la gratuité de l'école primaire et secondaire, déclarée par l'exécutif béninois, mais exercent à longueur de journée des activités économiques non négligeables, afin de subvenir aux besoins de leur famille "adoptive", n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
La situation des apprentis maçons est tout aussi évocatrice.
On les retrouve sur la plupart des grands chantiers de construction de Cotonou et de Porto-Novo.
La plupart d'entre eux commencent leur apprentissage à l'âge de sept ou huit ans et peuvent atteindre dix à 15 ans, toujours au service assidu du patron, avant d'être libéré.
"J'ai commencé mon apprentissage en 1998 quand j'avais sept ans. Depuis ce temps, j'ai été au service de mon patron en permanence, avant d'être libéré en juin 2011", a témoigné Claude Bodjrènou, un jeune maçon de 21 ans.
Selon une étude réalisée par le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) en 2002 , le travail des enfants au Bénin prend des proportions de plus en plus inquiétantes.
"En 2002, le nombre d'enfants travailleurs de cinq à 14 ans au Bénin est estimé à 484.354, soit 276.081 garçons et 208.273 filles", révèle l'étude, qui précise que ces chiffres sont basés sur le deuxième recensement général de la population et de l'habitation qui évalue à six millions d'habitants la population béninoise.
Selon la même source, les enfants travailleurs se retrouvent dans une cinquantaine d'activités regroupées autour de l'artisanat, du commerce informel, de la restauration populaire et du secteur domestique.
"L'artisanat occupe les garçons qui affirment y apprendre quelque chose alors que le commerce ambulant qui prédomine est réservé prioritairement aux filles exposées aux risques d'accident de la circulation et au harcèlement sexuel", révèle la même étude.
Pour le sociologue Paul Tossouvi, bien que le Bénin ait ratifié un ensemble de mesures juridiques visant la protection de la santé physique, intellectuelle de l'enfant, le travail des enfants demeurent toujours une réalité sur l'ensemble du territoire du pays.
"Le Bénin a ratifié plusieurs conventions internationales et sous-régionales de lutte contre toutes formes de violences aux droits de l'enfant, notamment la Convention relative aux Droits de l'Enfant ratifié le 3 août 1990 et la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant, ainsi que les Convention 138 et 182 de l'Organisation international du Travail", a-t-il rappelé.