Togo: L’Etat va sévir autour du ‘business’ de la vente des poches de sang dans les hôpitaux publics 

Afriquinfos Editeur
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Le Ministre Togolais de la Santé et de l’Hygiène publique lancé avertissement ferme contre le trafic illicite des produits sanguins

Lomé (© 2024 Afriquinfos)- Le Ministre Togolais de la Santé et de l’Hygiène Publique a lancé un avertissement ferme contre le trafic illicite des produits sanguins dans les structures sanitaires du pays. Le Pr Tchin Darre a promis des sanctions exemplaires contre les auteurs de ces pratiques.

« Toute formation sanitaire ou tout individu qui s’adonnerait à la vente illicite de sang, au trafic de produits sanguins ou à toute spéculation sur ces derniers fera face à la rigueur de la loi », a averti le ministre dans un communiqué publié ce mardi 15 octobre.

Dans sa note, le ministre a dénoncé la spéculation et les pratiques douteuses entourant la distribution de ces produits pourtant destinés à sauver des vies humaines.

Le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), institution en charge de la gestion des produits sanguins, distribue régulièrement ces produits aux banques de sang des établissements hospitaliers. Ces derniers sont ensuite censés fournir, de manière nominative, ces ressources vitales aux patients hospitalisés.

Cependant, certaines formations sanitaires et des agents peu scrupuleux détournent ce processus en engageant des pratiques illicites. « Il m’a été donné de constater que les produits sanguins font l’objet de trafic et de spéculation, ce qui est totalement inadmissible dans un contexte où ces ressources sont cruciales pour sauver des vies », a déclaré le ministre.

Pour éviter les abus et encadrer strictement la distribution des produits sanguins, l’arrêté interministériel Nº 0045/2009/MS/MEF, signé le 10 mars 2009, fixe les tarifs applicables. Ainsi, le Concentré de Globules Rouges pour adultes (250 ml) est fixé à 6 000 FCFA, celui pour enfants (125 ml) à 3 500 FCFA, le Plasma Frais Congelé (200 ml) à 2 000 FCFA, et le Concentré Standard de Plaquettes (5 unités) à 10 000 FCFA.

Pr Tchin Darre a également réitéré que dès que les produits quittent les locaux du CNTS pour les banques de sang, ils deviennent la propriété des établissements hospitaliers. Cela doit exclure toute forme de spéculation ou de revente illicite.

Le ministre a instruit ses services techniques pour s’assurer de l’application rigoureuse de ces mesures, tout en promettant des sanctions exemplaires contre les contrevenants. « Toute formation sanitaire ou tout individu qui s’adonnerait à la vente illicite de sang, au trafic de produits sanguins ou à toute spéculation sur ces derniers fera face à la rigueur de la loi », a-t-il averti.

Le trafic des produits sanguins, dans un pays où la demande est élevée, compromet non seulement la santé des citoyens mais également les efforts de lutte contre les pénuries de sang dans les hôpitaux togolais. Ce rappel à l’ordre du ministre apparaît comme un signal fort adressé à ceux qui mettent en danger des vies au nom du profit personnel.

Des pratiques révélées par l’OPS-Afrique

Cette note du ministre de la santé fait suite à un scandale qui secoue actuellement l’hôpital Saint Joseph de Datcha, situé dans la région des Plateaux au Togo. L’Observatoire pour la Promotion de la Santé en Afrique (OPS-Afrique) a révélé un réseau de trafic de sang qui met en danger la vie de nombreux patients, en particulier des enfants. Dans une lettre adressée au ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, l’organisation a appelé à une action urgente pour démanteler ce réseau et rétablir la confiance dans les services de santé.

L’affaire remonte au 31 août 2024, lorsque le cas d’un enfant de six ans, admis pour une anémie sévère à l’hôpital Saint Joseph, a révélé les pratiques illicites en cours. Après une première référence au Centre Hospitalier Régional (CHR) d’Atakpamé, l’enfant a été pris en charge à Datcha, où un infirmier aurait exigé des parents le paiement de 15 000 francs CFA par poche de sang, soit un montant trois fois supérieur au prix officiel, sans délivrer de reçu. Trois poches de sang ont été ainsi facturées, mettant les parents en difficulté.

Selon les informations recueillies par l’OPS-Afrique, ce trafic ne se limiterait pas à cet infirmier. Une aide de laboratoire et des responsables au sein de l’hôpital seraient également impliqués, avec des poches de sang conservées illégalement à des fins de revente. Plus choquant encore, il est rapporté que certaines de ces poches de sang seraient stockées au domicile privé de l’aide de laboratoire dans le village d’Avétè.

Ces pratiques violent directement les articles 551 et 560 du Code de la santé publique togolais, qui prohibent strictement le commerce de produits sanguins. Les contrevenants s’exposent à des peines de prison allant jusqu’à trois ans, assorties d’amendes pouvant atteindre 5 millions de francs CFA.

Face à la gravité de la situation, l’OPS-Afrique a tiré la sonnette d’alarme et sollicite une intervention immédiate du ministère de la Santé pour enquêter et démanteler ce réseau de trafic. L’organisation demande également un renforcement des contrôles de la part du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS) afin d’éviter que de telles dérives ne se reproduisent.

Dans sa lettre, l’OPS-Afrique assure détenir toutes les preuves nécessaires pour faire la lumière sur cette affaire et est prête à les fournir aux autorités compétentes. Elle demande des sanctions exemplaires pour que la confiance des patients, ébranlée par ce scandale, soit rétablie dans les établissements de santé.

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